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Affaire Thomas Sankara: la fin du procès sonne la «renaissance» du père de la Révolution burkinabè

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Des images des victimes du 15 octobre 1987

La fin du procès du dossier de l’assassinat de l’ancien président du Faso, Thomas Sankara, et douze autres personnes, le 15 octobre 1987, au Conseil de l’Entente, sonne la «renaissance» du père de la Révolution burkinabè, a estimé le mercredi 6 avril 2022, le président du comité du « Mémorial Thomas Sankara », le colonel Pierre Ouédraogo, sur les lieux de la fusillade qui a emporté le panafricaniste, admiré jusqu’à nos jours par la jeunesse africaine.

Les admirateurs du leader de la Révolution d’août 1983 au Burkina Faso n’ont pas marchandé leur déplacement du côté de la salle des banquets de Ouaga 2000 où s’est tenu le procès durant six mois pour manifester leur soutien aux victimes de la tuerie du 15 octobre 1987. Satisfaits de façon générale, les soutiens des victimes, parents, amis et camarades de lutte des victimes, de la salle des banquets ont convergé sur le site du Conseil de l’Entente où le drame a eu lieu pour lui rendre un vibrant hommage.

Le président du comité du Mémorial Thomas Sankara, le colonel Pierre Ouédraogo

Arrivés en fanfare à motos et en véhicules, les admirateurs du père de la Révolution burkinabè ont manifesté leur joie au vu des verdicts de l’audience emblématique. Dansant aux rythmes des sons faisant les louanges ou l’apologie de Thomas Sankara et de la Révolution, les « Héritiers » de l’ancien président burkinabè estiment que la Révolution est une « voie salvatrice » pour le développement des pays du tiers monde ou sous-développés.

«Ce procès a connu par moment des hauts et des bas »

«Aujourd’hui, c’est l’aboutissement, la renaissance de Thomas Sankara. Nous devons tous être fiers d’être Burkinabè parce que nous avons en notre sein, un leader mondialement reconnu », a déclaré le président du comité du « Mémorial Thomas Sankara », le colonel Pierre Ouédraogo, après avoir lancé des slogans révolutionnaires pour galvaniser la foule présente pour la cérémonie de procession. Cet ancien proche et compagnon du leader charismatique burkinabè, qui a déposé la gerbe de fleurs en la mémoire des disparus, a noté que la « justice lui (Thomas Sankara) a été rendue au Burkina Faso par des Burkinabè » alors que cela n’arrive pas souvent dans ces genres de cas de haute portée politique.

Samdpawendé Ouédraogo, porte-parole des jeunes héritiers de Thomas Sankara

Pour lui, « il est certain que ce procès a connu par moment des hauts et des bas. Par moment le peuple a douté, mais nous pouvons aujourd’hui dire à la face du monde qu’il y a eu une continuité au niveau de l’Etat du Burkina Faso à travers différents régimes et même après un coup d’Etat, la justice s’est poursuivie pour Thomas Sankara parce que c’est une icône mondiale ».

Le colonel Pierre Ouédraogo qui a suivi de bout en bout le jugement dont le dossier fait environ 2 000 pages, a rendu hommage à Mariam Sankara qui a engagé avec détermination la procédure judiciaire ayant duré pendant 35 ans. « Elle a mené un combat héroïque pour que justice soit rendue à notre héros national, Thomas Sankara. Je pense que c’est un exemple pour toutes les femmes du Burkina Faso parce que déjà sous la Révolution, c’était une grande militante qui a conduit différentes opérations au niveau du comité de défense de la révolution. Elle a porté la cause de la femme en vue de la libération de la femme burkinabè », a-t-il dit pour saluer la combativité de la veuve Mariam Sankara.

