Il a été le seul des putschistes de son époque à s’adresser à la planète, lors de la 78e Assemblée générale des Nations unies qui se déroule à New-York. Et sa sortie était très attendue non seulement dans son pays, mais surtout par les partenaires de la Guinée qui veulent être rassurés sur le contenu et le déroulement de la transition qu’il a entamée après le coup d’Etat qu’il a perpétré le 5 septembre 2021, écourtant pour le bonheur du peuple guinéen, le 3e mandat illégitime, illégal et suicidaire du professeur Alpha Condé.
Le colonel Mamadi Doumbouya, qui a troqué le treillis camouflé contre un majestueux boubou clair et le béret rouge contre un bonnet, a comme commencé une mue pour se faire une virginité civile. Même le langage, bien que martial par endroit, a donné a fait découvrir un colonel dont la vision qui se rapproche de celle de la jeunesse africaine et de certains intellectuels du continent qui, il ne faut plus avoir peur des mots, se demandent de plus en plus si la démocratie, telle qu’importée de l’occident et confirmée par le discours de la Baule prononcé en juin 1990 par François Mitterrand, est réellement faite pour l’Afrique.
«L’Afrique souffre d’un modèle de gouvernance qui nous a été imposé, un modèle certes bon et efficace pour l’Occident qui l’a conçu au fil de son histoire, mais qui a du mal à passer et à s’adapter à notre réalité», a dit le tombeur d’Alpha Condé, qui, ne peut non plus prouver, pour le moment que les putschs militaires sont une panacée pour les maux dont souffrent le continent noir et qui ont pour noms, corruption, gabegie, népotisme, patrimonialisation du pouvoir, et surtout musellement des populations.
Si les putschistes viennent pour la plupart, comme en Guinée, sous les vivats du peuple, oppressé par le chef démocratiquement élu, in fine, ils dupliquent, pour la plupart, les mêmes tares que leurs prédécesseurs qu’ils ont tombés par les armes. Ils contraignent le peuple et les opposants au silence et poussent à l’exil tout contradicteur à leur pouvoir. Les contempteurs les plus téméraires sont simplement embastillés.
Preuve que les putschs militaires ne sont pas non plus faits pour l’Afrique qui doit pouvoir repenser son modèle de gouvernance en le collant aux réalités culturelles et peut-être même cultuelles des Africains. La réflexion prend tout son sens lorsqu’un politicien burkinabè qui battait campagne dans un village à l’intérieur du pays pour l’élection présidentielle, s’est vu demander par les anciens si le «naaba» est mort. Car, dans la conception traditionnelle, le «naaba», c’est-à-dire le chef, n’est remplacé qu’après sa mort.
Les élections, la démocratie avec, résistent difficilement à ce mode de dévolution, pour ne pas dire de legs du pouvoir, tel que connu dans l’Afrique traditionnelle. De plus, nombre de chefs d’Etat démocratiquement élus ne répondent pas, dès qu’ils sont aux commandes de la barque, aux aspirations du peuple qui est contraint de serrer la ceinture alors que les dirigeants qu’ils ont élus, portent des bretelles.
Mamadi Doumbouya qui s’est éloigné, et a tenu l’Afrique à distance de toute obédience, qu’elle soit russe, chinoise ou française, et s’est érigé en «pro-Africains», sera désormais jugé sur acte. Il n’aura visiblement plus le droit à l’erreur, suite à une adresse aussi suivie à la prestigieuse tribune de l’ONU, instance de laquelle le représentant du général Abdourahamane Tiani, le putschiste nigérien, aurait tenté de s’approcher en vain, pour l’instant en tout cas. Tous les actes du colonel Doumbouya seront scrutés à la loupe, notamment son comportement envers les droits de l’homme et de la liberté d’expression qui ne semble pas être, pour l’heure, son sport favori.
Par Wakat Séra