Les Béninois étaient aux urnes, ce dimanche, pour élire les 109 députés qui animeront la 9e législature du pays de Patrice Talon. Un peu plus de 6,5 millions d’électeurs pour des législatives auxquelles prenaient part sept partis politiques, dont trois se réclamant de l’opposition, notamment Les Démocrates, le parti de Yayi Boni, le prédécesseur du président Talon. La présence de l’opposition dans les starting-blocks de la compétition était déjà en elle-même une victoire pour la démocratie béninoise sous le règne de Patrice Talon. Car, le scrutin d’il y a quatre ans, c’est-à-dire 2019, avait accouché d’un parlement «monocolore», le pouvoir ayant filé en roue libre vers Porto-Novo, le siège de l’assemblée nationale, sans adversaire.
Si les opposants sevrés de débats au parlement pendant quatre années étaient heureux de prendre part à ce scrutin du 8 janvier qui s’est déroulé partout sans incident majeur, selon la formule chère aux observateurs locaux et étrangers, les électeurs par contre ont manifesté peu d’engouement pour le vote. Si le dimanche à Bamako c’est le jour de mariage, au Bénin il est celui des cultes religieux et des fêtes sur les belles plages de Cotonou ou de Ouidah. Et la tradition a visiblement été respectée par de nombreux Béninois qui ont boudé les urnes, certains ayant préféré aller pousser le goujon. Pourtant, ce scrutin était perçu par nombre d’observateurs comme un test pour la présidentielle de 2026.
Questions: le divorce est-il définitivement consommé entre une jeunesse davantage en quête de mieux-être et la politique? Le déficit de confiance est-il irréversible entre les populations et des politiciens qui mènent toujours leurs militants en bateau, ne se souciant en réalité que de leurs propres intérêts personnels et égoïstes, butinant comme le papillon sur toutes les fleurs? Un désaveu pour le pouvoir Talon que certains accusent de manquer d’intérêt véritable pour le social et de harceler constamment les adversaires de gabarit que le président béninois et les siens évitent d’affronter sur le terrain politique? La fatalité comme dans les autres pays africains où les gagnants sont connus avant le combat a-t-elle favorisé ce peu d’enthousiasme des électeurs? Le nerf de la guerre a-t-il fait défaut à des opposants pour mener campagne convenablement, eux qui tirent le diable par la queue, avec des bourses plates? Les ombres de l’homme d’affaires Sébastien Ajavon, toujours en exil forcé, du constitutionaliste Joël Aïvo et de l’ancienne garde des Sceaux Reckya Madougou, tous deux toujours en prison avec des peines lourdes, ont-elles pesé sur le scrutin? En attendant les réponses à ces interrogations et d’autres équations qui font perdre des couleurs au Bénin qui, auréolé du succès de sa conférence nationale de février 1990, se présentait comme le laboratoire de la démocratie, le pays a passé une journée dominicale de vote dans le calme et la sérénité.
Certes les contestations, notamment de la part de l’opposition, qui suivent inévitablement les élections en Afrique, ne se feront pas attendre. Mais, il importe que le retour des bannis d’élection rime avec la transparence pour que le parlement béninois retrouve son animation du temps où il avait sur l’un de ses sièges, la virulente Rosine Soglo, feue l’épouse de l’ancien président Nicéphore Soglo, qui savait, malgré son âge avancé, nouer le pagne pour affronter les députés de la majorité présidentielle.
Vivement qu’en plus des progrès économiques remarquables opérés par le Bénin sous la conduite de Patrice Talon, l’ex quartier latin de l’Afrique reprenne résolument la voie de cette démocratie qui faisait sa fierté.
Par Wakat Séra