Les responsables de la Cour des Comptes du Burkina ont animé, une conférence de presse, ce jeudi 20 février 2025, à Ouagadougou, pour donner plus de détails sur le Rapport public annuel 2023 que l’institution supérieure de contrôle a produit et remis au chef de Etat, le 26 novembre 2024. Selon les conférenciers du jour, c’est au moins « 36 milliards FCFA » qui sont injustifiés, pour fautes de gestion des comptes publiques.
Le Premier Président de la Cour des Comptes burkinabè, Latin Poda, et ses proches collaborateurs, ont rencontré, ce jeudi 20 février 2025, les représentants des médias en vue de leur donner plus d’éclaircissements sur le Rapport public annuel 2023 de l’institution, remis au président du Faso, le capitaine Ibrahim Traoré, le 26 novembre 2024. Selon la synthèse des constats et recommandations formulés, on note, dans le rapport, plusieurs points clés abordés, mettant en lumière les efforts de la Cour des Comptes pour améliorer la discipline budgétaire et financière au Burkina Faso.
Le premier point concerne le jugement accéléré des comptes de gestion. Le document indique que ce point a été poursuivi et cela cible les comptes de gestion des exercices 2017 à 2020 et le traitement des fautes de gestion, en veillant à ce que chaque cas soit examiné avec la plus grande rigueur. Le deuxième point a visé les actions judiciaires. Sur la base des propres rapports de l’institution et ceux des corps de contrôle de l’ordre administratif, des actions judiciaires ont été engagées contre des auteurs présumés de fautes de gestion. Le texte a également dénoncé des faits présomptifs d’infraction à la loi pénale auprès des juridictions répressives de droit commun.

En troisième lieu, le travail des contrôleurs s’est penché sur les activités de contrôle. Durant l’année judiciaire 2021-2022, des audits de projets et programmes de développement, contrôle de gestion des structures de l’État et des collectivités territoriales, ont été menés. Des dossiers relatifs au financement accordé aux formations et partis politiques pour les campagnes électorales et hors campagnes électorales ont été instruits. Ces contrôles ont révélé des défaillances importantes face auxquelles des recommandations précises ont été formulées dans la quatrième partie. Ces recommandations visent à corriger les défaillances constatées, et des sanctions éventuelles à prononcer à l’encontre de certains acteurs politiques, en l’occurrence la condamnation au remboursement de sommes non justifiées.
« Cependant, malgré nos efforts, la Cour des comptes rencontre des difficultés significatives, notamment, la nécessité urgente de réviser la loi organique qui nous régit, ainsi que les défis liés à notre siège et aux crédits alloués pour notre fonctionnement. En publiant ce Rapport public annuel 2023, nous réaffirmons notre attachement à une gestion saine et rigoureuse des ressources publiques, en conformité avec nos missions. Nous espérons que ce rapport contribuera à renforcer la confiance des citoyens à la Cour des comptes et à promouvoir une culture de transparence et de responsabilité », a déclaré le Premier Président de l’institution supérieure de contrôle burkinabè, Latin Poda.
Répondant à une question sur les fautes de gestion, le Procureur général, près la Cour des comptes, Adama Ouédraogo, a affirmé qu’en l’état, en 2023, suivant le rapport de la Cour des Comptes qui vient d’être exposé, sur l’état des dossiers de fautes de gestion en traitement, ils sont « parvenus à estimer, pour le moment, environ 36 milliards de francs CFA, indépendamment des autres aspects, des autres désagréments que ces fautes ont pu commettre tant aux populations qu’aux collectivités, aux entités de manière générale ».
« Vous avez dû certainement remarquer que dans le rapport public de 2023, c’est l’état des dossiers des fautes de gestion qui sont actuellement en procédure d’instruction », a laissé entendre M. Poda. « Il n’y a pas eu de jugement de ces fautes de gestion. Mais ce que je peux vous dire, est qu’actuellement, il y a des jugements sur les fautes de gestion. Il y a une bonne dizaine d’arrêts qui ont déjà été rendus sur les fautes de gestion », a-t-il rassuré.

