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Bénin : le moral au…Talon

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Patrice Talon, le président béninois fait l'unanimité contre lui (Ph. quotidien-lematinal.info)

« Face aux derniers développements de l’actualité politique dans notre pays, j’ai décidé de remettre ma démission du gouvernement ». Laconique, mais sans équivoque, fut la déclaration de Candide Armand-Marie Azannai sur sa page Facebook. L’option est on ne peut plus claire, le désormais ancien ministre délégué à la Défense, considéré comme bras-droit de Patrice Talon et pilier de son pouvoir, a décidé de lui tourner le dos. Qu’a-t-il bien pu se passer pour que Candide Azannaï qui fut l’un de ceux qui ont porté la candidature de l’actuel homme fort du Bénin en arrive à cette décision ? Si l’intéressé lie ce désamour « aux derniers développements de l’actualité politique dans notre pays », il faut dire qu’un de ses proches a révélé que « le malaise couvait depuis longtemps » et « la mésentente à l’intérieur du gouvernement ». Qui plus est, Candide Azannaï est de ceux que l’on dit ne pas avoir leur langue dans la poche. Tous les pouvoirs qui se sont succédé récemment au Bénin, ont eu à compter avec les sorties virulentes du très populaire Candide. Du reste, l’ancien député et ancien ministre de Yayi Boni, en étonnait plus d’un qui, déçus par son choix de soutenir Patrice Talon et son silence coupable devant les dérives du pouvoir actuel, n’hésitaient pas à le traiter de tous les noms d’oiseau sur les réseaux sociaux. Et finalement, la convocation, contre vents et marrées, par le président de la République, de l’Assemblée en session extraordinaire et en procédure urgente pour voter un projet de réforme constitutionnelle, ayant pour point d’orgue  un mandat présidentiel unique, aura sorti la tortue de sa carapace. Une démission du gouvernement qui intervient pendant que la polémique fait rage et coïncide avec la marche des magistrats, vent debout contre le projet funeste de Patrice Talon. En tout cas, en fin politicien, le moins candide des Candide, aura bien choisi son heure pour quitter le gouvernement Talon et en tirer des dividendes évidents.

La déception. C’est le sentiment qui anime le plus grand nombre au Bénin, suite au chapelet de bourdes commises par Patrice Talon après son accession presque miraculeuse au Palais de la Marina. Accusé par son prédécesseur Yayi Boni de tentative d’empoisonnement, le président du Bénin depuis le 6 avril 2016, sans étiquette partisane, n’est visiblement plus adulé par cette même population qui avait pris fait et cause pour lui, lorsqu’il était en pleine traversée du désert. Pire, l’homme d’affaires a réussi à faire l’unanimité contre lui en deux clignements de paupière. Pourtant, ils n’ont pas hésité à faire bloc derrière Talon pour le hisser sur le trône convoité également par Lionel Zinsou, le dernier premier ministre de Yayi Boni, affublé en son temps du qualificatif peu flatteur de candidat de l’envahisseur, revenu pour vendre moins cher le Bénin aux anciens maîtres. Fait rare chez les Béninois qui ont toujours su prendre de la hauteur dans les combats d’idées, ils ont, à l’occasion de cette élection présidentielle, osé franchir le rubicon, taxant d’étranger, le neveu de Emile Derlin Zinsou, l’ancien président du Dahomey aujourd’hui Bénin. Depuis lors, beaucoup d’eau a coulé sous le pont et les Béninois ont découvert la véritable nature de celui à qui ils ont confié la destinée de leur pays. Comme quoi, il faut se méfier de tout « président normal ».

Vite rattrapé par le virus des affaires, le président béninois semble plus préoccupé par l’épanouissement de ses propres sociétés que celui de ses compatriotes. Il n’a eu de cesse de s’en prendre à celui qu’il considère comme son rival en affaires et en politique, Sébastien Ajavon, le magnat du surgelé, arrivé troisième dans la course à la présidentielle béninoise de 2016. C’est dans cette atmosphère lourde de défiance que le patron des patrons béninois a dénoncé un complot du pouvoir contre sa personne, lorsqu’il fut accusé de trafic de drogue et embastillé fin octobre et relaxé le 4 novembre 2016. Depuis lors, celui qui avait apporté un soutien sans faille à Patrice Talon pour le faire roi, est devenu le souffre-douleur du palais de la Marina. Mais « Séba » comme l’appelle ses intimes, ne sera pas le seul punching-ball de Patrice Talon. Et l’opinion se demande déjà qui sera le prochain sur la liste des victimes de cette ingratitude dont seuls les politiciens ont le secret. En attendant, l’ire des Béninois continue d’enfler sur l’initiative très décriée de Patrice Talon, dans un Bénin plus que jamais nostalgique de son passé de pays locomotive de la liberté d’expression, notamment après son historique conférence nationale et souveraine de 1990.

Par Wakat Séra