L’article 102 de la constitution sur l’empêchement d’exercer de Abdelaziz Bouteflika ou rien. C’est la position de l’armée algérienne pour mettre fin la crise politique qui secoue le pays, il y a plus de cinq semaines, suite à l’annonce du pouvoir de remettre en selle pour un cinquième bail, un président fortement diminué par un AVC qui l’a cloué dans un fauteuil roulant depuis 2013. Même la reculade du système n’a pas vidé les rues du pays, prises d’assaut par toutes les couches socio-professionnelles qui ont franchi un palier supérieur dans leurs «révolte pacifique», exigeant désormais le départ de Bouteflika et de tout son régime, avant la fin même du quatrième mandat en cours. Assaillis de toutes parts, et conscients surtout que les manifestations qui drainent des centaines de milliers d’Algériens dans les rues risquaient de les emporter tous, les rats ont déserté le navire, jetant Abdelaziz Bouteflika en pâture. Mais comme le peuple semble ne pas se contenter de ce mouton de sacrifice, le chef d’état-major a bandé les muscles, dénonçant une main invisible derrière les rassemblements de rues et une campagne médiatique virulente contre l’armée. C’est dans cette prise de position qui se radicalise de plus en plus que le général Ahmed Gaïd Salah a tracé la ligne rouge, invitant ainsi les manifestants à ne pas sortir du cadre constitutionnel dans leurs revendications.
Le général va-t-il réussir à siffler la fin de la récréation? En tout cas, la contestation n’a pas faibli le vendredi 29 mars, qui marquait la sixième semaine consécutive des manifestations pour que tout le système Bouteflika dégage. Une chose est certaine, les voix qui étaient plutôt en faveur du président isolé qu’elles soient du Front de libération national (FLN) au pouvoir, des syndicats influents, d’élus du peuple ou d’hommes d’affaires, se rallient à la proposition de l’armée de mettre en branle l’article 102. Mieux, un nouveau gouvernement de 27 membres, dont cinq femmes, et dirigé par Nourredine Bedoui, vient d’être formé. Le fait important de cette nouvelle étape est indubitablement le départ de Ramtane Lamamra, vice-Premier ministre et chef de la diplomatie algérienne, et, comme pour bien mettre en évidence que c’est lui qui tient actuellement le gouvernail du bateau algérien, le général Ahmed Gaïd Salah, le chef d’état-major des armées garde son marocain de vice-ministre de la Défense. Et la lutte organisée contre la fuite des capitaux a commencé à faire des victimes dont la première n’est autre que le très influent ancien chef du patronat algérien, Ali Haddah, un proche de Abdelaziz Bouteflika, et surtout de son frère Saïd. Derniers soubresauts d’un pouvoir dont certains refusent de couler avec le champion dont ils voulaient faire un président à vie? Difficile de répondre à cette question à l’étape actuelle de cette série politique algérienne qui réserve encore bien des épisodes dont la réaction du peuple qui ne veut plus entendre parler du système Bouteflika.
Une chose est certaine, l’armée a clairement défini sa position. Les manifestants vont-ils ranger pancartes et slogans suite à cette mise en garde sans équivoque ou cette décision leur donnera-t-elle un nouveau souffle dans leur combat pour une alternative politique en profondeur? Les jours à venir, notamment le vendredi prochain, jour de manifestation par excellence nous situeront.
Par Wakat Séra