Accueil A la une Burkina/configuration de la classe politique: des citoyens expriment leurs craintes

Burkina/configuration de la classe politique: des citoyens expriment leurs craintes

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Au Burkina Faso, à la suite des élections présidentielle et législatives du 22 novembre 2020, une nouvelle configuration de la classe politique s’est dessinée. Plusieurs partis politiques qui ont fait leur preuve sur la scène politique et même des partis, à qui on dit qu’ils ne peuvent pas mobiliser des électeurs, se sont rué pour se faire une place au sein de la majorité présidentielle. Nous nous sommes approchés à des citoyens, notamment, des acteurs de la société civile, journalistes et étudiants, afin de recueillir leurs avis sur cette nouvelle configuration de la classe politique et ce qu’on peut attendre du nouveau chef de file de l’opposition, Eddie Komboïgo.

Eric Ismaël Kinda, un des porte-paroles du Balai citoyen : la configuration de la classe politique montre « des alliances d’intérêts égoïstes »

Eric Ismaël Kinda, un des porte-parole du Balai citoyen

La nouvelle configuration de la classe politique ne nous laisse pas voir des lendemains meilleurs, pas de perspectives heureuses en vue, et pour cause : ce sont des alliances d’intérêts égoïstes qui foulent aux pieds les intérêts réels du peuple, certains ont rallié le MPP (Mouvement du peuple pour le progrès) non pas par conviction mais par pur intérêt égoïste, sinon comment expliquer les ralliements du MPS (Mouvement patriotique pour le salut), de la NAFA (Nouvelle alliance du Faso) si ce n’est pour la cause de leurs géniteurs? Celui de l’UPC (Union pour le progrès et le changement) qui stigmatisait, il n’y a pas longtemps, l’incapacité du pouvoir MPP. Pour le MPS le souci est le retour au pays de son fondateur, pour la NAFA c’est la prison dorée à Paris pour son géniteur ! Personne n’est dupe ! C’est clair comme l’eau de roche, pas besoin d’une école de science politique pour comprendre tout cela ! D’ailleurs certains de leurs partisans crient sur tous les toits du monde et à qui veut l’entendre qu’il est l’heure d’aller manger. La fameuse théorie de la démocratie consensuelle refait surface, cette théorie expérimentée au Mali a conduit à la déresponsabilisation dangereuse des hommes politiques, à la léthargie, au pillage organisé et programmé le pays au détriment des masses, aujourd’hui c’est un pays en lambeaux qui peine à faire face à l’hydre terroriste ! Il faut vraiment craindre la même chose pour notre pays !

L’opposition d’aujourd’hui est menée par un parti qui pendant 27 ans a érigé les crimes organisés : économiques et de sang, l’impunité en valeurs, en mode de gouvernance, un parti politique qui n’a jamais procédé à une autocritique sérieuse et salvatrice, qui n’a pas su faire sa mue, qui n’a jamais considéré la colère du peuple burkinabè à sa juste valeur et qui a osé traiter les insurgés de manipulés. Quelles valeurs défendra ce parti en tant que chef de file de l’opposition ? Absolument rien ! Ce parti n’a d’ailleurs pas un programme sérieux que le retour de son géniteur, comme si le peuple burkinabè l’avait dit de quitter le pays et d’aller se prévaloir d’une autre nationalité. Pour ce parti, les crimes organisés, l’impunité sont une seconde nature, une religion, une chanson à grand renfort de tambours battants.

C’est à ce niveau de gravité que les patriotes, les OSC (Organisation de la société civile) responsables, les révolutionnaires doivent redoubler de vigilance, bander les muscles face à ce qui se dessine, face au complot ourdi contre le peuple. La démocratie, la vraie, exige une opposition sérieuse qui ne voit que l’intérêt supérieur de la Nation, une opposition porteuse d’espoir. Le drame actuel dans notre pays, c’est le désespoir qui gagne du terrain chaque jour qui passe. Mais là où s’abat le désespoir, s’élèvent les cris victorieux des patriotes. Jamais le bardage, la prédation, le déni, l’imposture ne triompheront. Na Lara an Sara !

