L’ex-président tunisien, Ben Ali est décédé en exil en Arabie Saoudite, ce jeudi 19 septembre 2019, à l’âge de 83 ans a-t-on appris. Il a été à la tête de son pays de 1987 à 2011 l’année à laquelle il a été éjecté du pouvoir par une révolution. Cette révolution de 2011 l’a poussé à s’exilé en Arabie Saoudite.
Zine El Abidine Ben Ali est né le 3 septembre 1936 à Hammam-Sousse, dans une famille modeste qui l’élève dans le respect des traditions et lui inculque le sens de la dignité, l’amour de la patrie et le respect des autres.
Il en hérite le goût de la simplicité, de l’effort et de la rigueur ainsi que le sens de la mesure et de la tolérance.
Elève au Lycée de Sousse, l’appel du devoir envers la patrie l’interpelle. L’oppression coloniale le révolte. Aussi se lance-t-il résolument dans l’action militante au sein du mouvement nationaliste en assurant la liaison entre les structures régionales du parti du Néo-Destour et la lutte armée. Ce qui lui vaut d’être emprisonné et renvoyé de tous les établissements scolaires de Tunisie. Mais il n’abandonne pas, pour autant, ses études. Il les reprend, avec assez d’énergie et de détermination, pour entreprendre après le lycée des études supérieures.
Appréciant en lui son intelligence et sa force de travail, le Parti décide de l’envoyer en France. Il fait ainsi partie du premier noyau de la future armée nationale. Il obtient d’abord le diplôme de l’Ecole Spéciale Inter-Armes de Saint-Cyr, puis d’autres diplômes dans des institutions non moins prestigieuses : l’Ecole d’Artillerie de Châlons-Sur-Marne (France), l’Ecole Supérieure de Renseignement et de Sécurité et l’Ecole d’Artillerie de Campagne Anti-Aérienne (USA). Il détient également un diplôme d’ingénieur électronicien.
« Mon intérêt pour l’informatique », dira-t-il plus tard, « a eu une incidence heureuse sur ma façon de travailler; cela m’a donné un goût prononcé pour la logique, la rigueur de l’analyse et une vision prospective planifiée, loin de toute improvisation ».
Aussi, la seconde partie de sa carrière a-t-elle été marquée par une ascension régulière dans les diverses responsabilités, due à son sens du devoir , à sa capacité d’écoute et à la rigueur de ses analyses. Pour chaque décision, il prend soin d’étudier les données, d’analyser les situations et de confronter les résultats. Une fois la décision prise, il en conduit, par une action persévérante, la réalisation et veille, personnellement, à en assurer le suivi. A un journal, il résumera l’esprit de ce processus en une formule limpide : « J’écoute, je réfléchis, j’agis ».
Jeune officier d’état-major, il crée la direction de la sécurité militaire en 1964 et en assure la direction pendant dix ans. Nommé attaché militaire au Maroc et en Espagne, il rejoint Rabat à partir de 1974. Il est ensuite affecté au cabinet du ministre de la défense avant d’occuper les fonctions de directeur général de la sûreté nationale.
En avril 1980, il est ambassadeur à Varsovie. Au terme de sa mission en Pologne, il est de nouveau appelé, en 1984, d’abord comme secrétaire d’Etat puis ministre de la sûreté nationale. En 1986, il devient ministre de l’intérieur. En juin de la même année, il entre au bureau politique du Parti Socialiste Destourien dont il devient le Secrétaire général adjoint. Elevé au rang de ministre d’Etat chargé de l’intérieur en mai 1987, il est désigné, en octobre 1987, à l’âge de cinquante-et-un ans, Premier Ministre, tout en conservant le portefeuille de l’intérieur. Il devient secrétaire général du PSD.
