« Tous les Hissène Habré à travers le monde vont désormais être inquiétés. Pour tous ceux qui ont dit que nous avons été orchestrés, nous avons instrumentalisé, aujourd’hui le droit est dit et ça nous satisfait. Moi, je dis le droit n’a pas de couleur. Vous avez fait mal, vous êtes un criminel. Il faut être jugé. Que vous soyez jugés par les Blancs, par les Noirs, moi le droit n’a pas de couleur. Mais je me dis qu’aujourd’hui, on peut être d’accord que l’Afrique peut juger l’Afrique ». Cette déclaration sur Rfi, de Clément Abaifouta, le président de l’Association des victimes, à la condamnation définitive à la prison à vie de Hissène Habré en appel, résume le sentiment de satisfaction que devrait avoir tout Africain qui croit encore à la justice sur le continent noir. Mieux, c’est un signal fort envoyé à tous ces chefs d’Etat africains qui pensent encore transformer leur pays en goulag à ciel ouvert pour leurs populations. Non seulement ils n’échapperont pas à leur destin de bourreaux de leurs peuples mais ils ne seront plus envoyés devant les juges de la Cour pénale internationale (CPI) où ils se présentent en victimes expiatoires de cette cour taxée de ne prendre dans sa nasse que des poissons africains. Les tribunaux spéciaux comme la Cour d’assises des Chambres africaines extraordinaires sont désormais des épées de Damoclès qui planent sur tout dirigeant africain aux mains rouges et dégoulinantes du sang de ses compatriotes. 20 longues années ont été nécessaires pour conduire la procédure, mais elle fait aujourd’hui la fierté des Africains assoiffés de justice, et allège surtout le fardeau des victimes et parents de victimes des atrocités pour lesquelles le dictateur de N’Djaména paie aujourd’hui. Crimes de guerre, crimes contre l’humanité et actes de torture. Autant de motifs qui justifient bien cette condamnation d’un ancien chef d’Etat alors que les plus téméraires avaient commencé à désespérer de la tenue, et le cas échéant, de l’aboutissement de ce jugement historique.
Alea jacta est. Les dés sont donc jetés pour Hissène Habré qui aura désormais tout le temps de méditer et regretter, quel que soit le pays membre de l’Union africaine qu’il aura choisi pour y purger sa peine, ses méfaits. Mais pourquoi donc ces dirigeants, surtout africains se mettent-ils dans cette posture de rois moyenâgeux ayant droit de vie et de mort sur leurs sujets qu’ils ont souvent courtisés pour parvenir au pouvoir, lorsqu’ils ne s’immiscent par frauduleusement sur la scène politique par des coups d’état ? Homo homini lupus est. Cette locution latine qui fait de l’homme un loup pour son semblable n’a jamais été autant véridique pour expliquer la méchanceté des dirigeants de la trempe de Hissène Habré. Et ce n’est pas non plus pour rien que l’historien et philosophe anglais du XIXè siècle, Lord Acton a sentencieusement affirmé que « le pouvoir corrompt et que le pouvoir absolu corrompt absolument ». Toutefois, comme le dit le proverbe africain, ce n’est pas parce qu’un âne a mangé la farine et que tous les autres ont la bouche blanche, qu’il faut jeter le bébé avec l’eau du bain. Car il y a bel et bien des chefs d’Etat africains qui sont plus ou moins en phase avec la bonne gouvernance et le respect des droits de l’homme.
De toute façon, ils ont très peu de choix actuellement. Les sociétés civiles veillent désormais au grain et n’acceptent plus que les peuples se laissent engoncer dans des camisoles de force. Les prédateurs des droits de l’homme deviennent de plus en plus une race en voie de disparition, chassés par des peuples trop longtemps opprimés et désormais jaloux de cette liberté retrouvée non sans sacrifices, souvent suprêmes. Les Hissène Habré, du Tchad actuel, du Congo, de la République démocratique du Congo (RDC), du Burundi, pour ne citer que ces pays, encore protégés par des barbelés de fer ensanglantés qu’ils ont érigés autour d’eux, peuvent commencer à trembler.
Par Wakat Séra