« Vous devez même remarquer que le président de la Chambre de discipline budgétaire de la Cour des Comptes est absent (à la conférence) parce qu’il y a des arrêts qui ont été rendus et il est avec ses conseillers pour la rédaction de ces arrêts. Donc, dans quelque temps, vous aurez à votre disposition des arrêts sur les fautes de gestion. Soyez rassurés, toutes les fautes de gestion dont la Chambre a été saisie seront jugées », a-t-il martelé.
Selon les conclusions du rapport de la Cour des Comptes, parmi les treize candidats qui ont bénéficié de la subvention publique à l’occasion de la campagne pour l’élection présidentielle, six n’ont pas déposé de rapport conformément à la loi. « Au total, 56 acteurs politiques sont concernés par le non-dépôt de rapport financier accompagné de pièces justificatives de dépenses des subventions reçues à l’occasion soit de la campagne pour les élections législatives, soit de la campagne pour l’élection présidentielle de 2020, soit du financement hors campagnes 2021. Le montant global à rembourser au profit du Trésor public est de 590 446 420 francs CFA », a précisé Thomas Ouédraogo qui a livré la synthèse du rapport aux journalistes. M. Ouédraogo est le président de la Chambre chargée du contrôle des entreprises publiques de la Cour.
Dans la rubrique des recettes et des dépenses des comptes d’affectation spéciale (CAS), la Cour des Comptes a constaté que le Compte d’affectation spéciale « Gestion des frontières » ne reçoit pas de recettes particulières tandis que ses prévisions sont fondées sur des allocations du budget général et présente un taux de réalisation nul. « Sa création, justifiée par le gouvernement dans la loi de finance initiale (LFI), exercice 2022 est basée entièrement sur les ressources attendues du budget général ; ce qui ne respecte pas l’article 39 de la loi organique relative aux lois de finances qui dispose que le total des dépenses engagées ou ordonnancées au titre d’un CAS ne peut excéder le total des recettes du même compte, sauf pendant les trois mois de création de celui-ci », a laissé entendre M. Ouédraogo.
Comme recommandations sur ce point, la Cour invite le ministre chargé des Finances à revoir les sources d’approvisionnement du Compte d’affectation spéciale « Gestion des frontières » afin de se conformer à l’article 39 de la loi organique relative aux lois de finances.
Sur la rubrique des ressources et charges de trésorerie, la Cour constate que pour les nouveaux emprunts contractés au cours de l’exercice 2022, tout comme en 2021, l’obligation de la saisine du Comité national de la dette publique (CNDP) pour avis motivé n’est pas respectée. Alors, elle invite le ministre chargé des Finances à faire respecter l’obligation de saisine du Comité national de la dette publique avant toute négociation de nouvel emprunt.
Dans le point concernant l’examen des lettres transmises, la Cour a relevé le non-respect des délais de transmission des formulaires de déclarations par toutes les entités déclarantes prévus au plus tard le 26 février 2023. La Cour recommande au Comité de pilotage d’instruire les entités publiques de transmettre à la Cour dans les délais requis, les formulaires de déclaration selon le modèle adopté par le Comité de pilotage et dûment remplis. Elle interpelle les responsables des entités déclarantes de veiller à la présentation des formulaires de déclaration dans les délais et selon le modèle adopté par le Comité de pilotage.
Comme autre rubrique, la Cour a constaté que les arrêtés de reversement des ressources du Fonds minier de développement local sont pris en retard. La Cour a constaté que les transferts des ressources du Fonds minier de développement local dans les comptes des collectivités territoriales sont effectifs, mais ne sont pas effectués dans les délais réglementaires et comportent souvent des erreurs et des omissions. La Cour recommande alors aux ministres de tutelle de prendre des dispositions pour la signature des arrêtés de reversement à bonne date. L’institution supérieure de contrôle recommande au Trésor public de prendre des dispositions pour un transfert effectif des ressources du Fonds minier de développement local dans les comptes des collectivités territoriales dans les délais.
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Par Bernard BOUGOUM