Le 14 mai 2017, lorsque Emmanuel Macron recevait les clés de l’Elysée des mains de François Hollande, son père politique, les Africains se demandaient déjà lequel de leurs dirigeants allait être le premier à y être reçu. L’écheveau, qui n’en n’était en réalité pas un, n’a pas mis du temps à être démêlé. C’est sans grande surprise que l’honneur ait été réservé à l’un des doyens des chefs d’Etat de l’Afrique de l’ouest et surtout président d’un pays qui compte énormément pour les intérêts économiques de la France. Et ce n’est pas un hasard que Alassane Ouattara fasse escale à Paris, avant de continuer sa route sur Berlin où il doit prendre part ce lundi à une réunion du G20. Pour les nostalgiques de la France-Afrique, cette visite ramène dans le temps, à l’époque où il fallait toujours s’arrêter sur les bords de la Seine pour prendre les consignes du grand chef gaulois avant les grandes rencontres, parfois même quand elles se déroulaient en Afrique. Et comme s’il continuait de vouloir nous jouer des tours, le deuxième chef d’Etat africain qui montera les marches du palais présidentiel français n’est autre que Macky Sall, le président du Sénégal, un autre poids lourd des relations entre la France et l’Afrique. Question: en dehors des terminaux des ports ivoiriens, du métro d’Abidjan et du soutien de la France à la Côte d’Ivoire pour son entrée comme simple membre non-permanent au conseil de sécurité des Nations unies à partir de 2018, Macron et Ouattara ont-ils parlé de Laurent Gbagbo, «l’insoumis» qui croupit dans les geôles de la Cour pénale internationale (CPI) depuis maintenant 6 ans et accuse d’ailleurs la France d’être à l’origine de tous ses malheurs?
L’histoire ne bégaiera donc jamais entre l’ancienne puissance coloniale et ses anciens colonisés. Certes, les chefs d’Etat parleront partenariat économiques et surtout stratégies à mettre en œuvre pour freiner l’élan suicidaire inquiétant du terrorisme sur le continent noir, mais le symbole reste entier. Que ce soit sous un régime socialiste ou républicain ou encore une «République En Marche» les liens historiques entre la France et l’Afrique demeurent toujours aussi forts. Le temps des Jacques Foccart et autres barbouzes qui installent ou dégomment les dirigeants africains qui font ou ne font pas l’affaire de la France est peut-être révolue, mais celui de la sauvegarde des intérêts des citoyens et surtout des magnats économiques français sur le continent noir est, lui, plus que présent. Même en matière de lutte contre le terrorisme, ce n’est pas pour les beaux yeux des Africains que Barkhane traque les djihadistes, de Gao à Tombouctou, en passant par Grand Bassam, Ouagadougou, Niamey, N’Djamena, etc. Mais comme s’ils l’ignoraient, à moins que l’objectif soit de toujours demeurer dans les bonnes grâces du sauveur de leurs trônes, ceux qui nous gouvernent ne s’embarrassent pas de gêne pour remercier la France au moindre djihadiste mis hors d’état de nuire. C’est dans cette logique qu’ils sont déjà reconnaissants à Paris de prendre les devants dans l’introduction du vote d’une résolution devant donner un soutien politique et juridique à l’envoi d’une force anti-djihadiste au Mali, au titre du G5 Sahel, composé du Burkina Faso, de la Mauritanie, du Niger, du Mali et du Tchad.
Alassane Ouattara et Macky Sall ouvrent donc le ballet des chefs d’Etat africains chez leur «cadet» français. A qui le tour après l’Ivoirien et le Sénégalais? Les conjectures vont bon train. Mais en attendant, c’est le même Macron qui se déplacera pour un séjour de deux jours au Maroc où l’attendra le Roi Mohamed VI qui n’a pas besoin de courir dans l’Hexagone pour renforcer un quelconque «partenariat» entre son pays et la France. Comme quoi, tous les dirigeants africains ne boxent pas dans la même catégorie.
Par Wakat Séra