Au Togo comme au Tchad, la campagne électorale a démarré, ce week-end. Les Togolais et les Tchadiens sont appelés aux urnes, les premiers pour les législatives et régionales du 29 avril et les seconds pour la présidentielle du 6 mai. Si les deux scrutins diffèrent par leurs natures respectives, ils revêtent, tous deux, des enjeux importants.
Au Togo qui devrait basculer dans un régime parlementaire, si la nouvelle constitution votée par l’Assemblée nationale sortante est promulguée par le chef de l’Etat Faure Gnassingbé, le verdict des législatives donnera tout le pouvoir aux élus du peuple qui auront désormais la charge de désigner le président de la république et le président du conseil des ministres. Ce qui permettra au pays, non seulement d’économiser en argent, mais surtout d’éviter ces manifestations violentes qui endeuillent le Togo à chaque présidentielle. Mieux, et chose qu’a toujours réclamé l’opposition, le seul président de la république ne détiendra plus la réalité du pouvoir qui en faisait un homme omnipotent, pour ne pas dire un démiurge.
Le président qui aura la réalité du pouvoir et représentera le Togo dans les instances officielles, sera le chef du parti qui arrivera en tête des législatives, qu’il soit de l’opposition ou du parti majoritaire, désigné par les députés et les sénateurs comme président du conseil des ministres, élu également pour un mandat de six ans, tout comme le président de la république. Et c’est pour garantir l’onction de la légitimité à cette nouvelle constitution que Faure Gnassingbé, écoutant la voix des contestataires, l’a renvoyée en deuxième lecture à l’Assemblée nationale qui a surtout saisi cette opportunité pour s’imposer une explication de texte auprès des chefs coutumiers et religieux et des leaders de la société civile.
Mais l’opposition reste vent debout contre cette nouvelle constitution qui, selon elle, n’a d’autre but que de perpétuer le pouvoir de Faure Gnassingbé. Du coup, la campagne électorale, dès son lancement dans le vrombissement des moteurs de véhicules et des énormes baffles des caravanes et meetings, est mise à profit, pour vendre les mérites et qualités de cette nouvelle loi fondamentale ou à contrario pour ses détracteurs, de la descendre en flamme. Ce n’est donc pas un fait banal que l’avènement de la nouvelle constitution intervienne avant les législatives. Pour l’instant, qu’ils soient derrière des indépendants, qu’ils apportent leur soutien massif à l’UNIR, le parti au pouvoir, ou aux formations politiques de l’opposition, les Togolais mènent pour l’instant, une campagne électorale dans le calme et la sérénité, preuve que la population en a marre des affrontements sanglants entre militants. En tout cas, «élection, c’est pas la guerre», et le peuple togolais en est, visiblement, devenu conscient, lui qui ne veut plus pleurer des morts dans leurs familles, pour les intérêts personnels des politiciens.
Au Tchad où la campagne ouverte ce dimanche se déroule également, dans la quiétude et le respect de l’adversaire, les populations entendent tourner la page de la transition militaire, le 6 mai, en choisissant leur président de la république. Fait rare pour ne pas être souligné, le général Mahamat Idriss Deby qui s’offrira sans doute une virginité par les urnes et son Premier ministre, Succès Masra, tous deux en course pour le fauteuil présidentiel, sont déjà sur le terrain. Question: l’ancien opposant le plus virulent du père Deby avant sa mort, et maintenant du fils, mais qui se retrouve aujourd’hui dans le costume de Premier ministre et ne respire plus les gaz lacrymogènes des forces de l’ordre qui répriment sans ménagement les manifestations de rue, accompagne-t-il simplement son chef où cherche-t-il réellement à devenir calife à la place du calife?
En attendant la réponse déjà connue de cette interrogation par les observateurs politiques, il faut juste espérer que la suite de la campagne soit aussi tranquille que le début. Le Tchad, coutumier des prises de pouvoir par la guerre, la rébellion et le coup d’Etat, doit pouvoir, enfin, se donner les chances de vivre une élection aux allures de la nouvelle ère de démocratie et de liberté que le peuple désire depuis des lustres. Il y a un temps pour la guerre et un temps pour la paix, comme l’enseigne la Bible des chrétiens.
Par Wakat Séra