Pascal Zaïda Coordonnateur national du Cadre d’expression démocratique (CED) : « Il revient au CFOP d’engager une large consultation (…) afin de se faire une base solide »

Pascal Zaïda Coordonnateur national du Cadre d’expression démocratique (CED)

Quelqu’un m’a dit un jour que ceux qui luttent pour la même cause finissent par se retrouver. (Rires)

Dans mon engagement public je n’ai jamais été surpris par la force des mouvements et regroupement de cette nature. J’ai même vu ça venir, puisque depuis trois ans, je n’ai cessé de dire aux gens que les insurgés sont unis dans l’esprit et ils finiront par matérialiser leur acte. Quoi de plus normal. Pour répondre à votre question et arrêter ce mythe de grand rassemblement que les gens veulent construire je dirai de relativiser les choses. À l’exception de l’UPC, on ne note pas une grande révolution. Certains médias et les officines politiques essaient d’amplifier l’effet de ralliement de certains regroupements politiques qui n’ont même pas reçu 1% de suffrage pire pour certains partis qui n’ont pas obtenu plus de 1 000 voix. Cette campagne malsaine prépare quelque chose à venir et on verra bien en son temps.

Moi je note qu’en plus des nouveaux animateurs du CFOP, que le mouvement syndical reste mobilisé, que les organisations de la société quoique attentive à la dynamique de la réconciliation restent pour la plupart alertes sur la veille citoyenne.

Donc moi je suis de ceux qui pensent qu’il n’y a rien d’extraordinaire, au contraire, lorsque le jeu est clarifié ainsi, le citoyen à plus de lisibilité et saura s’assumer d’une façon ou d’une autre le moment venu. La vie d’une Nation est pleine de mystère et nul ne peut prévoir l’avenir.

Le nouveau Chef de file de l’opposition, Eddie Komboïgo a pour lui sa jeunesse, la présence de personnes d’expérience autour de lui. Il sait combien sa responsabilité est grande dans un contexte où une cynique campagne est ourdie pour dire qu’il n’y a plus d’opposition et sa survie politique dépend fortement de la gestion de cette manipulation en cours. Il lui revient donc d’engager une large consultation et concertation afin de se faire une base solide.

Sans être dans le radicalisme inutile, s’il se positionne en accompagnant du pouvoir ce sera bien fait pour son matricule comme on le dit vulgairement. Au Burkina Faso, ce sont les actes que tu poses qui te font et qui te défont. Cette règle naturelle est bien connue par les initiés.

Hamidou Zonga journaliste et écrivain : « les caciques du MPP ne sont pas des stagiaires politiques »

Hamidou Zonga journaliste et écrivain

C’est clair et net. La politique sur nos tropiques est pratiquée par des hommes qui pour la plupart, ne sont pas convaincus de leur idéal poursuivi. A savoir si certains connaissent véritablement ce que c’est qu’une idéologie politique.

Nous assistons à une ruée de partis politiques fantoches qui courent vers la majorité présidentielle. Chacun y va en espérant avoir sa  »part du gâteau », car l’opposition politique aujourd’hui est devenue un œuf à coquille vide.

Si l’Union pour le progrès et le changement (UPC) de Zéphirin Diabré a rejoint le parti au pouvoir, on pourrait donner raison à l’actuel ministre en charge de la Réconciliation nationale qui s’est senti trahi par le peuple qui demande une chose et son contraire.

Zéphirin Diabré est un grand homme qui aujourd’hui, mène son ultime combat politique. Il faut vraiment avoir un mental d’acier comme cet homme pour supporter les moqueries et les rhapsodies des gars du pouvoir, comme le disait l’écrivain professionnel, Adama Siguiré.

C’est malheureusement cela aussi la politique ! Celui qui veut être à l’abri de la honte doit donc se méfier de la politique.

Un autre parti politique qui avait crié sur tous les toits la mauvaise gestion du parti au pouvoir, le Mouvement du Peuple pour le Progrès (MPP) est bel et bien celui de Yacouba Isaac Zida, le  »Jésus Christ » du Mouvement du Peuple pour le Salut (MPS).

Le grand constitutionnaliste, Augustin Loada n’est pas un homme faible en idées et en stratégies. Il connaît aussi mieux l’arène politique burkinabè que quiconque. Cependant, les tenants du pouvoir ne sont pas non plus myopes. Que cherchent-t-ils en rejoignant le pouvoir ? Pourrait-on se poser comme question.

Une chose est claire, les caciques du MPP ne sont pas des stagiaires politiques. Ne sont-ils pas conscients de leurs différentes sorties médiatiques sur l’affaire Zida depuis sa fuite au Canada ?

