Accueil L'ENTRETIEN Alif Naaba: Les REMA veulent « positionner le Burkina Faso comme capitale...

Alif Naaba: Les REMA veulent « positionner le Burkina Faso comme capitale de la musique africaine »

0
Le promoteur des Rencontres musicales africaines (REMA), Mohamed Kaboré alias Alif Naaba

Les Rencontres Musicales Africaines (REMA), ont, entre autres ambitions, de « positionner le Burkina Faso comme capitale de la musique africaine », a déclaré son promoteur Mohamed Kaboré, plus connu sous son nom d’artiste, Alif Naaba. Dans cet entretien exclusif accordé à Wakat Séra, Alif Naaba, répond sans détour à nos questions sur la problématique des bases à mettre en place en vue d’espérer une industrie de l’économie de la musique. Le patron des REMA rassure, à deux jours de l’évènement annuel, que tout est fin prêt pour le début de la septième édition qui se tient autour du thème: « L’Afro Digital créatif et économique en émergence ».

Wakat Séra: A deux jours du début de l’évènement, quel est le niveau de l’organisation ?

Alif Naaba: Le niveau de l’organisation avance très bien. Vous savez qu’en matière d’organisation, chaque jour, il y a toujours des challenges. Mais nous sommes très heureux de trouver des solutions parce que les REMA ce sont onze mois de travail sur l’année. Quand on finit les REMA, on enchaîne avec la prochaine édition et donc, oui, les choses ont beaucoup avancé. Mais dans l’organisation, il y a toujours de petits détails à corriger et nous sommes en train de le faire dans l’espoir que nos invités qui viennent de 25 pays cette année puissent passer un bon moment au Burkina Faso. D’ailleurs, nous invitons tous les Burkinabè à accueillir leurs frères qui viennent de partout dans le monde. Nous les invitons à être, chacun, l’ambassadeur de notre résilience, de notre unité et de notre hospitalité et à le montrer aux yeux du monde.

Pour cette édition, les activités des REMA sont concentrées au Monument des Héros Nationaux. Quels messages voulez-vous faire passer ?

Nous voulons d’abord passer un message d’unité dans un Burkina qui a besoin de ses fils pour continuer à le pousser et à le mettre debout. Deuxième chose, c’est aussi parce que cet espace qui présente le cœur de Ouagadougou, rend hommage à tous nos Héros. L’autre symbole, c’est aussi le fait que pendant des années, on n’a pas encore eu un festival où beaucoup d’activités se sont faites en même temps. Donc, on a trouvé cet espace-là pour pouvoir organiser beaucoup d’activités, notamment des concerts, des showcase et aussi les expositions.

On pense que cet espace majestueux pourra accueillir les acteurs de la filière musique pour qu’ils présentent au public leurs activités, ce qu’ils font au quotidien et tout. Ce rond-point est un lieu qui permettra de vendre Ouagadougou et au-delà le Burkina Faso. Il va permettre de montrer que nous sommes attachés à notre passé.

Pourquoi avez-vous décidé d’étendre les REMA à Bobo-Dioulasso ?

Nous avons décidé d’étendre les REMA à Bobo-Dioulasso parce que nous avons remarqué que Bobo est une ville d’abord créative, une ville qui bouillonne de talents, mais au niveau de la musique, les acteurs n’étaient pas aussi outillés. Nous avons donc plaidé pour cette année en tout cas, avec quelques partenaires, pour essayer d’aller à Bobo, présenter aussi une version complète des REMA, car elle sera faite de formations et de concerts. On va travailler de sorte à former les artistes à Bobo-Dioulasso afin qu’ils soient au même niveau d’informations que ceux de la capitale, Ouagadougou.

Vous n’ignorez pas qu’à Bobo-Dioulasso, il y a énormément d’artistes. C’est un creuset important qui doit être aussi structuré. Donc, on s’est dit, il faut trouver des acteurs et des professionnels qui vont rencontrer les artistes, échanger avec eux, créer une saine émulation au sein des acteurs et les former. Il faut que cela leur permette d’avoir un regard très ouvert sur le monde, eux aussi, parce que le talent part de là, il est chez eux aussi et il faut qu’il soit connu et su par le monde.

