Le Conseil constitutionnel sénégalais, en infligeant un cinglant désaveu à Macky Sall dont il a annulé le décret de report de l’élection présidentielle, vote que le président de la république a déplacé du 25 février au 15 décembre, n’a pas fixé une autre date. Les Sept Sages ayant juste fait le constat logique que la date initiale ne pouvant plus être respectée, ont demandé au pouvoir en place d’organiser le scrutin dans les meilleurs délais.
Que veut dire exactement «dans les meilleurs délais»? Est-ce dans le but que le mandat du président sénégalais ne connaisse aucun bonus? Est-ce pour amener Macky Sall à revoir à la baisse ses ambitions de passer encore au moins une année au palais présidentiel, alors que la fin de son bail constitutionnel prend fin le 2 avril prochain? Et quand est-ce que Macky Sall, vers qui tous les regards sont désormais tournés, annoncera-t-il une nouvelle date du vote, alors que celui-ci est empêtré dans ses «concertations nationales» controversées sur lesquelles il semble, pourtant compter, pour espérer gagner encore un peu de temps?
Après le rêve brisé de Macky Sall, chaque camp continue de mettre ses forces dans la bataille. Une partie de l’opposition, notamment la «Coalition Diomaye Faye Président» (CDP) continue d’exiger les élections à bonne date, et, tout comme d’autres états-majors politiques du même bord qu’elle, demande que les concertations voulues par le chef de l’Etat ne concernent que les candidats retenus pour l’élection. Ils vont plus loin, car pour eux, les «consultations pour l’organisation de l’élection dans les meilleurs délais» ne doivent débattre que de l’élection.
En face, les candidats renvoyés à leurs partis par le Conseil constitutionnel, réclament, eux, une concertation nationale pour aboutir à révision de la loi électorale et une remise à plat du processus déjà engagé. Et tous les regards sont tournés vers Macky Sall, qui est, visiblement, en train de perdre pied sur terre ferme. Par ses plans qui n’ont pas aboutis comme il le voulait, Macky Sall pourrait bien ramener Ousmane Sonko dans un jeu politique dont il avait presque réussi à l’écarter!
Pendant que les Sénégalais se retrouvent une fois de plus en conflit avec la démocratie, comme à la veille de chaque présidentielle, le reste de l’Afrique ne présente pas une santé davantage reluisante en matière d’Etat de droit. L’état des fondamentaux de la démocratie est même «très inquiétante», à en croire le commissaire du Conseil paix et sécurité. Les putschs militaires, le conflit entre généraux pour laquelle les populations civiles paient un lourd tribut, les canons des rebelles du M23 qui tonnent et déciment les habitants du Nord-Kivu en République démocratique du Congo, etc. apportent, en effet, de l’eau au moulin des afro-pessimistes.
Toutefois, il n’y a pas de quoi jeter le bébé avec l’eau du bain. Car l’Union africaine qui vient de tirer les rideaux sur son 37e sommet, reconnaît soutenir les transitions politiques dans les pays ayant connu des coups d’état, a observé les élections dans 13 pays en 2023 et compte en faire de même pour 15 scrutins cette année, se prépare à rendre opérationnelle la Force africaine en attente et mise sur la Zone de libre-échange continentale africaine, la ZLECaF.
L’Union africaine, à l’instar des organisations sous-régionales dont la CEDEAO qui vient de subir une cure d’amaigrissement avec le départ «sans délais» de ses trois membres de l’Alliance des Etats du Sahel (AES), en l’occurrence le Mali, le Burkina Faso et le Niger, est, sans nul doute, à la croisée des chemins. Pour sa survie, l’UA n’a d’autre option que d’opérer les réformes idoines pour se débarrasser de ses oripeaux de «syndicat des chefs de l’Etat» et se rapprocher courageusement du quotidien de misère des populations.
De gros chantiers en perspective pour le Mauritanien Mohamed Ould Ghazouani qui prend les rênes de l’organisation continentale en plein doute. Le défi sera partagé par le pays vice-président en exercice dont le président, Joao Lourenço a fort à faire dans la médiation entre la RD Congo de Félix Tshisekedi qui accuse le Rwanda de Paul Kagame de soutenir le mouvement rebelle M23 qui progresse, canon en l’air, vers Goma, la capitale du Nord-Kivu.
Afrique mon Afrique! Un titre iconique de David Diop, plus que jamais d’actualité alors que l’Afrique s’éloigne «des fiers guerriers des savanes ancestrales» et devient terre d’instabilité, livrée à des vents déstabilisants!
Par Wakat Séra