Les États parties aux conventions de Bâle, Rotterdam et Stockholm se sont retrouvés à Genève du 24 avril au 5 mai pour faire le point sur les actions menées à tous les niveaux pour rendre l’environnement plus sain.
Après les experts, les ministres ont pris le relais dans un segment de haut niveau les 4 et 5 mai, pour plancher sur le thème « Un avenir détoxifié : la gestion rationnelle des produits chimiques et des déchets ».
La délégation du Burkina conduite par le ministre de l’environnement, de l’économie verte et du changement climatique Batio Nestor Bassiere, a suivi les travaux de bout en bout et a même proposé et obtenu l’inscription de nouveaux produits sur la liste des produits chimiques et déchets toxiques.
« Convention de Bâle sur les mouvements transfrontaliers de déchets dangereux et leur élimination, Convention de Stockholm sur les polluants organiques persistants (POP), Convention de Rotterdam sur la procédure de consentement préalable en connaissance de cause (PIC) applicable à certains produits chimiques et pesticides dangereux qui font l’objet d’un commerce international, Convention de Minamata sur le mercure, Approche stratégique pour la gestion internationale des produits chimiques (SAICM), Protocole de Montréal sur les substances appauvrissant la couche d’ozone ». Autant de conventions et accords conclus ces deux dernières décennies après que
l’humanité a senti que les produits chimiques recherchés naguère pour servir le développement, sont devenus de dangereux petits monstres qui menacent la santé de l’homme et de l’environnement.
Dans l’environnement, on dénombre au quotidien, plus de 100 000 substances chimiques dangereuses, allant de la fabrication des médicaments aux engins de morts en passant par les pesticides utilisés dans l’agriculture. Certains ayant donc des desseins plus nobles que d’autres, mais la plupart contribuant ou ayant contribué au développement économique des pays. Mais faut-il sacrifier la santé des hommes, des animaux et de l’environnement sur l’autel du développement de l’industrie chimique.
Les produits chimiques peuvent donc se révéler toxiques pour l’homme, la flore et la faune, mais la gestion de leurs déchets est tout aussi délicate parce que leur impact nocif a été prouvé. Il en est ainsi des pollutions des sols, des eaux superficielles et souterraines, des émissions de gaz à effet de serre, des émissions de produits toxiques et de métaux lourds, surtout dans les pays en développement ou l’Occident déverse son trop plein de matériel hors d’usage.
France au revoir, bonjour pollution
« Nous ne produisons pas des déchets toxiques mais nous subissons, affirme Batio Nestor Bassiere. Le contexte de pauvreté fait que ce qui n’est plus utilisable dans les pays développés est toujours utilisable dans nos pays, au regard de la modicité de nos moyens. Donc pour nous, c’est une justice que nous réclamons, à savoir que nos États ne peuvent plus être des dépotoirs de ces déchets toxiques, mais également, nous demandons à ce qu’on nous accompagne dans la mise en œuvre des traitements de ces déchets toxiques. Donc pour nous, il faut premièrement qu’il y ait des conditionnalités pour l’utilisation de ces déchets toxiques dans nos pays et un accompagnement dans le traitement de ces produits ».
Cette situation qui se vit tous les jours sur les trottoirs des villes du Burkina et dans d’autres pays africains est très préoccupante. D’autant plus préoccupante et plus insidieuse que le label « France au revoir » est presque devenu synonyme de qualité.
« Il était prévu des mesures d’accompagnement pour les États en développement comme le Burkina Faso, pour nous permettre de pouvoir disposer de centres de traitement. Et comme il y a des produits chimiques qu’on ne peut pas traiter chez nous, que l’on puisse les transporter vers des sites habilités. Tout cela nécessite des moyens et nous voulons qu’ensemble, l’on détermine les modalités pratiques », explique le ministre en charge de l’Environnement.
Très engagé dans cette lutte pour détoxifier le futur, le Burkina a même inscrit sur la liste d’autres produits chimiques qui n’y figuraient pas. C’est le cas du cyanure, très utilisé avec le développement de l’exploitation aurifère, et du mercure. « Nous pensons que ces produits doivent figurer sur la liste et aujourd’hui c’est chose faite et nous attendons maintenant les modalités pratiques pour nous accompagner », a indiqué Batio Nestor Bassiere.
Les peintures aussi
Le Burkina Faso a également proposé à Nairobi, une résolution sur les produits chimiques contenus dans le plomb et les peintures. Explications du ministre de l’Environnement :
« Nous l’avons proposé après avoir fait un constat au Burkina Faso. Nous utilisons des peintures dont le taux de plomb ne respecte pas la réglementation internationale. Nous avons demandé que la même réglementation soit appliquée à toutes les peintures utilisées dans le monde. Au Burkina, nous utilisons, par ailleurs, des véhicules d’occasion dont nous changeons les batteries au moins, deux fois l’an. Nous jetons la batterie usagée alors qu’elle contient des produits toxiques et si ces batteries ne sont pas recyclées, elles constituent un danger pour les populations ».
Ces négociations n’ont pas été sans difficultés, certains grands pays ayant souhaité que les termes de la résolution soient modifiés, mais elle a été finalement votée avec l’appui des États-Unis et de l’Union européenne. Mais le combat est loin d’être terminée, la mise en œuvre étant une autre étape. Le ministre annonce une rencontre sous-régionale au Burkina Faso pour discuter de cette résolution.
Pour ce qui est du cas des voitures « France au revoir », les ministères de l’Environnement et des Transports sont en train de travailler sur un texte portant sur l’âge de ces véhicules, comme cela est du reste le cas dans certains pays voisins.
De manière générale, Batio Nestor Bassiere reste convaincu que l’Afrique a son mot à dire dans cette guerre contre les produits chimiques toxiques.
« Ce que nous demandons, c’est la solidarité des pays africains. Le président Thomas Sankara disait que si lui seul refusait de payer la dette, il ne serait pas à la prochaine rencontre. Donc, il faut que nous fassions un front uni. N’oubliez pas que nous sommes aussi des consommateurs de ces produits et si nous refusons aujourd’hui et demandons à ceux qui sont responsables de ces questions de nous accompagner à la résolution de ces questions, nous pouvons y arriver. Mais si individuellement, chaque pays au regard de ses intérêts propres va en négociation, ce n’est pas évident que l’on puisse aboutir. Nous pensons que l’Afrique peut se faire entendre, à condition que nous parlions d’une seule voix et que nous allions en un front uni pour contraindre les puissances à nous accompagner. Pour nous c’est une question de justice environnementale ».
Mathieu Bonkoungou
Ambassade Mission permanente du Burkina à Genève