De grosses stars annoncées pour les REMA 7

Est-ce que Alif Naaba rassure le public que les grosses stars de la musique annoncées pour les deux concerts géants à Ouaga et Bobo seront présentes ?

Oui ! Je vous le rassure, on aura tous ces artistes. On a mis en place ce programme depuis un bon bout de temps et on est content de les avoir. On aura d’ailleurs ces artistes en live. On a Didi B (Côte d’Ivoire) qui vient avec toute sa bande. On a Innoss’B (Congo) qui sera là, on a KO-C du Cameroun, Dez Altino du Burkina qui sort toute sa bande ainsi que Imilo Lechanceux. Et on sera béni cette soirée par le papa Zoug-Nanzaguemda. C’est le lieu de souligner qu’à chaque édition des REMA, il y a de la musique traditionnelle que nous programmons parce qu’on aimerait bien que les gens qui viennent d’ailleurs découvrent aussi ce qui se passe chez nous.

On reçoit aussi d’autres pays comme la Guinée à Bobo-Dioulasso où d’ailleurs, nous avons une programmation très Sahel. Nous recevons dans la belle ville de Sya, en plus du Burkina Faso, le Mali et le Niger parce que nous sommes en train de réfléchir pour que la thématique des REMA, de l’édition de l’année prochaine, porte sur le Sahel. Donc, au public, il faut sortir, car tous ces artistes ont confirmé et ils seront avec nous. Nous sommes très heureux de les avoir parce que nous voulons que le monde entier sache que le Burkina Faso reste toujours debout et que notre pays est résilient.

Parmi les nombreuses formations, on voudrait que vous reveniez sur l’importance des échanges qui auront lieu autour du Mix et du Beatmaking pour les artistes ?

Ces phases dans la musique sont hyper importantes pour les artistes à Bobo parce que le Mix va permettre d’avoir des sons de qualité, des sons potables pour pouvoir prendre part à des compétitions au niveau international. Là, il n’y a rien à faire, il faut que les artistes soient formés pour qu’ils soient au top niveau dans ce domaine. Souvent, nous produisons nos œuvres, mais leurs finalisations ne sont pas top. Du coup, même quand il y a du talent, il y a quand-même des parties où vous pêchez. Donc, la formation sur le mix va permettre à tous ceux qui produisent derrière, dans les studios, de grimper en termes de qualité de propositions et d’être dans les normes.

La formation sur le Beatmaking se fera à Ouagadougou. Mais à Bobo-Dioulasso, il y aura une autre formation hyper importante aussi, à savoir la structuration de carrière d’artiste. Nous voulons travailler à donner des outils aux artistes et à ceux qui travaillent autour d’eux, pour mieux organiser leurs projets musicaux, de mieux se structurer. Cela leur permettra d’avoir aussi une visibilité sur une longue carrière.

Pour le Beatmaking, il faut savoir que ça fait deux ans que nous formons les artistes sur cette création. C’est un projet de trois ans que nous avons mis dans notre dispositif qui s’appelle « Incubasique », c’est-à-dire que nous prenons un certain nombre de métiers que nous accompagnons pendant trois ans. Nous l’avons fait l’année dernière et cette année, nous faisons venir un beatmaker américain qui a fait des productions au niveau international. Il va travailler beaucoup avec les participants sur tout ce qui concerne la production, les sonorités ou encore tout ce qui prend en compte, par exemple l’optimisation du temps. Et puis l’année prochaine, on va les amener dans un autre aspect. Pour nous, ce sont des jeunes qui ont entre 18 à 22 ans qui sont là en train de travailler. L’idée, c’est que ces jeunes-là soient ceux qui vont demain pouvoir être en mesure de proposer aux artistes burkinabè des productions de qualité, d’imaginer même un concept qui pourra refléter notre patrimoine, notre vécu ici. Nous parlons de structuration et ça, c’est sûr des années et nous suivons cela avec beaucoup d’intérêt.

Les REMA à travers un Workshops va lancer des réflexions sur la distribution pour la filière musique. Que pouvez-vous nous dire sur l’importance de la distribution ?

