Jules-Armand Aniambossou est convaincu d’une chose: «Une nouvelle page est à écrire, ensemble, entre la France et l’Afrique». Selon l’ancien ambassadeur du Bénin en France, membre de l’équipe de campagne de l’actuel locataire de l’Elysée, condisciple en son temps de Emmanuel Macron au sein de la promotion au nom évocateur de Léopold Sédar Senghor à l’Ecole nationale d’administration (ENA), et désormais membre du Conseil présidentiel pour l’Afrique, le numéro Un français porte la même vision. Et ce nouveau sceau qu’il veut apposer sur les relations entre le continent noir et son pays, M. Macron la partagera avec l’Afrique et le monde entier, en novembre prochain, dans la capitale burkinabè, Ouagadougou, où il prononcera un discours qui s’annonce historique. Autant de questions qui ont été abordées par M. Aniambossou, dans cet entretien qu’il a accordé à Wakat Séra, le lundi 2 octobre 2017, à la fin d’un de ses séjours à Ouagadougou.
Wakat Séra: Pourquoi Emmanuel Macron a-t-il porté son choix sur Ouagadougou pour parler à l’Afrique?
Jules-Armand Aniambossou: Le président Macron accorde une importance égale à toutes les villes africaines, à tous les pays du continent. Seulement, le Burkina Faso, à travers ses forces vives et surtout sa jeunesse, vient de montrer au monde entier sa soif de démocratie véritable et surtout son option de s’engager résolument sur la voie du développement. La France ayant toujours montré son engagement à soutenir cette volonté de la jeunesse africaine à se prendre en charge et à forger son destin de ses propres mains, le Pays des Hommes intègres qui a vécu le changement et des élections reconnues libres, ouvertes et démocratiques est donc un choix pertinent pour le discours de vérité que partagera le président Emmanuel Macron avec nous les Africains. En tout cas, le président Macron est certain qu’il faut qu’ensemble, l’Afrique et la France entreprennent d’écrire une nouvelle page de leur partenariat.
Repenser les relations entre l’Afrique et la France, n’est-ce pas juste une autre manière d’infantiliser le continent noir?
Depuis toujours et plus encore aujourd’hui, l’Afrique regorge de tellement d’intelligences qu’elle ne peut être menée par le bout du nez. Sans rentrer dans la polémique des indépendances octroyées, je peux, sans risque de me tromper, affirmer que la jeunesse africaine a décidé de prendre son destin en main et de hisser notre continent dans le concert des nations. Du reste, l’idée des nouvelles relations de partenariat entre la France et l’Afrique est loin d’être née ex nihilo. Le président Macron avait pris cet engagement déjà même depuis la campagne électorale, de transformer ces relations afin qu’elles profitent réellement aux deux parties. Il faut souligner que le thème était déjà en bonne place dans son discours qu’il a prononcé lors du meeting du 1er avril 2017 à Marseille. Il a l’a appelé «Les routes de la liberté et de la responsabilité». Et je fais partie de ceux qui pensent, à raison, et au-delà des débats politiques passionnés, que c’est avec la France que l’Afrique peut encore construire dans la durée. Et j’insiste sur le concept de la durée.
Est-ce à dire que désormais les Africains bénéficieront d’une plus grande indulgence de la France en matière d’immigration?
Mais non. Il ne s’agit point d’ouvrir grandement les vannes de l’immigration en France, ni pour les Africains, ni pour les ressortissants des pays des autres continents. Il s’agit simplement d’instaurer des relations de partenariat véritable, d’un partenariat gagnant-gagnant comme on le qualifie à d’autres tribunes. Il ne faut pas se leurrer, l’Afrique présente bien des opportunités pour la France, opportunités à exploiter en toute équité. La France n’a aucun intérêt à fermer hermétiquement ses frontières aux Africains, à moins de vouloir exacerber ce sentiment de rejet qui naît de plus en plus à son encontre et pousse aujourd’hui les Africains, notamment les jeunes étudiants par exemple à préférer d’autres destinations. Il s’agit, en clair, de reenchanter les relations entre l’Afrique et la France.
Reenchanter les relations?
Oui, oui, oui. Nous devons reconsidérer les relations entre l4Afrique et la France et les placer définitivement sous le double sceau de la considération et du respect. De plus, nous devons désormais nous développer et nous enrichir sur tous les plans, toujours ensemble. C’est la vision du président Emmanuel Macron qui lors de son passage à Ouagadougou en novembre prochain, doit trouver les mots pour guérir les maux qui minent le continent et touchent l’éducation, la santé, la sécurité, la culture, le sport, etc. En somme, aucune des priorités de l’Afrique ne doit être éludée. Il ne faut pas avoir peur de poser les vrais débats. Venir discuter avec la jeunesse africaine, c’est un choix noble que fait le président Macron et quand on vient voir des amis il faut parler avec eux un langage de vérité. Et le président Macron discutera en toute franchise avec les jeunes, les femmes, la société civile, etc. Il faut que ces couches fassent dont des critiques, mais qu’elles constituent surtout des forces de propositions pour le développement du continent.
Quelle place pour le Conseil présidentiel pour l’Afrique (CPA) dans cette nouvelle configuration des relations entre l’Afrique et la France?
A travers la création de cette structure qu’il a pensée et qui rassemble des Africains et des Européens, le président Macron entend être davantage proche des réalités sur le terrain. C’est un maillon essentiel de ce nouveau partenariat qui fonctionnera sous l’autorité de la cellule diplomatique de l’Elysée et qui devrait permettre au chef de l’Etat de consulter un panel de personnalités de haut niveau s’intéressant au continent africain. Le CPA travaille en complémentarité avec les structures administratives existantes car il n’a pas pour vocation, ni pour ambition de se substituer à elles.
Par Morin YAMONGBE