Accueil A la une Attaques terroristes au Burkina: encore beaucoup d’interrogations à Ouaga

Attaques terroristes au Burkina: encore beaucoup d’interrogations à Ouaga

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Des soldats burkinabè au front contre les attaques armées Ph. Daouda ZONGO @wakat Séra

Les députés burkinabè ont voté le lundi 21 janvier 2020, une loi pour le recrutement de volontaires, qui devraient, aux côtés des Forces de défense et de sécurité (FDS), lutter efficacement contre le terrorisme qui endeuille le Burkina Faso, depuis 2016. Des Burkinabè à qui Wakat Séra a tendu son micro s’interrogent sur les contours de cette initiative de faire appel à des volontaires qui seront militairement, formés en deux semaines, entre autres, au maniement des armes, tactiques ou positions de combats et se familiariser avec des notions dont les droits de l’homme. L’après sommet de Pau et le fait que les dernières attaques terroristes prennent davantage pour cibles les populations civiles, tels sont d’autres sujets qui ont intéressé les interviewés.

Moussa Sini, chauffeur: «Cette affaire de prime va décourager certains qui voulaient adhérer au recrutement»

Avant, ce sont les hommes de tenue que les terroristes attaquaient le plus. Mais maintenant, c’est beaucoup plus les innocents civils qui sont chaque fois tués. Alors moi je me demande si ces assaillants sont vraiment des djihadistes. On dirait qu’on assiste plutôt à des règlements de compte. Donc c’est à nos gens-là (FDS) de prendre cette hypothèse en compte dans leur noble lutte.

Sur le recrutement des volontaires pour aider les militaires, moi je pense que la question est un peu compliquée. De nos jours, nos frères et sœurs se lancent dans beaucoup de choses pour seulement avoir à manger parce que les temps sont durs. Le gouvernement parle de prime pour ceux qui seront recrutés, mais moi je pense qu’il faut parler en termes de salaires, sinon cette affaire de prime va décourager beaucoup qui voulaient adhérer à cette initiative. Pour des gens qui vont côtoyer la mort en permanence, et on parle de prime, non ça ne va pas. Même les quatorze jours sont très insuffisants pour leur formation. Ceux mêmes qui ont suivi six mois de formation ne s’en sortent pas donc ce n’est pas ceux qu’on va former en seulement deux semaines qui feront des miracles.

Pour le sommet de Pau, il ne faut pas qu’on se voile la face. Tous les pays que la France a eu à coloniser sont toujours sous sa coupe. La population je ne sais pas, mais le président (Roch Kaboré) ne peut pas, ici ou à Pau, dire que les forces étrangères n’ont qu’à quitter le Burkina. Cependant, sur les accusations de complicité avec les forces terroristes lancées contre la force Barkhane ou des militaires français, on peut être tenté de dire que c’est vrai. En définitive je pense que c’est à nous population de mettre la pression et contraindre nos dirigeants à faire ce qu’on veut.

Mahamadi Ilboudo, journaliste à «TouteInfo»: «Les autorités ne luttent pas sincèrement contre le terrorisme»

De mon point de vue, le recrutement des volontaires est une bonne chose parce que nous avons remarqué que nos FDS, malgré leurs efforts, ont des difficultés sur le terrain à contenir le terrorisme. Mais nous nous posons la question sur les véritables contours de cette mobilisation des volontaires à savoir la pratique même sur le terrain. Il a été dit que ces volontaires seront formés en l’espace de deux semaines. On se demande si quatorze jours seront suffisants pour que ces volontaires aient le bagage nécessaire pour faire face aux terroristes quand on sait bien que nos FDS ont fait une formation de plusieurs mois et que malgré cela on est en difficultés sur le terrain. Maintenant sur le fait que les attaquent ciblent plus les civils, je ne peux pas répondre à la place de ces terroristes mais de mon point de vue je pense que c’est une manière de faire propager la terreur dans toutes les couches sociales pour effrayer les gens afin de parvenir à leurs fins.

Nous avons effectivement suivi avec intérêt la rencontre de Pau (entre le président français et ses homologues du G5 Sahel). Moi en tant que citoyen ordinaire qui n’a pas assez d’informations sur les accords secrets entre les Etats, c’est difficile de donner une appréciation objective. Mais ce qui est sûr, nous savons que la rencontre de Pau ne visait que les intérêts des dirigeants et non ceux du bas peuple. Ceux qui sont victimes du terrorisme, c’est le bas peuple. Les autorités prétendent lutter contre ce phénomène mais comme elles ne sont pas directement touchées, il va de soi qu’elles ne luttent pas sincèrement. Aucun proche de ses autorités n’a été touché dans cette affaire donc elles ne peuvent pas avoir la même appréhension du terrorisme par rapport au bas peuple surtout les citoyens qui vivent dans les zones directement touchées.