Pendant que se nouaient les intrigues florentines dans l’entourage du Président Habib Bourguiba, affaibli par la vieillesse et la maladie, Ben Ali demeure au-dessus des rivalités et du jeu des clans. Il agit, au contraire, pour décrisper le climat politique, assurer l’ouverture sur les associations dont la Ligue Tunisienne des Droits de l’Homme et établir des contacts avec les partis de l’opposition. Ce qui lui vaut la sympathie et la considération de l’ensemble de la classe politique qui voit désormais en lui l’homme du dialogue et de l’ouverture.
Premier ministre, il prend en main un pays en crise, fait face à la situation avec détermination, déjouant les intrigues, multipliant les gestes d’apaisement, œuvrant à rétablir la confiance, préconisant des solutions logiques et réalistes et faisant chaque fois prévaloir l’intérêt supérieur de la Tunisie alors que, de plus en plus sujet aux absences, le Président Bourguiba était totalement coupé des réalités du pays.
Sur la foi d’un rapport médical établi par les sept médecins traitants du Président Bouguiba qui atteste de son incapacité, et en vertu de l’article 57 de la Constitution, le Premier Ministre Zine El Abidine Ben Ali, accède, le 7 novembre 1987, à la magistrature suprême. La transition se déroule, en douceur et dans le respect de la légalité constitutionnelle. Les observateurs avisés y voient un exemple de comportement civilisé. Appréciation confortée par l’attitude adoptée à l’égard de l’ancien Président qui est entouré de tous les égards.
Dès son investiture, le Président Ben Ali s’attache à honorer les engagements contenus dans la Déclaration du 7 Novembre: Etat de droit, souveraineté populaire, réconciliation nationale, respect des libertés fondamentales, démocratie, pluralisme, justice sociale, solidarité, effort, ouverture et modernité; programme auquel adhèrent l’immense majorité des Tunisiens car il répond à leurs attentes.
Ben Ali redonne d’abord, vitalité et crédibilité à l’ancien Parti Socialiste Destourien, tombé en léthargie et renfermé sur lui-même. Il rénove les structures du P.S.D. rebaptisé Rassemblement Constitutionnel Démocratique (RCD), modernise ses méthodes d’action et reformule son discours. Le Parti s’ouvre aux jeunes et à toutes les compétences, renouvelle ses cadres, restitue la parole et l’initiative à la base, renforce sa crédibilité et sa présence sur le terrain et étend son audience et son rayonnement.
Au plan politique, un climat de détente et de concorde nationale s’installe. Les mesures se multiplient pour instaurer une démocratie réelle et établir les bases d’un Etat de droit.
Amendée, la Constitution supprime la présidence à vie et la succession automatique. Le Conseil économique et social est restructuré, ses prérogatives sont étendues et sa représentativité est élargie, de manière à favoriser un consensus national sur les principaux choix en matière de développement. Un Conseil constitutionnel est créé dès après le Changement pour garantir, dans l’esprit comme dans la lettre, la constitutionnalité des lois. Et, en 1998, une loi constitutionnelle vient renforcer le dispositif puisque désormais les avis du Conseil Constitutionnel s’imposent à tous les pouvoirs et à toutes les autorités.
La liberté d’expression est garantie; le Code de la Presse est amendé à deux reprises, conférant à la législation tunisienne en cette matière une orientation nettement moderniste et libérale et assurant aux journalistes les conditions d’exercice de la profession. Nombre de mesures sont prises en faveur notamment de la presse d’opinion et des journalistes. Une nouvelle loi sur les partis, adoptée en 1988, redéfinit les modalités qui président à la création des familles et groupements politiques, imprimant un nouvel élan au pluralisme et lui conférant un caractère irréversible. Les élections présidentielles et législatives anticipées du 2 avril 1989 sont les premières, dans l’histoire du pays, à se dérouler dans la transparence, en parfaite conformité avec la loi.
Candidat de l’ensemble des Tunisiens, toutes tendances et sensibilités confondues, Zine El Abidine Ben Ali est élu Président de la République. Le consensus national autour du Président Ben Ali se confirmera à la faveur de sa réélection, le 20 mars 1994, à une très large majorité des voix.
