Dans cette tribune, Jean-Jules Lema Landu, journaliste congolais, réfugié en France parle de la démission de Zuma en Afrique du Sud obtenu, à l’en croire, au forceps après huit motions de défiance qui n’ont pas eu les effets attendus.
C’est la fin d’un long suspense, en Afrique du Sud. Le président de la République, Jacob Zuma, a fini par démissionner, mercredi soir. Une décision tirée au forceps, après des tractations infructueuses menées à tous les niveaux. Devant son refus de rendre le tablier. Mais la force de pressions exercée, avec à la clé la menace de destitution – humiliante – a eu raison de sa « détermination injustifiée ».
La soif de s’éterniser au pouvoir n’est pas l’apanage de seuls responsables politiques africains. En ce moment même, le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu, accusé de corruption, fait de la résistance. Refusant de démissionner. Mais, comparaison n’est pas raison. Car, le « cas Zuma », au-delà de la faiblesse que beaucoup manifestent devant la toute-puissance de l’argent, est à traduire comme un mode de gouvernement, basée sur la magouille.
Devenu président en 2009, après avoir occupé le poste de vice-président, Zuma pave son parcours par des scandales retentissants. En série. L’un lié à la « corruption directe », à visage découvert ; l’autre caché, à travers les galeries souterraines, que l’œil inquisiteur pouvait pénétrer sans mal ; l’autre encore dénué de toute pudeur, l’accusant de relations sexuelles avec une femme atteinte de sida… En tout cas, pour un président, ça faisait beaucoup !
C’est en tout cela que le « cas Zuma » constituait l’injustifiable, devant son refus de démissionner. Pour donner ainsi, au plus vite, sa chance à l’Afrique du Sud de sortir de la mauvaise passe économique où il l’a jetée, mais aussi de redorer son blason sur le plan moral. Car, cette puissance économique africaine commençait déjà à essuyer un regard oblique de mépris. A cause de la désinvolture de celui qui, en principe, devait être un modèle de paradigme.
La victoire du peuple
Pourtant, les tentatives pour le faire partir n’ont pas manqué. Mais comme le pays de Mandela est déjà enraciné dans la démocratie libérale – un Etat des droits -, le seul moyen de se débarrasser de l’importun restait d’affûter contre lui les armes démocratiques : les motions de méfiance au Parlement. Il y en a eu huit, au total, sans avoir eu un effet décisif sur ce vieux briscard, issu des chemins sinueux de la lutte antiapartheid.
Or, la démocratie est une espèce de couteau à double tranchant. Si, ici, elle vous donne des avantages dont vous vous réjouissez, là-bas, elle vous barre la route. Jusqu’à vous faire broyer du noir. C’est dans cette logique que la descente aux enfers de Zuma doit être comprise. Elle se déclenche, avec une force de sape irrésistible, le 19 décembre dernier. En ce jour-là de vote interne au sein du Congrès national africain (ANC), Cyrille Ramaphosa, vice-président du pays, l’emporte d’un souffle (51, 8 %) contre sa rivale Nkosazana Dlamini-Zuma, ex-épouse de Jacob Zuma.
Or, cette place à la tête du premier parti du pays, selon la Constitution, ouvre la porte à la présidence de la République, en cas de sa victoire à la présidentielle prévue l’année prochaine. Zuma est déjà sur le gril. Il voit défiler le film de ses scandales et son passage éventuel par la « case prison ».
Le reste est l’épisode d’une farouche résistance d’un homme aux abois, face à la volonté d’un peuple, spolié et humilié, qui voulait laver l’affront et aller de l’avant. Mercredi soir, Zuma a lâché prise. Telle est loi gravée dans le marbre de la démocratie : la victoire du peuple.