L’étau se resserre, chaque jour un peu plus autour de l’homme d’affaires Jean-Pierre Amougou Belinga. Au fur et à mesure que les investigations avancent, les perquisitions s’enchaînent dans les résidences et les sièges des sociétés du richissime et homme de réseaux, tout comme les arrestations s’enfilent dans son environnement proche, notamment au sein de ses collaborateurs. L’Anecdote, la société du golden boy camerounais est désormais une légende, une mauvaise, vu les fouilles en règle, dont les deux qui se sont suivies dans la journée de ce jeudi, que l’immeuble qui l’abrite subit depuis lors. Si tous les bureaux intéressent les enquêteurs, il faut dire que le sous-sol du bâtiment était particulièrement passé au peigne fin.
En effet, ce sont ces lieux que des dénonciations de personnes interpellées, auraient désignés comme le Golgotha où Martinez Zogo a servi de punching-ball à ses tortionnaires avant de rendre l’âme. Rien ne le rend coupable pour l’instant, mais tout désigne M. Belinga comme un suspect sérieux dans l’assassinat du journaliste Martinez Zogo. Il pourrait bien être le ou l’un des commanditaires du meurtre sauvage de celui dont il a constitué, régulièrement, l’un des sujets phares des «affaires sales», ces deals la plupart du temps financiers, rondement menés sur le dos de l’Etat, que déballaient sur la place publique, notre confrère d’Amplitude FM.
De son enlèvement rocambolesque, le mardi 17 janvier, à la découverte, dimanche 22 janvier, de son corps dans un état de putréfaction avancé, Martinez Zogo a visiblement vécu l’enfer. Les traces visibles de sévices que présentait le cadavre en disaient long sur le calvaire subi par celui qui, dans son émission «Embouteillages» sur la radio «Amplitude FM» dont il était le patron, perturbait le sommeil des «grands» de ce pays béni par la nature, mais dont les damnés du bas-peuple tirent le diable par la queue. Comme nous nous le demandions dans cette même rubrique, quel dossier brûlant détenait encore l’animateur d’«Embouteillages» pour avoir été ainsi traité?
En attendant de le savoir, avec les arrestations de l’influent magnat de la presse, une ironie du sort, et de chefs des services secrets camerounais, il n’y a plus de doute que notre confrère dérangeait, et au plus haut. De lourds soupçons pèsent sur nombre d’agents de la puissante et crainte Direction générale de la recherche extérieure (DGRE). C’est sans doute cette implication de militaires et de hauts gradés de l’armée qui pourrait faire atterrir sur la table de la justice militaire ce qu’il est désormais convenu d’appeler l’«affaire Martinez Zogo».
Il faut espérer que le jugement des auteurs de l’abominable meurtre de Martinez Zogo se fasse au même rythme de célérité appréciée, que celui des arrestations des présumés auteurs. Les coupables doivent surtout être punis à la hauteur de leur ignoble acte, afin que le journaliste, que ce soit sous les tropiques ou ailleurs, ne connaisse plus le sort du Saoudien Jamal Khashoggi, des Français Ghislaine Dupont et Claude Verlon, du Burkinabè Norbert Zongo et du Camerounais Martinez Zogo, eux qui ont été tués, des manières les plus atroces, parce qu’ils ont fait le choix noble d’informer leurs semblables! Le journaliste, dans tous les coins de la planète est menacé. Surtout quand il ose s’attaquer aux puissants qui ont fait de la mal gouvernance leur atout de choix pour s’enrichir, vite et bien. Quand sa tête n’est pas mise à prix, le héraut des temps modernes, pour s’être érigé en empêcheur de dealer en rond, est simplement muselé par divers moyens physiques ou économiques.
Comment justifier, devant Dieu et devant le hommes, si jamais la justice confirme les faits, qu’un magnat de la presse s’en prenne à mort, à un journaliste? Question à un poulet DG, cette spécialité culinaire qui tient, avec la sole braisée au bâton de manioc, le haut de menu au Cameroun.
Par Wakat Séra