Le peuple « moralement libéré pour faire son deuil »

Le seul rescapé de la tuerie du Conseil de l’Entente qui était présent sur la scène du crime, Alouna Traoré, dit être animé par un « sentiment de satisfaction » parce que le verdict vient « rétablir des faits historiques, donner la carte d’identité ou bien l’acte de naissance de l’injustice extrême qui a été commise le 15 octobre 1987 ». Pour lui, ce verdict permettra de « libérer moralement le peuple pour faire son deuil parce que la jeunesse et l’histoire commencent à rétablir la Révolution dans son droit », faisant observer que l’initiative révolutionnaire enclenchée en 1983 et stoppée en 1987 continue de faire les « bouger les lignes».

«Toute la vérité n’est pas sortie de ce procès »

«Aujourd’hui c’est un jour historique pour nous, car nous marquons d’une pierre d’or une victoire d’étape dans l’élan de la manifestation de la vérité et de la justice pour nos héros. La tenue de ce procès est une victoire en soi, une victoire de la patience car à un certain moment, certains d’entre nous ont perdu espoir », a affirmé Samdpawendé Ouédraogo, porte-parole des jeunes se réclamant « héritiers » de l’œuvre titanesque de Thomas Sankara.

Alouna Traoré, rescapé de la fusillade du 15 octobre 1987

Au cours du procès, « nous avons entendu des mensonges, des dénégations, des demi mensonges, des vérités, et tout cela nous a permis de nous faire une idée de ce qui s’est réellement passé. Toutefois, nous sommes certains que toute la vérité n’est pas sortie de ce procès », a indiqué Samdpawendé Ouédraogo, continuant que « nous jeunes héritiers encourageons les aînés qui sont encore vivants et détiennent un bout de vérité, à parler, à écrire et à témoigner sur quelques supports de leur choix pour permettre à la jeunesse d’écrire une histoire complète de la Révolution ».

A écouter M. Ouédraogo, ce sont au total « 29 victimes » qui sont tombées à l’occasion de l’avènement du coup d’Etat du 15 octobre 1987. Ces jeunes disent à compter d’aujourd’hui porter le deuil de ces 29 héros tombés pour la Révolution jusqu’à ce que des funérailles nationales soient organisées. « Pour eux aussi, justice, n’a pas été rendue d’abord », a rappelé leur porte-parole qui a poursuivi que les jeunes héritiers encouragent la justice à engager dans la foulée l’instruction du dossier sous son volet « complicité internationale ».

Dépôt de gerbes de fleurs sur le lieu de crime de Thomas Sankara

Le regroupement de jeunes réunis au sein des organisations de la société civile essentiellement a rendu hommage à la femme de Sankara et ses enfants, aux avocats notamment Me Bénéwendé Stanislas Sankara et feu, Me Dieudonné Nkoukou, qui se sont constitués pour défendre les victimes. Les «Héritiers» de Sankara ont aussi rendu hommage au président Michel Kafando et à son Premier ministre, Yacouba Isaac Zida, de même que le ministre de la Justice de la transition de 2015, Joséphine Ouédraogo, qui ont rouvert le dossier. L’assistance a été aussi reconnaissante à tous les régimes qui se sont succédé et qui n’ont ménagé aucun effort pour l’aboutissement du dossier.

En rappel, la Chambre de première instance de jugement du Tribunal militaire est allé au-delà des réquisitions concernant les trois principaux accusés (Blaise Compaoré, Hyacinthe Kafando et Gilbert Diendéré) en les condamnant à la perpétuité.

Le parquet militaire avait requis 30 ans l’ancien président du Faso, Blaise Compaoré, ministre d’Etat, ministre de la Justice au moment des faits. Les mêmes 30 ans avaient été demandés pour Hyacinthe Kafando, le chef du commando qui a commis le drame au sein du Conseil de l’Entente le 15 octobre 1987. Le procureur militaire avait enfin requis 20 ans contre le général Gilbert Diendéré qui avait la charge de veiller à la sécurité de la base du Conseil national de la Révolution (CNR).

Par Bernard BOUGOUM