Ceci est un écrit de AfricTivistes sur « les arrestations tous azimuts, menaces et harcèlements » auxquels font face les journalistes ouest-africains.
L’année 2022 est particulièrement sombre pour les journalistes ouest-africains dont les libertés ont été à plusieurs reprises menacées et restreintes.
Au Sénégal, le journaliste et Directeur de publication du site Dakar Matin, Pape Alé Niang a été arrêté le dimanche 06 novembre dernier pour divulgation d’informations non rendues publiques par l’autorité compétente de nature à nuire à la défense nationale, de recel de documents administratifs et militaires et de diffusion de fausses nouvelles de nature à jeter le discrédit sur les institutions publiques.
Au Mali, le journaliste-blogueur, Malick Konaté, est victime depuis le 31 octobre 2022 de menaces et harcèlements après la diffusion d’une enquête intitulée « Ligne Rouge” de la chaîne française BFM TV consacrée à la société militaire privée Wagner. M. Konaté, en sa qualité de journaliste reporter d’images (JRI) indépendant, a réalisé pour la chaîne des interviews sur l’association Yerewolo qui fait la promotion de relations politiques entre le Mali et la Russie. Et depuis la diffusion du documentaire de BFM TV, ce dernier fait l’objet d’une campagne de dénigrement et de haine sur les réseaux sociaux mettant sa vie ainsi que celle de sa famille en danger.
Toujours au Mali, la chaîne de télévision Joliba TV News créée en 2021 a été suspendue le mercredi 02 novembre 2022 pour deux mois par la Haute Autorité de la communication (HAC) après la diffusion d’un éditorial critique du journaliste malien Mohamed Attaher Halidou sur la gestion de la transition politique par la junte au pouvoir.
AfricTivistes rappelle que le droit à la liberté d’expression est protégé par l’article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et l’article 9 de la Charte africaine des droits de l’Homme et des Peuples. La Déclaration de Principes sur la Liberté d’Expression en Afrique de l’Union Africaine en son point treize (13) rappelle que “ la liberté d’expression ne devrait pas être restreinte pour des raisons d’ordre public ou de sécurité nationale, à moins qu’il n’existe un risque réel de menace imminente d’un intérêt légitime et un lien causal direct entre la menace et l’expression.”
Conformément aux principes de la Commission africaine des Droits de l’Homme & des Peuples de l’Union Africaine, “nul ne doit faire l’objet de sanction pour avoir livré en bonne foi des informations sur des comportements illégaux ou qui divulguent des menaces sérieuses pour la santé, la sécurité ou l’environnement sauf lorsque l’imposition de sanctions sert un intérêt légitime et est nécessaire dans une société démocratique”
AfricTivistes se désole de ce constat alarmant fait sur la situation de la liberté des journalistes et des médias en Afrique de l’ouest. Nous condamnons fermement ces tentatives de musèlement des voix des acteurs des médias qui sont des signes patents du recul démocratique dans les pays de la région.
Pour rappel, au Sénégal, un journaliste chroniqueur du nom de Pape Sané travaillant pour le groupe Walf TV, réputé très critique à l’encontre du régime de Macky Sall, dit avoir été poursuivi le 13 novembre dernier par des individus suspects à bord d’un véhicule 4X4 noir. Il soutient “avoir échappé à une tentative de meurtre”.
En République de Guinée, rien qu’en 2022, l’association “Presse Solidaire” a dénombré le 02 novembre 2022, huit (8) cas d’agressions perpétrées contre les journalistes.
En Côte d’Ivoire, le directeur de publication du journal le Panafricain, Barthelemy Tehin a été placé sous contrôle judiciaire le 5 octobre 2022 après avoir traité l’affaire d’une supposée corruption impliquant un agent des douanes. Quelques jours après, le 10 octobre, c’est le directeur de la radio Poufire Fm, Hamed Kassambara qui sera arrêté pour outrages et diffamation envers des autorités étatiques via les réseaux sociaux.
Le 19 octobre 2022 au Burkina Faso, le groupe de presse Oméga Médias informait l’opinion avoir reçu plusieurs enregistrements de menaces graves et directes à l’endroit de son personnel et d’une volonté manifeste d’incendier leurs locaux.
Au mois de juillet dernier, au Nigeria, Omoniyi Feranmi, journaliste du Premium Times Newspaper, a été arrêté dans l’État d’Ekiti, dans le sud-ouest du Nigeria, alors qu’il effectuait un reportage sur les dernières élections pour le poste de gouverneur de la région.
En Guinée Bissau, au mois de février 2022, des hommes armés ont attaqué les locaux de Capital FM, une station de radio privée, jugée très critiquée à l’égard du régime Umaro Sissoco Embalo.
Au Niger, le 3 janvier 2022, Moussa Aksar, Directeur de publication du journal l’Événement et la journaliste indépendante Samira Sabou ont été respectivement condamnés à deux mois et un mois de prison avec sursis pour avoir diffusé, en mai 2021, une enquête qui “présentait” le Niger comme un “centre nerveux” du trafic de haschich dans la région. Ils dénonçaient à travers leur production les liens étroits des trafiquants avec une partie de l’élite politique et militaire du pays.
Cette spirale de violences et de harcèlements contre les journalistes est devenue vraiment inquiétante.
AfricTivistes condamne ainsi fermement ces graves entraves à la liberté de la presse et rappelle que la liberté d’expression est un droit humain fondamental garanti par les Constitutions dans les différents pays de la sous-région et par les textes fondamentaux internationaux et conventions ratifiées par les différents Etats de l’Afrique de l’Ouest.
AfricTivistes demande aux autorités africaines de protéger tous les acteurs de la société de l’information dans l’exercice de leur métier et les exhorte singulièrement à garantir l’intégrité physique et morale des journalistes précités afin qu’ils puissent continuer d’exercer librement leur métier sans menaces.
Nous demandons à l’Union Africaine (UA) et à la CEDEAO conformément à la Déclaration de principes sur la liberté d’expression de prendre au sérieux les menaces et d’agir pour plus de protection des journalistes.
Nous appelons les forces vives africaines et les organisations de la société civile du continent à travailler pour protéger le secteur des médias africains pour consolider la démocratie en Afrique, seul gage de paix et de stabilité dans le continent.