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Bénin: sale temps pour l’ami du président!

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Olivier Boko (cravate rouge) voulait-il sortir de l'ombre de son "ami" Patrice Talon? (Ph. d'archives Matin Libre)

Au Bénin, le ciel est en train de tomber sur la tête de piliers du pouvoir en place, qui passent, au propre comme au figuré, de la lumière à l’ombre. leur péché est d’avoir osé penser à la succession du roi dont le règne n’a pas encore pris fin. Un véritable crime de lèse-majesté, qui, du reste, était même puni de mort, dans la tradition de certains royaumes africains. La tête du dauphin peut être tranchée, quand le souverain le croise. Du coup, les successeurs putatifs ou potentiels,  vivaient toujours loin du trône.

Un fait de l’histoire que méditeront, dans leur prison moderne, l’homme d’affaires et «très» -l’adverbe pourrait même se révéler faible- proche du président Patrice Talon, Olivier Boko (OB) et l’ex-ministre des Sports, Oswald Homeky. Ils ont été arrêtés, dans la nuit du lundi 23 au mardi 24 septembre, soupçonnés, selon des sources non officielles, d’atteinte à la sûreté de l’Etat. Accusation qui prend tout son poids, avec l’interpellation, dans la foulée, du commandant de la Garde Républicaine, le colonel Djimon Dieudonné Tévoedjrè.

Au premier, l’on pouvait appliquer, sans aucun risque de se tromper, le fameux et éternel slogan de la célèbre maison de commerce de chaussure Bata, «pas un pas sans Talon». Tellement, Olivier Boko collait, honni soit qui mal y pense, aux talons de Talon, qu’il était difficile de voir l’un sans l’autre. Certes, il n’avait aucun rang dans le protocole d’Etat, mais occupait davantage de place qu’un ministre, ou tout autre officiel. Il était simplement devenu le meilleur chemin, en tout cas le plus droit, pour accéder au locataire du palais de la Marina.

Dans les bonnes grâces du président béninois depuis au moins deux décennies, l’opérateur économique à la tête du groupe Denrées et fournitures alimentaires (DFA), n’a, pourtant, jamais déclaré officiellement être intéressé par le fauteuil de son ami. Mais c’est ce qui a conduit à sa perte. Il y a des faits qui ne trompent pas et deviennent vite compromettants, comme la naissance du «Mouvement 0B 26», des initiales du désormais ex-bras droit de Patrice Talon, et qui a enlacé de ses tentacules tout le pays. Ce qui a, d’ailleurs amené l’ancien ministre béninois des Sports, Oswald Homeky à se coiffer de la casquette de soutien de poids d’Olivier Boko, pour la présidentielle de 2026.

Cette ambition présidentielle, pourtant jamais publiquement dévoilée par Olivier Boko, n’a, visiblement, pas été du goût de Patrice Talon. Le calife n’ayant jamais accepté auprès de lui, le vizir qui veut devenir calife à la place du calife. L’arrestation d’OB, faite par des hommes qui se seraient déclarés appartenir à la Brigade criminelle, n’est pas encore reconnue par les autorités, tout comme les mobiles des différentes interpellations demeurent encore couverts d’un voile, néanmoins, bien transparent. Même si la constitution, met Patrice Talon hors course pour un autre mandat à la fin du second qui arrive à terme en 2026, le président ne conçoit, visiblement pas être poussé à la retraite, par son ami, celui-là même qu’il a rendu influent. 

Un bémol! Les adeptes de la politique-fiction, ils se comptent sur le poing d’un manchot, pensent, eux, que cette affaire n’est qu’un montage grossier pour tailler un statut de persécuté du pouvoir à Olivier Boko. Ainsi, Patrice Talon pourrait s’assurer une retraite tranquille, si son ami qu’il aura transformé en opposant aux yeux du citoyen lambda, donc l’électorat, vient aux affaires. Mais ça c’est un pur scénario de film, qui trouve rarement, sinon presque jamais, place dans la réalité, surtout en politique.

En attendant de connaître son sort, le «très proche», tombé en disgrâce du jour au lendemain, entouré de ses avocats, devra, soit prouver et convaincre son mentor qu’il n’a jamais eu d’ambition présidentielle, encore moins essayé de porter atteinte à la sûreté nationale, soit saisir l’occasion pour afficher cette idée à laquelle il aurait pensé tous les matins en se rasant, et déclencher ainsi la guerre avec son ami. Dans le deuxième cas, il y aura encore deux cas: celui pour Olivier Boko de devenir le voisin de l’opposante Reckia Madougou, condamnée, le 11 décembre 2021, à 20 ans de prison, ou rejoindre en exil, l’ex-magnat du surgelé, Sébastien Ajavon, qui fut candidat à la présidentielle béninoise du 20 mars 2016, avant d’appeler, au deuxième tour, à voter pour Patrice Talon qui en a fait par la suite, son premier ennemi.

Quelle sera la suite de cette série qui passionne actuellement les Béninois? Quelle politicien et quels officiers militaires seront entrainés par la vague des arrestations? Patrice Talon se contentera-t-il de ces poissons qu’il a pris dans ses filets? Rien n’est moins sûr, car les accusations d’atteinte à la Sûreté nationale constituent des occasions propices de purge et de vastes opérations de chasse à des adversaires politiques connus ou tapis dans l’ombre.

Par Wakat Séra