Bouaké, la rebelle. Comme un gant, la réputation colle à la ville symbole de la rébellion et épicentre des malheureuses mutineries qui ont frappé la Côte d’Ivoire ces trois dernières années. Comme pour justifier ce triste qualificatif, cette localité du centre a encore fait parler bruyamment d’elle, par le biais des forces de défense et de sécurité, elles qui devaient en assurer la quiétude. Certes, la ville a retrouvé son calme, après des détonations, le pillage et l’incendie d’un camp du Centre de coordination des décisions opérationnelles (CCDO), une unité pourtant dite d’élite. Preuve que ce cheval de Troie introduit par le ministre de la Défense, Hamed Bakayoko, dans l’armée est non grata. Paix des braves ou simple accalmie attendant de s’évanouir au prochain caprice des militaires qui se livrent à des expéditions punitives dans des affaires personnelles qui opposent membres de corps différents et pourtant appartenant à la même armée nationale? Un mort, des blessés et surtout des populations terrorisées, tel est le bilan de ces derniers jours fous qu’ont imprimés à Bouaké, ses militaires dans une ville dont les habitants assistent impuissants et le cœur meurtri, à la déchéance programmée. Car le chaos guette bel et bien Bouaké, si rien n’est fait, car aucun investisseur, local ou étranger, ne voudra mettre son argent dans un foutoir où les militaires sont devenus des desperados à la gâchette facile.
Le drame est que le cancer bouakéen se métastase très rapidement, transformant ces petits palabres de militaires en mutineries qui s’emparent de tous les camps, paralysant une Côte d’Ivoire qui tente, non sans mal, de redevenir la locomotive économique de l’Afrique de l’Ouest. Le malaise est d’autant plus inquiétant que l’indiscipline des militaires s’érige en une règle qui bat totalement en brèche la légendaire rigueur qui a fait la force de l’armée sous tous les cieux. Quel est le véritable dessein de ces militaires qui transforment les journées en enfer dans cette deuxième ville du pays? Qui manœuvre encore dans l’ombre pour couper la Côte d’Ivoire en deux, comme au temps de la rébellion ivoirienne de 2002? Difficile de ne pas lier cette crise qui perdure à la situation socio-politique de la Côte d’Ivoire où la guerre de de succession fait rage alors que la réconciliation nationale est totalement en panne, panne nourrie par les récents procès et condamnations à des peines plus ou moins lourdes de pro-Gbagbo, l’ancien président ivoirien poursuivi par la Cour pénale internationale.
Il faut régler au plus vite cette crise dans une armée qui ressemble plutôt à une bande de cowboys qui se tirent dessus à la moindre occasion. Toute chose qui plombe le nouveau décollage économique de la Côte d’Ivoire et éloigne chaque jour un peu plus, la paix des bords de la lagune Ebrié. Il est temps de rendre cette armée plus professionnelle, car, comme l’a dit l’ancien président burkinabè, Feu Thomas Sankara, un militaire sans formation est un criminel en puissance. Et ce serait vraiment dommage que l’Etat ivoirien secrète autant de criminels dans une sous-région où l’instabilité politique le dispute aux menaces sécuritaires dues au terrorisme. Pourquoi les militaires ivoiriens ne dirigent-ils pas plutôt leurs canons contre les djihadistes de tous ordres qui écument le continent, enfonçant davantage les pays dans la gadoue du sous-développement? Ils rendraient ainsi meilleur service à la Côte d’Ivoire et à l’Afrique!
Par Wakat Séra