A l’occasion du 8-Mars, journée internationale des droits de la femme, nous avons rencontré Augusta Palenfo. Les droits de la femme, la télé, les artistes dans la lutte contre le terrorisme, le sponsoring, et bien entendu le Firho, sont, entre autres, les sujets que la charmante actrice, cinéaste, productrice et promotrice du Festival internationale du rire et de l’humour de Ouagadougou (Firho), a abordés avec Wakat Séra.
Wakat Séra: Que représente pour vous la journée du 8 mars?
Augusta Palenfo: C’est une journée dédiée à la femme pour mettre en exergue la défense de ses droits.
Vous personnellement, que mettrez-vous dans la commémoration du 8 mars?
Pour moi, cette journée devrait nous amener en tant que mère et fille de ce pays à voir et penser comment est-ce qu’on pourrait contribuer, collaborer avec ceux qui nous dirigent pour faire avancer notre nation, faire de telle sorte que tout ce qui ne va pas puisse marcher. Aujourd’hui on a tellement de problèmes dans ce pays que moi je pense qu’une fête n’est pas nécessaire. Pendant que certaines fêtent, mangent, boivent, d’autres ont besoin du strict minimum pour vivre. Pour moi, cette journée doit-être l’occasion de donner la chance à ceux qui ont des difficultés pour s’assurer les trois repas quotidiens, d’être comme les autres.
Vous estimez qu’il faut aller au-delà de l’aspect festif.
Pensez que cette journée permet réellement de parler des droits des femmes et de les faire respecter?
Les droits des femmes, c’est quoi? Je ne sais pas. Moi je connais les droits de l’homme avec grand H. Sinon moi je pense que les droits des femmes sont une réalité. Maintenant, je pense que c’est durant les 365 jours de l’année, qu’il faut travailler à promouvoir ces droits et non pas attendre la journée du 8 mars pour fêter ou mener des réflexions sur le sujet. Je suis certes féministe, mais je pense qu’il faut juste que chacun reste à sa place et travaille à la mériter.
Si j’avais les moyens peut-être que j’organiserais une spéciale FIRHO (Festival international du rire et de l’humour de Ouagadougou, NDLR) 8 mars. Mais je n’ai, pour le moment en tout cas, aucun un appui pour le faire.
Quelle est l’actualité de Augusta Palenfo à l’écran et sur les planches?
Pour les planches, la création et la diffusion de mon dernier spectacle, «La nuit de la femme» a duré jusqu’au 30 décembre 2019. Pour le cinéma, il y a une production de 25 épisodes de 5 à 7 minutes, intitulée «Entre nos murs» qui passe sur presque toutes les chaines au niveau du Burkina Faso. Ce même film est en train d’être projeté dans toutes les provinces en vue d’une large sensibilisation des populations à aller s’enrôler pour les élections à venir.
J’ai également produit et organisé mon premier spectacle de l’année qui s’est joué le 14 février dernier au Centre national des arts et du spectacle et de l’audiovisuel (CENASA) qui a refusé du monde, et le 15 février, nous étions à Bobo-Dioulasso où nous avons pratiquement rempli la Maison de la Culture. Deux humoristes étaient à l’affiche, en l’occurrence, le groupe burkinabè Gombo.com, et Boukary de la Côte d’Ivoire. Ce spectacle a connu un franc succès.
Qu’est-ce qu’on peut attendre du prochain Festival international du rire et de l’humour de Ouagadougou (FIRHO) dont vous êtes la promotrice?
Le prochain FIRHO aura lieu les 17, 18 et 19 avril 2020 au CENASA. L’événement s’ouvrira par une soirée VIP qui sera retransmise en direct sur la télévision privée BF1. Le jour suivant, on aura un spectacle grand public et le lendemain, ça sera un spectacle pour les tous petits. Le spectacle a pour thème, «La conférence des chefs d’Etat».
Pourquoi ce thème ?
Ce thème parce qu’en tant que Burkinabè, citoyenne, promotrice d’évènement, je dois apporter ma contribution pour le bon déroulement des élections de cette année. Cette année c’est donc spécial «Conférence des chefs d’Etat». On a choisi deux pays. Le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire parce qu’on va prendre des humoristes de ces deux pays pour en incarner les différents leaders qui se présenteront aux élections présidentielles. On fera une résidence de création et tout le reste. On se donnera pour mission de sensibiliser, éduquer, donner ce qu’il faut pour faire en sorte que la population puisse déjà s’enrôler, car c’est important l’enrôlement.
Après cela il est important d’aller voter, exprimer son choix dans une urne. Peu importe mais au moins tu auras ta carte et tu te donneras après le choix de voter ou non. Ce sera également l’occasion d’interpeller nos leaders politiques pour des élections apaisées, libres, transparentes. Il faut que tout se passe bien parce qu’on en a besoin dans ce pays.
Le spectacle filmé du premier jour, c’est-à-dire le 17 avril sera donné gratuitement à toutes les autres chaines de télévision du Burkina afin qu’elles le diffusent, selon leur programme, de long en large au profit de leurs téléspectateurs. Après cela, on ira dans les treize régions pour faire la projection sur les écrans pour que les gens puissent le voir. Je sais qu’un artiste est le meilleur moyen pour toucher le public. Un artiste qui est aimé peut faire changer l’avis de ses admirateurs, de ses fans.
Que peuvent faire les artistes dans la lutte contre le terrorisme actuellement?
