L’architecte burkinabè, Diébédo Francis Kéré, recevait officiellement le 27 mai dernier à Londres, le prix Pritzer connu comme étant le prix Nobel de l’architecture de l’année 2022. Une cérémonie d’hommage national au tout premier lauréat africain dans le domaine a été organisée le jeudi 2 juin 2022 à Ouagadougou par les autorités gouvernementales de la transition. A l’occasion, le lauréat a été érigé au rang d’ambassadeur de bonne volonté du Burkina Faso pour la protection et la valorisation du patrimoine culturel. Retour donc sur une soirée inédite où des femmes et hommes de la Culture et des Arts n’ont guère marchandé leur présence pour féliciter l’élu.
Il y a 57 ans, naissait à Gando, dans le département et commune urbaine de Tenkodogo, l’enfant Diébédo Francis. Après des études dans cette région du Centre-est du Burkina, le jeune Kéré décida d’aller à la conquête du monde dans l’idée d’y revenir un jour afin de bâtir la terre de ses ancêtres. Désormais c’est chose faite, car les plans d’habitat de l’architecte Kéré ne se limitent pas au seul cadastre de la commune de Tenkodogo mais s’étalent sur le monde entier pour le bien-être des terriens, a rappelé le maître de la cérémonie.
«Seul le travail paie», dit un adage. Cette maxime universelle, ce n’est pas M. Kéré qui dira le contraire, lui qui a bravé des intempéries que seul Dieu peut en chiffrer le nombre, a introduit, en cette cérémonie d’hommage national dédié à l’architecte Diébédo Francis, Me Titenga Pacéré. En effet, c’est dans une salle refusant du monde et sporadiquement rythmée par des cris de joie et de remerciements, le tout dans la musique traditionnelle, que le désormais célèbre architecte a eu droit aux honneurs nationaux pour son prix Pritzer 2022.
Déjà, pour la cérémonie officielle de remise du prix Nobel de l’architecture au Burkinabè, une délégation gouvernementale dont trois ministres et le président du Conseil national de l’Ordre des architectes, Nebila Aristide Bazié étaient à Londres en capitale anglaise pour soutenir leur confrère.
Dès le 15 mars 2022, par un communiqué de presse, «le président de la Fondation Hayat, M. Tom Prisker qui parraine le prix depuis 1969 a salué le pionnier africain de l’architecture durable par la terre et ses habitants dans des terres d’extrêmes raretés», a témoigné le ministre de l’Urbanisme, des Affaires foncières et de l’Habitat, Boukary Savadogo.
«Notre compatriote Kéré, ici présent, est un monument, un espoir pour la jeunesse du Faso», a souligné le ministre Savadogo, tout en appelant la jeunesse à la solidarité, au travail et au courage car, a-t-il poursuivi, «face à cette crise sécuritaire qui nous assaille, nous avons le devoir de rester unis afin de vaincre le mal d’où qu’il arrive comme témoigne la présence ici du meilleur architecte de l’année», a-t-il conclu.
L’honoré de la soirée, n’a pas dit autrement car avant tout, a laissé entendre Diébédo Francis Kéré, «je porte le Burkina en moi et j’en suis fier car si mes prédécesseurs à ce prix Pritzer sont en général des octogénaires, moi je n’ai que 57 ans».
Et pourtant, relativise le Burkinabè, «je suis ici dans des émotions confuses. Certains me disent être l’homme le plus heureux du monde. Certes, de fait, je le suis. Mais… me voilà, la tête pleine de souvenir de ces veuves, de ces veufs et de ces orphelins. Comment donc être l’homme le plus heureux du monde dans cette situation ?», s’est-il interrogé.
Quant à l’homme de Cultures et des Lettres, Me Titinga Pacéré, après avoir félicité chaleureusement «le jeune architecte», a poursuivi en disant qu’il n’a guère été étonné du prix reçu par Diébédo Francis Kéré car des talents dans ce domaine, il en possède à profusion. Avant lui, des compatriotes sur le métier du premier art humain ont prouvé du génie mais leur malchance, poursuit l’homme de Culture et des Lettres, était d’avoir des autorités politiques qui ne reconnaissent la valeur de l’artiste-créateur qu’à titre posthume. De ce fait, pour une fois de plus, il a appelé à valoriser «nos trésors publics vivants ».
Sur le sujet, la ministre de la Communication, de la Culture, des Arts et du Tourisme, Valérie Kaboré, a saisi la balle au bond en assurant à Me Pacéré son adhésion à son appel tout en lui promettant un changement drastique sous son mandat.
«À tout seigneur, tout honneur», un autre axiome populaire. Des confrères artistes-musicaux de l’architecte Kéré ont pris largement part à cette cérémonie d’hommage. Ainsi, le public de la soirée a vibré sous le son de la guitare d’un des doyens de la musique traditionnelle, Kisto Koinbré, du slameur Minoungou, de l’artiste tradi-moderne de renommée internationale, Awa Boussim, du Prince national, Dez Altino, entre autres.
Une séance de remise de cadeaux a mis fin à cette cérémonie d’hommage national. Diébédo Francis Kéré, lauréat du prix Pritzer 2022, le prix Nobel de l’architecture a reçu des mains de Mme la ministre en signe de récompenses et remerciements des autorités politiques nationales, une canne (symbole de longévité en pays mooaga), un sac traditionnel signifiant la sagesse et le savoir, le chapeau de Saponé (un label burkinabè dédié aux personnalités de haut rang dans le milieu social et traditionnel) et un boubou en Faso dan fani, lui, aussi sous label national destiné à des ambassadeurs culturels comme cet architecte de renom.
M. Kéré a été fait, déjà au petit matin, Commandeur de l’Ordre de l’Étalon au palais de Kosyam lors d’une cérémonie officielle par le président de la Transition burkinabè, le Lieutenant-colonel Sandaogo Paul Henri Damiba.
Par Lassané SAWADOGO (Stagiaire)