«C’est très triste, ces imbéciles ont encore frappé notre pays». A lui seul, ce sentiment de dépit et de colère exprimé par Amy, résume la consternation d’un peuple burkinabè qui n’arrive toujours pas à comprendre ce qui a subitement placé son pays dans le viseur des terroristes. C’est le coeur tout meurtri, à l’instar des autres millions de Burkinabè, que Edwige et Aïssétou sont en larmes, depuis ce matin de lundi gris, lendemain d’une nuit d’horreur de dimanche 13, rouge du sang d’innocents. «Dès l’annonce des premiers tirs sur Kwame Nkrumah, et avant même qu’on ne parle d’attaque terroriste, j’ai commencé à ressentir des maux de ventre. Et ceci ne présage rien de bon chez moi», a avoué Edwige. Effectivement, dans la comptabilité macabre des attaques, livrée ce ce 14 août 2017, figurait le nom de Dame Napon qu’elle connaissait bien, par le truchement de leurs deux époux qui sont des collègues enseignants du supérieur. Quant à Aïssétou qui avait vainement tenté de prendre des nouvelles d’un couple qu’elle connaît bien, c’est à la vue de la femme de ménage inconsolable de ses voisins qu’elle a compris qu’elle ne reverra plus Mehsen Fenaich, Libano-sénégalais, qu’elle et ses amis appellent affectueusement Mo, emporté, tout comme son épouse Tammy Jeanne Macky, Canadienne, enceinte de cinq mois, par les balles assassines de deux illuminé en manque de publicité.
Si les dix-huit victimes, dénombrées pour l’instant, partagent le destin commun de la mort, d’autres miraculés de l’attaque terroriste du restaurant café Aziz Istanbul, ont connu des fortunes diverses. Ce médecin de son état et sa famille venue de l’Europe le rejoindre pour les vacances sont encore, eux, sous le choc de cette nuit qui aura été, sans aucun doute, la plus longue de leur existence. C’est dans le couloir de l’appartement qu’il les ont passées, ces interminables et angoissantes heures, avec pour voisins forcés, ces assaillants qui ont battu en retraite devant la riposte des Forces de défense et de sécurité (FDS) burkinabè, en se confinant à l’étage au-dessus du café de la mort. Ils étaient si proches des bourreaux de Kwame Nkrumah, qu’en plus des détonations infernales que produisaient leurs armes et celles des FDS, ils entendaient même les bruits de recharges des cartouches. Le traumatisme est inévitablement énorme. Surtout au niveau des enfants qui sursautent depuis lors, au moindre petit froissement de papier.
«Puisse Dieu nous épargner pareille situation», a conclu, avec foi ou fatalisme, cette vieille femme rencontrée dans les couloirs du Centre hospitalier et universitaire/ Yalgado Ouédraogo, qui n’a sans doute pas vu autant d’horreurs du fait de la bêtise humaine, durant la quatre-vingtaine d’années de vie que nous osons lui attribuer. En espérant que Istanbul renaisse de ses cendres comme l’a fait l’autre restaurant café Capuccinno, dévasté par la furie d’hommes sans foi ni loi, un certain 15 janvier 2016, on peut dire, pour la mémoire des morts de l’avenue Kwame Nkrumah: plus jamais ça!
Par Morin YAMONGBE