Un autre aspect du jeu politique depuis la réélection du président Roch Kaboré est la course de partis microscopiques, incapables de remplir un petit salon de dix (10) tôles. Ces partis fantômes, dirigés par des incompétents et de non convaincus d’une bonne idéologie, se tapent fièrement la poitrine en se clamant de la mouvance présidentielle.

Le MPP est une version nouvelle de l’ex parti au pouvoir. Mais une version empreinte d’innovations dans la manière. Cependant, beaucoup de choses restent encore à corriger. Le chemin est encore très long pour le MPP, même si ce parti semble avoir « l’approbation de la majorité des acteurs politiques et du peuple ».

Avec ces mouvements des partis politiques vers la majorité présidentielle, espérons que le virus du troisième mandat ne pique le président Roch Kabore ; car c’est bien au cours de ce mandat que la cinquième République sera adoptée.

Le Burkina Faso va vivre une véritable crise démocratique avec ces différents mouvements des partis politiques sans conviction qui courent vers la majorité présidentielle. Nous n’avons pas de réels hommes politiques convaincus de leur engagement. Et l’opposition politique burkinabè devient un œuf vide.

L’opposition politique burkinabè est devenue comme un animal qui a deux pattes cassées. Impossible de se tenir efficacement debout. Impossible aussi de rester couchée sans se lever, car il faut vraiment se battre même quand on sait que ce sera un combat vide.

Le parti qui avait gouverné ce pays pendant 27 ans se retrouve à ce jour à la tête de l’opposition (chef de file de l’opposition politique) au Burkina Faso.

Que faut-il espérer de mieux du CDP ? Absolument rien de nouveau ; surtout que son leader n’est pas à la taille normale d’un dirigeant idéal. Bien vrai qu’il soit parmi le cercle restreint des milliardaires burkinabè.

Je ne rentrerai pas dans les détails. Mais chacun pourrait se faire une idée de la gestion du pays par le CDP durant 27 ans.

Il faut le dire ouvertement : aucun homme n’acceptera manger une nourriture qu’il avait vomi.

Le CDP, chef de file de l’opposition politique, espérant reconquérir le pouvoir d’État, c’est une illusion dont les acteurs sont bien conscients.

Nous sommes dans une société où les gens aiment cacher leurs intentions. C’est bien dommage. Le CDP de Eddie Komboïgo va beaucoup souffrir dans l’opposition, car le découragement gagnera ses militants. Quand le serpent vous mord, vous vous méfier du vers de terre. Suivez bien mon regard !

L’opposition politique gagnera en crédit et en énergie si les jeunes leaders de l’ONA (opposition non alignée) renouvellent leurs vestes aux côtés du CDP.

Cependant, ces jeunes ont-ils confiance en ce parti ????

Boukaré Sorgho, étudiant en deuxième année en Science de la vie et de la terre à l’Université de Ouagadougou : « La classe politique n’est pas à croire actuellement »

Boukaré Sorgho, étudiant en deuxième année en Science de la vie et de la terre à l’Université de Ouagadougou

En ce qui concerne la nouvelle configuration de la classe politique burkinabè, je trouve que la majorité des partis courent pour rejoindre la majorité juste pour leur intérêt personnel. Quand on regarde dès le début l’opposition s’était entendue pour qu’en cas de second tour elle puisse soutenir celui qui la représentera. Voilà que maintenant chacun se lance partout pour chercher son pain.

L’ex-chef de file de l’opposition a montré son incapacité à tenir l’opposition. Il est alors allé pour accompagner le président. On attendait beaucoup de chose de son parti, malheureusement on trouve que chacun se cherche. C’est leur poche, leur famille.

Nous les étudiants, on nous a beaucoup délaissés. La classe politique n’est pas à croire actuellement.

C’est très intéressant de voir les choses changer de main en main. Quand ça change de main en main, on peut espérer attendre beaucoup de choses. Eddie Komboïgo, si je ne me trompe pas, c’est un économiste. Avec son expérience personnelle et professionnelle, il peut apporter beaucoup de changement au niveau de la politique au Burkina Faso. Il peut par ses actes qu’il aura à poser attirer dans l’opposition, les partis qui se sont intégrés actuellement à la majorité présidentielle. 

Par Daouda ZONGO