L’apport de la distribution est aussi beaucoup important pour l’épanouissement des artistes parce qu’aujourd’hui, vous ne pouvez pas sortir une œuvre, sans maîtriser la distribution. Beaucoup d’artistes ici ont ce problème. Bon nombre d’entre eux sont sur les plateformes pour diffuser leurs œuvres, mais ils ne maîtrisent pas tout. C’est pour cela qu’il faut absolument tout le temps parler de la distribution pour que ce ne soit plus un débat à l’avenir. Dans les trois années à venir, il ne faudrait plus qu’on en parle en termes de débat. Il faut que tout le monde maîtrise le circuit, que les créatifs, quand ils finissent de créer, qu’on sache où les mettre. Quelles sont les conditions ? Qu’est-ce qu’on gagne ? Qu’est-ce qu’on ne peut pas faire ? Quelles sont les questions de territoires, d’édition, il faut absolument que les artistes les connaissent. C’est pour ça que nous l’avons taillé sur mesure pour Ouaga et Bobo. Et puis, nous le faisons avec même des distributeurs qui vont venir parler exactement de ce qu’il faut, de comment ça se passe. Ils vont montrer les tuyaux. Nous le ferons avec des experts qui ont travaillé pendant des années sur cette question afin de permettre aux jeunes de s’outiller et de repartir de ces workshops avec une connaissance mieux en tout cas de l’écosystème qui concerne la distribution et surtout qu’il y ait un impact positif économique dans leur carrière.

Visuel des REMA 7

Quel est le budget mobilisé pour organiser les REMA cette année ?

Les REMA ne tournent pas vraiment autour d’un gros budget, c’est aussi autour d’un réseau. Par exemple, les panélistes que nous avons, viennent parce qu’ils sont dans un réseau. Vous comprenez que moi-même quand je vais dans des panels, que ce soit à Dakar, au Zimbabwe ou je ne sais où encore, je ne demande pas forcément qu’on me paie. Pourtant, ce sont des billets d’avions, ce sont des charges. Malgré tout, on est quand-même à une centaine de millions de francs CFA pour pouvoir organiser un tel évènement.

Combien de festivaliers sont attendus pour cette édition ?

Cette année, nous attendons beaucoup de festivaliers. On estime autour de 45 000 à 50 000 personnes pour ces REMA. Vous savez que nous sommes au rond-point du Monument des Héros nationaux pendant trois jours avec un gros concert et des têtes d’affiche énormes. Et nous serons aussi au Stade Wobi de Bobo-Dioulasso avec pratiquement 20 000 à 22 000 personnes. Donc, c’est beaucoup de festivaliers que nous attendons.

Et nous comptons en tout cas toucher autour de 5 à 6 millions de followers par nos directs. Au niveau des médias télé, c’est près de huit millions personnes qu’on va toucher via nos directs également. Donc, c’est énorme parce que c’est vraiment un évènement qui contribue fortement à l’image de marque de notre pays, à dire au monde comment notre pays reste debout malgré la situation difficile et combien le Burkina Faso est toujours un pays fréquentable.

Pouvez-vous nous en dire davantage sur la certification des REMA ?

Les REMA ont eu une certification parce que c’est un évènement qui est en règle vis-à-vis des droits d’auteur, c’est un évènement qui paie les artistes dans les normes. Les artistes viennent jouer et derrière leurs prestations, leurs droits sont vraiment respectés. Donc, la Confédération africaine internationale des sociétés de compositeurs (CISAC) en collaboration avec le Bureau burkinabè des droits d’auteur (BBDA), ont voulu bien remettre la certification du Copyright Friendly Label aux REMA qui est donc un exemple. Et je pense qu’en ce moment, il y a beaucoup d’évènements qui vont suivre nos pas.

Nous sommes en train de suivre des structures comme Bravia ou Canal + qui sont dans la même dynamique. Et il y en a d’autres énormément qui respectent les droits et c’est important que toutes reçoivent une reconnaissance pour cela pour que les artistes puissent aller à ces festivals qui sont de qualité. Vous ne pouvez pas organiser des évènements, être un lieu qui accueille des artistes sans être en règle vis-à-vis du droit d’auteur. Le droit d’auteur est aujourd’hui la clé de vie pour les artistes, et c’est une solution qui permet aux artistes de vivre longtemps et de créer. Les REMA l’ont compris et c’est pour cela que nous avons reçu cette distinction.

