La responsable de projet du Centre de recherche et d’Action sur les Droits économiques, Sociaux et Culturels (CRADESC), Dr Oumy Ndiaye, a évoqué un rapport de l’Organisation internationale du travail (OIT) qui dénombrait « 59 158 travailleurs domestiques » en 2018 au Burkina, à un déjeuner de presse à Ouagadougou le mercredi 14 septembre 2022 au cours duquel il a été livré les résultats de l’étude du centre et de ses partenaires.
Le Centre de recherche et d’Action sur les Droits économiques, Sociaux et Culturels (CRADESC) et la Fondation pour une Société Juste (FJS) en collaboration avec l’Association des Femmes Juristes du Burkina Faso (AFJ/BF) et l’Association de Défense des Droits des Aides ménagères et Domestiques (ADDAD), mettent en œuvre, la phase II du projet sur la Documentation des violations des droits économiques, sociaux et culturels (DESC) des travailleuses et travailleurs domestiques au Burkina Faso.
Le fléau de la pauvreté touche particulièrement les travailleurs du secteur informel, parmi lesquels et non moins précaires, figurent les travailleuses et travailleurs domestiques. Le travail domestique, en plus d’être un secteur où règnent l’informalité et le traitement indécent, accueille généralement le genre féminin, couche la plus vulnérable. Selon un rapport de l’OIT de 2021, «on dénombrait, en 2018, 59 158 travailleurs domestiques dont l’écrasante majorité (44 512) étaient des femmes, soit plus de 75% de l’effectif total. Ces aides ménagères exercent leur métier dans des ménages privés moyennant une rémunération très faible et qui, le plus souvent, n’atteint pas le SMIG des pays », a déclaré Dr Oumy Ndiaye qui a continué qu’à cela s’ajoutent les conditions inhumaines de vie et de travail de ces femmes/filles qui se retrouvent pour la plupart exposées à de multiples formes de violences de la part de leurs employeurs ou des membres de leurs ménages.
Pour faire du travail domestique un travail décent, la Conférence générale de l’Organisation internationale du Travail (OIT) a adopté en 2011 la Convention n°189 sur les travailleuses et travailleurs domestiques. Les nombreuses actions des Organisations de la société civile (OSC) ont poussé les autorités burkinabè à déclencher le processus de ratification après l’adoption de cette convention. « Toutefois, la procédure s’est arrêtée au stade des négociations entre les différentes parties prenantes (Etat, Organisation d’employeurs et employés) », a-t-elle regretté, soulignant que les raisons avancées sont liées surtout au manque de données fiables pour orienter les politiques et d’autres part à la nature du secteur qui ne facilite pas toujours l’engagement des autorités.
C’est dans ce contexte global que le CRADESC a mené une étude sur le niveau de respect des droits économiques, sociaux et culturels des femmes et filles travailleuses domestiques à Ouagadougou, dans la capitale burkinabè. De façon générale, cette étude vise à contribuer à la réduction de la vulnérabilité des travailleuses domestiques à travers une documentation de la réalisation de leurs droits économiques, sociaux et culturels et à faire l’évaluation de l’efficacité des appuis dont elles bénéficient pour mieux informer le plaidoyer visant leur protection et leur émancipation économique.
«L’objectif, c’était de mener une étude sous régionale, une étude qui a réuni neuf pays de l’Afrique de l’Ouest dont le Burkina Faso. Ces trois jours de formation ont permis de faire une dissémination des résultats de l’étude en collaboration avec l’ensemble des acteurs et partenaires impliqués dans le processus. Le constat est que malgré l’existence d’un arsenal juridique qui légifère le secteur, nous avons dénombré au cours de ces recherches qu’il y avait des limites d’ordre juridique liées au contexte même des textes », a dit la responsable de projet à CRADESC. « Pour le Burkina, il y a le décret de 2010 qui implique les conditions de vie de ces travailleurs domestiques et ignore les autres droits liés à la syndicalisation et tant d’autres aspects qui ne sont pas intégrés dans le décret », a-t-elle déploré, notant que ce que sa structure veut, « c’est une prise en compte de ces limites d’ordre juridique, une révision de ces textes et que leur application soit effective. Le rôle du centre est de fournir des données probantes afin d’aider à la prise de décision politique».
La représentation de l’Association des Femmes juristes du Burkina (AFJB), Marie Yonli/Zomodo, a signifié que l’idée du projet, c’est la « mise en place » d’un cadre de concertation pour la protection et la promotion des droits des travailleuses et travailleurs domestiques. « Mais en attendant de pouvoir formaliser ce cadre-là et mettre en place un secrétariat permanent nous avons décidé de mettre en place un comité ad’hoc qui regroupe sept structures à savoir des associations, des syndicats, les hommes de médias, des parlementaires, des institutions étatiques, etc. Une fois ce cadre formalisé, il aura un mandat de cinq ans », a-t-elle avancé.
Le travail du comité ad’hoc concrètement sur le terrain sera de « faire le plaidoyer pour l’adoption de la ratification de la convention C189 mais aussi l’adoption d’une loi spécifique qui protège véritablement les travailleuses/travailleurs domestiques », a affirmé madame Yonli qui a noté qu’il s’agira aussi pour le comité de « travailler à organiser les domestiques elles-mêmes autour d’un syndicat mais aussi renforcer leur compétence dans leur domaine ».
« Nous, les aides ménagères n’avons plus d’identité parce que dans les maisons où nous travaillons, on nous appelle des domestiques que ce soit en français ou dans les langues locales, et cela blesse. On n’est pas considérés dans ces familles. Nous ne pouvons pas nous habiller comme les autres enfants. Nous n’avons pas de rémunération en bonne et due et forme alors même que nous n’avons pas des heures de repos. Nous subissons toutes sortes de violences (physique, sexuelle, morale et psychologique) », a résumé la présidente de l’Association de défense des droits des aides ménagères et domestiques (ADDAD), Sakinatou Ouédraogo.
Des chiffres clés de l’étude alarment que « 74,83% des travailleuses domestiques n’ont pas de contrat de travail, 95,3% des travailleuses domestiques touchent moins de 27 000 F CFA, 82% des travailleuses domestiques n’ont pas été déclarées à la sécurité sociale, 93% des travailleuses domestiques ne connaissent pas la sécurité sociale et 98,42% des travailleuses domestiques ont été au moins, une fois victimes de violences basées sur le genre ».
Par Bernard BOUGOUM