Accueil Opinion Attaque de l’Etat-major des armées du Burkina Faso: «Nous sommes en guerre»

Attaque de l’Etat-major des armées du Burkina Faso: «Nous sommes en guerre»

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(Ph. lemonde.fr)

Suite à la double attaque perpétrée le vendredi 2 mars 2018 au Burkina Faso contre l’ambassade de France et l’Etat-major général des armées, un Burkinabè vivant à Washington aux Etats-Unis, «un fils du pays», a fait parvenir cette réflexion à la rédaction de Wakat Séra.

«Que ceux qui refusent qu’on le dise sachent que nous sommes en guerre. Le Burkina Faso a encore pleuré ses vaillants fils tombés lors des attaques commises par des lâches et ignobles créatures de l’espèce humaine. L’une des cibles, l’Etat-major des armées, le Pentagone du Burkina. Ce n’est donc un secret, l’objectif était la décapitation de la matière grise de la Défense pouvant entraîner simultanément une faillite instantanée des armées et la déroute du pouvoir en place voire de toute la Nation. La Déclaration de guerre est consommée.

Mon écrit n’est certainement pas celui d’un expert issu des centres d’études stratégiques ou encore celui d’un diplômé d’école de guerre. Il provient d’un fils du pays qui pense que la situation actuelle du pays lui fait obligation de sortir du mutisme et d’exposer ce dont il croît être une contribution à la lutte contre ses malfrats sans vergogne. Je savais comment enseigner à l’école primaire et par la suite comment aider un instituteur à améliorer sa performance pédagogique. Je dis bien je savais, car je ne suis plus certain d’être à la page avec l’évolution de cette science. Bref… Le pays est en GUERRE. Il faut le dire à tout moment et en tout lieu pour que la prise de conscience soit généralisée. Il faut le dire afin que cela contribue à changer fondamentalement les habitudes quotidiennes de la population. Il faut le dire afin que cela aiguise la vigilance du peuple comme au temps de la Révolution du CNR (Conseil national de la révolution, NDLR).

Rappelons que sous la révolution il n’y avait pas de téléphone portable ou toute autre forme de communication instantanée comme celle dont bénéficions de nos jours. Force est de reconnaître que l’information remontait jusqu’au haut-commissariat par les truchements des structures populaires et des permanences. Je me souviens encore de la mobilisation test quand la sirène a retenti au petit matin à Ouagadougou. Elèves au lycée Zinda, nous avions pris le mur pour rejoindre la Maison des CDR (Comité de défense de la révolution, NDLR) juste à côté du Rond-point des Nations Unies.

En 1985, après avoir fini le recensement général de la population, j’ai rejoint ma famille à Kongoussi la veille de Noël dans la nuit. Encore une fois, le reflexe a été de rejoindre le détachement militaire aux premières heures de la guerre dite guerre de Noël. Munis de Kalach, un camarade et moi étions chargés de surveiller, toutes les nuits, les mouvements sur la route de Ouahigouya. Mes autres amis qui étaient sur l’axe Kongoussi-Djibo ont arrêté un suspect qui a été transféré par la suite sur Ouagadougou. Loin de moi l’idée d’asseoir encore les CDR, mais seulement, mon souhait est que nos dirigeants trouvent le canal par lequel ils peuvent ramener le peuple à l’engouement d’antan, ne serait-ce que sur le plan de la sécurité. De nos jours la priorité des nations a connu un bouleversement si bien que la Santé et l’Education sont reléguées au second ou troisième rang. Aucun budget ne peut se justifier avant celui de La Défense ou de la Sécurité. L’environnement actuel l’oblige.

Pour revenir à notre sujet ce n’est point exagéré de reconnaître que nous avons  enterré notre réflexe d’observation, de vigilance et d’action. Pendant ce temps des pays comme le Rwanda et la Tanzanie se sont  pleinement inspirés de notre RDP (Révolution démocratique et populaire, NDLR). Ça marche là-bas comme on dit. Pour ce faire, ne serait-il pas nécessaire qu’il n’y ait plus  un carrefour sans panneau appelant à la vigilance, pas un journal télévisé ou radiodiffusé sans plage  de conscientisation et de mobilisation contre le terrorisme. Commençons par de petits gestes. Apprenons à observer au lieu de regarder, à écouter au lieu d’entendre, à être actifs au lieu d’être passifs. Nous sommes en guerre il faut que la mayonnaise prenne rapidement. Il n’est pas difficile de dire dans tous les confins du Burkina que nous devons tous faire nôtre cette guerre afin de soutenir nos Forces de Défense et de Sécurité. Ça se dit tous les jours et si par hasard des gens pensent que cela est de trop qu’ils sachent que nous le faisons pour notre survie. Si tout le peuple est sensibilisé ou averti je ne vois pas comment ces terroristes auraient  pu traverser la ville avec une voiture sans immatriculation et portant autour de leur tête des bandeaux avec des écritures arabes dans l’indifférence absolue. Bien que des gens les ont vus le réflexe n’était pas au rendez-vous pour placer un appel  dénonciateur. Tant que nous ne prendrons pas individuellement à coeur cette guerre, l’efficacité de nos corps habillés en pâtira et nos pleurs ne connaîtront pas une baisse. Mieux vaut vivre une fausse alerte que de vivre les frasques du terrorisme en restant inerte.

En  septembre 2001 quand les USA ont subi les attaques, les lois ont vite changé et ont quelque peu porté atteinte à la liberté d’expression et de la vie privée  des Américains. Mais ils l’ont concédé pour la sécurité du pays. Au Burkina n’attendez pas que les autorités religieuses condamnent ceux qui pervertissent les valeurs de la religion à de fins diaboliques. C’est peut-être trop leur demander mais l’appareil étatique peut traduire leur conviction sans qu’elles ne s’exposent au courroux de ces bandits. La législature doit faire son travail afin que les auteurs des prêches haineux incitant à tout autre chose interdite par la loi soient passibles d’emprisonnement. Cette guerre ne connaîtra peut être pas notre victoire absolue, c’est pourquoi il est impérieux que nous nous battions  pour minimiser les conséquences liées aux attaques. Nous avons les ressources nécessaires pour tuer  dans l’œuf les velléités d’actes terroristes en étant un bon voisin pour l’autre, en observant afin de déceler tout acte suspicieux. Ce n’est  pas être paranoïaque; c’est être un soldat averti.

Dans tous les pays du monde les forces de défense ou de protection reposent énormément sur la contribution du peuple pour réussir. Les États Unis (je m’excuse de citer encore ce pays, c’est ce que je connais que je partage), avec tous les moyens de surveillance  et de contrôle jamais égalés ne sont toujours pas à 100% à l’abri d’une attaque. Tous les jours ils déjouent des complots. Le slogan est: «If you see something, say something» (si tu vois quelque chose, dis-le, NDLR). Cela est valable pour nous également.»

Un Burkinabè vivant à Washington