Les REMA sont le 1ᵉʳ festival au Burkina à recevoir cette distinction ?

Oui ! Et ce n’est pas seulement le Burkina Faso, c’est le premier festival afro sur le continent à recevoir ce prix. Donc, c’est le premier évènement à l’avoir reçu en tout cas en Afrique noire francophone. C’est le deuxième sur le continent après « Visa for Music » au Maroc.

Quelles sont les ambitions des REMA pour la musique africaine et le Burkina Faso de façon spécifique ?

Les ambitions des REMA, c’est de positionner le Burkina Faso comme capitale de la musique africaine parce que les REMA travaillent avec les acteurs du continent. Notre idée, c’est de faire de Ouagadougou la capitale de l’économie de la musique. Nous voulons que chaque mois d’octobre, Ouagadougou soit la capitale de la réflexion sur la musique. Nous voulons travailler à mettre en place des dispositifs de formations qui vont impacter positivement et forcément le secteur de la filière musique en Afrique et au Burkina Faso.

L’autre point, on veut que les REMA continuent à hisser haut le drapeau du pays au firmament, que notre drapeau continue de flotter au rang des nations.

Les REMA ont été imaginées pour un meilleur épanouissement des acteurs de la musique surtout. Quelle appréciation faites-vous de la participation de vos collègues artistes ?

Il faut le reconnaitre qu’entre la première édition et puis maintenant, on a vu grimper les chiffres. Au départ, c’était très lent, ce n’était pas facile. Vous savez que les gens ont peur de la formation ou ne veulent pas de la formation. Mais de plus en plus, ceux qui se sont formés ont évolué et les autres ont vu. Donc, tout le monde commence à venir maintenant. Si j’ai un appel à lancer aux artistes, c’est de leur dire que chaque jour, notre métier change parce qu’on est dans un monde maintenant qui est digital et qui touche absolument à tout l’écosystème de la musique. Depuis le créatif jusqu’à la consommation. Donc, on est obligé de nous-mêmes nous mettre à jour parce que la façon dont on produit une œuvre aujourd’hui, ça change dans six mois ou dans un an. Comment on distribue une œuvre aujourd’hui, cela change dans trois ou six mois. Comment on fait la promotion d’une œuvre aujourd’hui, ça change dans deux, trois ou quatre mois. Où même on peut aller faire la promotion de son œuvre, ça change aussi.

Donc, il y a des mutations incroyables qui se passent régulièrement. Il faut se mettre à jour, rencontrer des gens. Et chaque fois qu’on rencontre quelqu’un, on apprend. Chaque visage qu’on rencontre dans notre milieu, c’est une page qui ouvre une porte de connaissance. Alors, il faut absolument que les jeunes artistes surtout, puissent s’encadrer, s’organiser et pouvoir ramener des lauriers à notre pays. Les gens viennent du monde entier pour les REMA et donc il n’y a pas de raison de rester chez soi. Il faut sortir massivement pour aller voir les workshops qui sont gratuits. Il suffit d’appeler et de s’inscrire. Il faut absolument aller rencontrer les professionnels et imaginer un autre monde pour nos rêves, créer nos rêves nous-mêmes.

Quel message avez-vous à lancer au peuple burkinabè ?

A quelques jours des REMA, je voudrais souhaiter et donner beaucoup de force et de courage à nos Forces de défense et de sécurité (FDS) et Volontaires pour la défense de la patrie (VDP) qui se battent. Je voulais apporter beaucoup de prières pour nos autorités qui se battent pour que le pays soit aujourd’hui debout. Vous savez que quand nous organisons ce genre d’évènement, c’est parce que derrière, nous avons le soutien de nos autorités. Donc, merci à toutes nos autorités. Nous pensons à tous ces soldats qui font de telle sorte que nous puissions nous déplacer. J’étais à Bobo-Dioulasso, à Ouahigouya dernièrement et à Koupéla, je rencontre tous ces jeunes qui sont FDS sur les voies, qui ne dorment pas et qui travaillent pour que nous puissions exister. Donc, franchement, que Dieu leur apporte beaucoup de force. Nous saluons tous ceux qui se battent pour que ce pays soit en paix.  

Entretien réalisé par Bernard BOUGOUM