Amendé, le Code électoral favorise aussi le multipartisme lors des élections législatives de 1994 et permet, pour la première fois depuis l’indépendance de la Tunisie, l’entrée de l’opposition à la Chambre de Députés.
De nouveaux amendements, adoptés en 1998, permettront de renforcer davantage le multipartisme dans la Chambre de Députés et dans les Conseils municipaux en garantissant un minimum de 20 % des sièges aux élus de l’opposition. D’autres amendements permettent aussi d’abaisser l’âge minimum de candidature à la députation et de garantir le droit de candidature pour tout électeur de mère tunisienne alors qu’auparavant, seul l’électeur de père tunisien pouvait postuler à la candidature. En 1999, une loi constitutionnelle facilitant la pluralité des candidatures à la Présidence de la République, est adoptée, concrétisant la pluralité de candidatures au niveau de la magistrature suprême, pour la première fois dans l’histoire du pays.
Libéral par conviction autant que par tempérament, le Président Ben Ali fait de la Tunisie un pays pionnier en matière de défense des droits de l’Homme. Une conception globale conjuguant les droits économiques, sociaux et culturels avec les droits civils et politiques est mise en œuvre.
Deux semaines à peine après le Changement, une loi réglementant pour la première fois la garde à vue et la détention préventive est adoptée. La Cour de sûreté de l’Etat et la fonction de procureur général de la République sont supprimées. De même qu’est abolie la peine des travaux forcés. La Convention de l’ONU de 1984 contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants est ratifiée, sans réserve. Les droits de l’enfant sont garantis par la loi et la culture des droits de l’Homme est promue et largement diffusée. Une nouvelle loi a été adoptée en 1999 avec comme objet de réduire les délais de la garde à vue, d’instituer la peine de travail pour l’intérêt général en substitution à la peine d’emprisonnement (à condition qu’elle soit librement acceptée par le condamné), et de définir la torture selon les normes internationales, et ce, afin d’harmoniser la législation nationale avec la convention des Nations Unies y afférente, que la Tunisie avait ratifiée sans réserve. Un projet de loi est par ailleurs soumis à la Chambre des Députés dans le but d’instaurer la règle du double degré de juridiction en matière criminelle et d’instituer la fonction de juge de l’exécution des peines.
S’opposant fermement à certaines pressions passéistes nourries par les partisans de l’intégrisme, le Président Ben Ali proclame, dès le 7 novembre 1987, son attachement à l’émancipation de la femme et sa détermination à promouvoir ses droits.
Point d’orgue de la réconciliation nationale dont Ben Ali est le maître d’œuvre, le Pacte National, auquel adhèrent toutes les sensibilités et tous les courants politiques et sociaux du pays, consacre le consensus national. Une loi d’amnistie est aussi décrétée.
Pour remettre le pays au travail, le Président Ben Ali réussit l’assainissement du climat social en réhabilitant l’Union Générale Tunisienne du Travail, en instaurant le dialogue entre les partenaires sociaux et en faisant du travail une valeur cardinale, étant convaincu que, sans création de richesses et sans efforts de production et de créativité, il n’y a point de justice sociale et point de progrès.
Les réformes économiques, mises en œuvre dans ce contexte, ont permis au pays de réaliser, durant les deux mandats du Président Zine El Abidine Ben Ali, un rythme de croissance économique soutenu d’environ 5% et un taux d’inflation ne dépassant pas les 3,1%. Un programme national pour la modernisation et la mise à niveau du tissu industriel est établi en collaboration avec l’Union Européenne avec laquelle la Tunisie signe, en 1995, un accord d’association et de libre-échange. L’infrastructure moderne, la législation favorable ainsi que le climat de stabilité et de croissance ne manqueront pas d’attirer les investisseurs. La réussite économique du modèle tunisien est saluée partout dans le monde et est même qualifiée, par certains observateurs, de « miracle tunisien ».