Abdoul Salam Maïga, commerçant et gérant de parking: «Ils ne trient pas avant de tuer»

Moi je loue l’initiative des autorités sur la question de recrutement des volontaires et je pense que les quatorze jours pour les former, ce n’est pas aussi mauvais comme le pensent certains. La mobilisation de tous sera l’arme fatale contre les forces du mal. Si les civils sont ciblés actuellement, moi je pense que c’est parce qu’ils n’arrivent plus à s’en prendre aux FDS. D’ailleurs ils ne trient pas avant de tuer. Des gens qui n’épargnent ni enfants ni femmes, pensez-vous qu’il y a quelque chose à comprendre d’eux? Des gens qui détestent un pays, comment voulez-vous qu’ils épargnent quelqu’un?

Maintenant sur les appels au déguerpissement de l’armée française du Burkina, rien ne montre que ce sont les soldats français qui sont complices. Les gens accusent mais ils n’apportent jamais de preuve. Moi je ne rentre pas dans ces querelles de chiffonniers qui ne nourrissent que l’égocentrisme de certains. Certaines personnes pour des desseins inavoués veulent embarquer tout le monde dans ça. Sur cette question, je pense plus que si on veut être sincère, on doit plus s’adresser aux populations vivant dans les zones assaillies par les terroristes.

Rasmata Guigma, vendeuse de fruits: «Ce que nous voulons, c’est de l’aide sinon les tueries de nos enfants nous font vraiment mal»

Ce que nous voulons, c’est de l’aide sinon les tueries de nos enfants nous font vraiment mal. Je pense que nous sommes obligés d’accepter la nouvelle mesure de recrutement des volontaires. A mon avis les autorités n’ont pas eu d’autres alternatives. Donc j’estime que ça doit aider positivement dans cette lutte contre les forces du mal qui nous endeuillent presque tous les jours. Nous voulons seulement la quiétude. Vous-même voyez, tu prends ta grossesse et après neuf longs mois tu accouches ton enfant que tu chéris et éduques avec amour pour qu’il te soutienne un jour. Et un beau matin on vient t’annoncer sa disparition dans des situations effroyables. Donc nous soutenons les dirigeants et les invitons à redoubler d’ardeur dans cette lutte.

Franck Michaël Couldiati, agent d’entretien à Ouagadougou: «La priorisation des jeunes des localités attaquées est une bonne chose»

C’est très affligeant, ce n’est pas du tout intéressant ces attaques terroristes. Selon des confidences, ces attaques font que des sociétés ne recrutent plus. Donc c’est dramatique car ça affecte beaucoup de de familles. Sur la question des volontaires, je pense que les quatorze jours pour former ces derniers c’est très insuffisant. J’ai été vigile et je sais de quoi je parle. Je préfère que le gouvernement lance des recrutements de vrais commandos qui vont être formés intensément sur neuf mois. Sinon les deux semaines sont très peu. On voit que la jeunesse est assaillie par des problèmes et a besoin d’argent rapidement, donc elle va se lancer dans ça mais ce n’est pas du sérieux.

Par contre je pense que le fait qu’on veuille prioriser les jeunes des localités attaquées est une bonne chose car de ma compréhension ces volontaires vont plus servir dans le renseignement. Or si tu n’es pas de la localité et que tu ne maîtrises pas la zone, tu ne peux pas avoir de vraies informations. On assiste à des carnages qui répondent à aucune logique de revendication si fait qu’on se pose cette question: où va ce pays? A propos du sommet de Pau, il faut que les gens apprennent des évènements passés. Vous avez vu qu’on s’est levé et chasser le président Blaise Compaoré et sa suite mais dans le fond rien n’a changé. Sinon pour moi, c’est une bonne décision que les chefs d’Etats ont arrêté avec leur homologue français, puisque nous n’avons pas les moyens de faire face au phénomène du terrorisme. C’est nous qui avions voté pour le président (Roch Marc Christian Kaboré) et concernant de telles discussion, il y a beaucoup de diplomatie à observer. Donc moi je pense qu’on doit suivre notre président à qui on doit faire confiance. C’est en cela que j’estime que les conclusions de Pau peuvent nous aider dans cette lutte.

Par Bernard BOUGOUM