Ainsi donc des dirigeants africains s’alignent derrière l’Arabie saoudite alors que l’émirat subit de plus en plus la dure loi de l’isolement diplomatique dans le reste du monde. Pourtant, c’est de plus en plus évident que Riyad en sait beaucoup sur la mort de Jamal Khashoggi, disparu le 2 octobre dans les locaux du consulat saoudien à Istanbul. Si les Turcs, notamment le premier d’entre eux, Recep Tayyip Erdogan, sont persuadés que le journaliste a été envoyé ad patres par un commando spécialement venu de l’Arabie saoudite comprenant de nombreuses personnes proches du trône, les Saoudiens acceptent à peine cette hypothèse. Ils reconnaissent du bout des lèvres, forces circonvolutions à l’appui, que l’ouvrier de la plume, serait mort suite à un interrogatoire qui a conduit au drame. C’est un flou et un doute à couper au couteau que le royaume saoudien essaie de maintenir autour de la mort de Jamal Khashoggi afin de sauvegarder une dignité bien ternie par ce meurtre qui montre en réalité le vrai visage d’une dictature pourtant connue et reconnue. Ce n’est donc pas étonnant que les autorités saoudiennes qui sont loin d’avoir bonne presse auprès de la…presse, soient allergiques au poil à gratter qu’était devenu le disparu.
Mais il faut le dire de go, le soutien du Soudan du sud, de Djibouti, de la Somalie et de l’Ethiopie, pour ne citer que ces pays est très intéressé. Chacun de ces dirigeants, comme on le dit en Afrique, a ses doigts dans la bouche du puissant saoudien soit pour des raisons de real-politik, mais surtout économiques. N’est-ce pas dans la même lancée qu’il faut dénoncer la participation des présidents Macky Sall du Sénégal et Ali Bongo du Gabon qui se sont rendus au «Davos du Désert» organisé par le sulfureux prince Mohamed Ben Salman (MBS)? Quelle est la logique qui a poussé ces deux chefs de l’Etat à se rendre à cette rencontre boycottée par bien des dirigeants de pays et d’institutions du reste du monde? Dire que les mêmes avaient marché à Paris par solidarité à la France suite à l’attaque contre Charlie Hebdo! Si le ridicule pouvait tuer! Aux dernières nouvelles, Ali Bongo serait hospitalisé dans un hôpital de Riyad où, il a, du reste, reçu la visite du prince héritier saoudien. Tout compte fait, soutenir cet acte ignoble c’est faire preuve de myopie mais aussi d’ignorance de l’histoire d’ailleurs, où la mort d’innocents journalistes ont failli emporter des régimes. Le Burkina Faso en a fait l’amère expérience suite à l’assassinat de Norbert Zongo, le directeur de publication de l’hebdomadaire burkinabè, L’Indépendant, un certain jour de malheur du 13 décembre 1998. En Côte d’Ivoire, la mort du correspondant de Rfi, Jean Hélène, continue de faire des vagues, tout comme, d’ailleurs, celles des journalistes toujours de la «radio mondiale», Ghislaine Dupont et Claude Verlon assassiné à Kidal, au Mali, le 2 novembre 2013, continue d’être un gros caillou dans la chaussure des dirigeants français.
C’est vraiment dommage et honteux pour ces dirigeants africains qui, pour des intérêts bassement «ventraux» ont franchi le rubicond en se montrant aux côtés d’une Arabie Saoudite décriée pour ces pratiques barbares et surtout le dernier coup moyenâgeux et hideux sous la forme du meurtre de Jamal Khashoggi. Du reste un proverbe n’énonce-t-il pas que «qui s’assemble se ressemble»? Dans leurs pays respectifs, ces dirigeants africains sont loin de figurer dans le «Guinness des records» du respect et de la défense des droits humains.
Par Wakat Séra