Au vu de l’escalade verbale qui ne cesse de grimper entre Paris et Bamako, et entre renvoi et rappel de l’ambassadeur de France au Mali, il ne fallait pas être un bookmaker politique exceptionnel, encore moins un devin pour voir la rupture, sur le plan militaire, entre les deux partenaires historiques. Mais la France quittera le Mali pour bien rester au…Sahel, et dans les pays côtiers de l’Afrique de l’ouest, qui ont besoin de partenariats bien pensés pour faire face à l’ogre terroriste dont l’appétit vorace ne faiblit pas.
Des enfants de ce monstre hideux qui se «mangent» même souvent, comme c’est le cas actuellement dans le nord du Mali où, dans un duel fratricide, s’opposent, depuis le début du mois, le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (JNIM) proche d’Al-Qaïda au Maghreb islamique, et la branche locale du groupe Etat islamique dans le grand Sahel (EIGS). Mais, si la France quitte le Mali c’est pour mieux s’installer dans le Sahel, d’où les forces du mal qui s’y sont enkystées, organisent des incursions fréquentes dans les pays voisins comme le Bénin, la Côte d’Ivoire et le Togo.
C’est dire combien les partenariats militaires sont appelés de tous leurs vœux par des dirigeants et leurs peuples, conscients que la lutte contre le terrorisme ne peut se mener, a fortiori se gagner, en solo. Les forces armées nationales qui entendent se donner la main pour croiser le fusil avec les djihadistes n’en en envisagent pas moins solliciter le soutien de forces étrangères, qu’elles viennent du Danemark, de l’Allemagne, de la France ou des Etats-Unis.
L’appui en aérien, en formation des militaires locaux et surtout en renforcement des services de renseignement, talon d’Achille de nombre des forces armées sous les tropiques, sera le bienvenu pour les pays du Sahel et du Golfe de Guinée, voire pour le reste de l’Afrique qui doit anticiper la menace djihadiste. Comme quoi, Barkhane et Takuba ne devront pas chômer dans ce Sahel où les populations passent leurs journées à creuser des tombes quand elles ne sont pas contraintes d’abandonner terres et autres biens pour fuir la fureur meurtrière des assaillants sans foi ni loi.
Le redéploiement et la réorganisation de Barkhane, et le cas échéant le déploiement de Takuba, si la force européenne se relève de l’épreuve malienne, seront sans doute au menu du sommet Union européenne et Union africaine qu’abritera Bruxelles, jeudi et vendredi. Avant d’entrer dans le vif du sujet, le président français et président en exercice de l’UE esquissera déjà, avec des invités triés sur le volet, la nouvelle vie de Barkhane et de Takuba, entre deux morceaux de quiche lorraine et deux gorgées de Moët et Chandon.
En effet, Emmanuel Macron reçoit à dîner, ce mercredi à l’Elysée, ses homologues du G5 Sahel, en l’occurrence le Nigérien Mohamed Bazoum, le Mauritanien Mohamed Oul El-Ghazaouani et le Tchadien Mahamat Idriss Deby auxquels devraient se joindre Macky Sall et Nana Akufo-Addo, respectivement chef de l’Etat du Sénégal et président en exercice de l’UA et chef de l’Etat du Ghana et président en exercice de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO). Mais pour ne plus aller au front tout seul, Jupiter dont les pouvoirs ont enflé avec la présidence de l’UE qui vient d’atterrir sur les bords de la Seine, a également convié à sa table du soir, le président du Conseil européen et le chef de la diplomatie européenne.
Preuve que la France, sauf à prouver le contraire dans le futur, ne prend pas ses nouveaux partenariats à la légère, le chef d’Etat-major français des armées, Thierry Burkhard, s’est entretenu avec son homologue burkinabè, le colonel-major David Kabré, à qui il a réaffirmé «la volonté de la France à aider le Burkina Faso à faire face à la menace terroriste pour la paix et la stabilité dans la région». Avant cet entretien téléphonique, Barkhane venait de s’illustrer en terre burkinabè, ce lundi, en mettant hors d’état de nuire, 40 terroristes qui fuyaient le nord du Bénin où ils ont mené un raid meurtrier qui a laissé sur le carreau 9 personnes et fait des blessés.
Comme l’a chanté l’artiste ivoirien, quand «quelqu’un laisse, quelqu’un prend»! Barkhane dont le Mali ne veut plus, n’a pas tardé à trouver preneur. Car, la demande de partenariats pour aller à l’assaut des terroristes est très forte. Reste à chaque époux à mettre la sincérité nécessaire dans la relation, afin que les nouveaux couples, liés pour le meilleur et pour le pire, ne se lâchent en plein vol, parce qu’un amant se sera lancé dans des jeux de séduction, juste pour nuire à un des partenaires!
Par Wakat Séra