C’est, sans doute, une approche profondément humaniste des réalités sociales qui se révélera l’un des traits dominants de la personnalité du Président Ben Ali. Issu du peuple, il est constamment à son écoute. Il fait siennes ses préoccupations et ses espérances. L’œuvre qu’il a réalisée à cet égard se fonde sur la solidarité avec les plus démunis, le rejet de l’exclusion, le désenclavement des zones d’ombre et l’égalité des chances. De ce fait, le taux de pauvreté est ramené à 6% et les classes moyennes représentent plus des 3/4 de la population.
Aussi, grande est toujours l’émotion des Tunisiens lorsqu’ils voient leur Président visitant inopinément des quartiers déshérités, des zones escarpées ou des institutions sociales et éducatives ou économiques. En phase avec le peuple, Ben Ali s’emploie à concrétiser le concept de solidarité nationale qui sera le fondement de sa politique sociale. Ses visites sont toujours suivies d’effet immédiat, allant parfois jusqu’à provoquer, le jour même, la tenue d’un conseil ministériel qu’il préside en personne pour prendre les décisions appropriées.
C’est, d’ailleurs, à la faveur de l’une de ces visites dans les profondeurs du pays, en décembre 1992, que le Président Zine El Abidine Ben Ali décide la création du Fonds de Solidarité Nationale, mieux connu sous son numéro de compte-courant « 26-26 ». Décision qui trouve un profond écho auprès des Tunisiens qui, solidaires, répondent à l’appel du Président, multiplient dons et contributions en faveur de ce Fonds, investi de la mission de rompre l’isolement, d’améliorer les conditions de vies dans les zones déshéritées et de permettre à leurs habitants de développer des projets de sources de revenu. En outre, la création de la Banque Tunisienne de Solidarité, en 1997, permet le financement de milliers de petits projets par an, la création d’emplois pour les jeunes diplômés et la promotion de l’esprit d’initiative.
La réforme de l’enseignement, qui institue la scolarité obligatoire jusqu’à l’âge de 16 ans, permet d’atteindre un taux de scolarisation d’environ 99%, de favoriser les valeurs d’ouverture, de tolérance et d’innovation, et de promouvoir davantage l’esprit d’égalité entre hommes et femmes. Cette égalité est d’ailleurs confortée par de nombreuses mesures avant-gardistes prises par le Président Ben Ali. Le Code du statut personnel, l’un des plus progressistes du monde à l’égard de la femme, est consolidé et l’égalité entre dans le vécu quotidien.
Au plan extérieur, le Président Ben Ali a doté la Tunisie d’une diplomatie active et dynamique. Œuvrant en vue de l’intégration de l’ensemble maghrébin, de l’établissement d’un consensus interarabe, de la création d’un espace de co-développement euro-méditerranéen, Ben Ali contribue de manière agissante à la recherche d’une paix juste et durable au Moyen Orient. Sa présidence de l’Organisation de l’Unité Africaine met en exergue son attachement à la recherche de solutions négociées des conflits secouant le continent et à prévenir les conflits.
Dans ses nombreux déplacements à l’étranger ou lors de ses rencontres avec des Chefs d’Etat et des Souverains de pays frères et amis ou encore lors de ses rencontres avec des diplomates ou hauts responsables internationaux, le Président Ben Ali plaide toujours avec force en faveur d’un monde plus juste, plus solidaire, plus stable et plus prospère. Pour lui, le phénomène de la mondialisation doit être une source de progrès et de développement universels et non un facteur de déséquilibre ou de domination.
La désignation par l’UNESCO de Tunis comme capitale culturelle régionale en 1997, met en exergue le rayonnement culturel accru de la Tunisie et sa capacité de contribuer au dialogue entre les civilisations. Sous l’impulsion du Président Ben Ali, la Tunisie entre de plain-pied dans l’ère des nouvelles technologies de communication à la faveur de nombreuses mesures d’encouragement à cet égard.
Le Président Zine El Abidine Ben Ali est marié et père de cinq enfants. Son épouse, Madame Leïla Ben Ali, est très active dans plusieurs organisations caritatives tunisiennes et internationales œuvrant pour les causes de la femme, de la famille et de l’enfance.