Nous avons eu à faire des marches, des spectacles en soutien à nos Forces de défense et de sécurité (FDS) tombées sur le champ de bataille. Nous avons fait des dons aux orphelins et veuves pour leur témoigner notre compassion et notre solidarité. Maintenant le terrorisme en tant que tel, pour moi, est une affaire purement politique. Moi je suis née à Ouagadougou, j’ai grandi ici mais ce n’est qu’au cours de ces cinq dernières années que j’ai vu qu’on tue des gens comme ça. Donc c’est pour dire que ce phénomène n’existait pas avant. Il faut se poser la question alors pourquoi est-ce que maintenant c’est comme ça.
Racontez-nous une journée de Augusta Palenfo ?
D’abord, il faut savoir que mes journées ne se ressemblent pas. Allons alors avec celle du 2 mars par exemple (la veille de l’entretien, NDLR). Après le réveil et avant de commencer mes courses à proprement parler j’ai pris un bon café accompagné d’un petit gâteau. Mais avant toutes mes courses, j’ai amené, comme je le fais depuis un certain temps, ma maman pour sa rééducation. Cela m’a pris deux à trois heures et je l’ai ramenée à la maison pour filer ensuite en ville. Et j’ai vaqué à mes occupations pour l’organisation du Firho. Après, je suis allée à une répétition à l’espace Gambidi pour un spectacle qui se jouera ce 8 mars. Ensuite j’ai honoré deux rendez-vous avant de rentrer directement chez moi. J’ai pris ma douche et je suis allée au lit. Pas pour dormir, mais pour lire un scénario, après avoir répondu à mes mails et autres messages.
Avez-vous le temps de regarder la télé ?
Je regarde la télé les jours où je suis à la maison. J’aime bien suivre les informations. Et, en tant que jeune réalisatrice, quand j’ai le temps je regarde un film.
Quels sont vos projets dans l’immédiat?
Je prépare mon deuxième long métrage qui s’appellera «Madame l’ambassadrice», à la suite du premier qui était «Carton rouge». Je vais peut-être tourner en juin ou juillet.
D’où vous vient l’inspiration?
Des faits divers, des faits de société. D’une histoire réelle dont je modifie certains aspects pour que les concernés ne soient pas reconnus à 100% dedans. Il y a tellement d’histoires qu’il ne faut pas aller chercher loin. On a tous des histoires bonnes ou mauvaises et justement le cinéma ou le théâtre est le meilleur moyen pour en parler et conscientiser les gens.
D’où tirez-vous les moyens pour produire vos films ou organiser vos spectacles?
Moi je vais vers les gens. Si je connais quelqu’un de qui je peux obtenir une aide quelconque, je m’approche de la personne. Pour dire vrai j’en arrive à harceler, au bon sens du terme, certains pour avoir ce que je veux comme appui, quand j’estime qu’ils peuvent m’aider. Sinon effectivement au Burkina il y a des gens qui ont les moyens mais préfèrent prendre 100 millions FCFA pour s’acheter un véhicule que d’enlever un peu pour aider autrui ou soutenir une œuvre artistique ou culturelle qui participe au développement et à l’épanouissement de la communauté.
De façon générale est-ce que les demandes de sponsoring que vous faites reçoivent un écho favorable?
Non du tout! C’est presque toujours négatif. Je vous donne un exemple. Fin février on a déposé un dossier dans une société de téléphonie. Et chaque année, c’est le même refrain. Ils envoient un mail pour accuser réception avec la même réponse. «Nous ne pouvons pas répondre favorablement, mais nous vous encourageons dans votre projet. L’idée est belle, etc.». C’est toujours ainsi. Tu sens même que le patron lui-même n’a pas pris la peine de te répondre mais que ce sont ses agents qui le font. Je trouve ça indécent. J’ai répondu avec nervosité à un mail de ce genre tout récemment parce que je me suis rendue compte que la personne qui m’a répondu, n’a même pas lu ma correspondance, puisqu’elle a commencé son courrier par «Bonjour monsieur». C’est-à-dire qu’elle ne lit même pas, se contentant de réponses qui sont d’anciens messages «copié-collé». Ce n’est pas sérieux pour une telle institution.
En guise de mot de fin, quel est votre coup de cœur ou coup de gueule?
Je souhaite que pour la 13è édition du Firho, les autorités du plus haut, du président de la République lui-même en passant par le président de l’Assemblée nationale, le Premier ministre jusqu’au plus bas de la hiérarchie, puissent avoir un regard bienveillant, spécial, pour cette édition qui peut aider à la stabilité du pays. Il ne faut pas qu’ils regardent celui qui est derrière ça ou l’organise. Il faut qu’ils puissent mettre la main à la poche, qu’il puissent prendre leur téléphone pour appeler pour nous soutenir d’une manière ou d’une autre pour que les choses puissent se passer comme on veut, parce que cela va bénéficier au peuple et à la nation entière.
Je pense que c’est important parce que les politiciens ont besoin d’un environnement de paix, un environnement sain pour mettre en œuvre leur programme. Je dis ça parce qu’on a déposé des dossiers partout dans les ministères, dans des institutions comme la présidence et l’Assemblée nationale mais il n’y a rien comme réponse pour le moment. On a besoin que les autorités nous reçoivent pour qu’on leur explique le bien-fondé de cet évènement pour le pays.
Par Morin YAMONGBE et Bernard BOUGOUM