Tous les anciens chefs de l’Etat et le président du Faso autour de la même table! Ce qui paraissait irréalisable il y a encore quelques jours au Burkina, pourrait bien devenir réalité ce vendredi. A la condition que les invités du lieutenant-colonel Paul-Henri Damiba répondent au tocsin que celui-ci a sonné au nom de la réconciliation et de la cohésion nationales, étapes incontournables pour un Burkina Faso où la graine de la haine divise un peuple dont la diversité dans l’unité faisait, jadis, la force. Ce roc devenu trop friable, et pour lequel le moindre choc peut être fatal, est à la recherche du ciment fort qui va non seulement recoller ses morceaux, mais surtout lui permettre de résister aux assauts meurtriers incessants des forces du mal.
Le Pays des Hommes intègres en a marre de pleurer la mort de ses fils et filles qui tombent comme des mouches dans les attaques barbares de terroristes reconnus comme tels ou des HANI, les fameux Hommes armés non identifiés. Comme pour la jarre trouée du roi du Dahomey, Guézo (1818-1858), le Burkina Faso qui se lézarde de toutes parts, appelle à l’unité et à la paix. C’est dans cette logique que le nouveau maître de Ouagadougou bat le rappel de tous ses prédécesseurs, autour du présent de douleur et de l’avenir d’inquiétude qui sont ceux des Burkinabè. Et c’est pour apporter leur contribution à la réussite du processus de réconciliation et se pencher, ensemble, sur «des questions liées à l’intérêt supérieur de la nation» que Roch Marc Christian Kaboré, Michel Kafando, Yacouba Isaac Zida, Blaise Compaoré et Jean-Baptiste Ouédraogo sont conviés au palais présidentiel de Kosyam, en principe ce vendredi.
Mais, car il y a toujours un petit mais dans ce genre d’initiative qui doit obtenir l’adhésion du grand nombre, en l’occurrence le peuple burkinabè qui a, plus que jamais, soif de paix, parmi les appelés sous l’arbre à palabres du chef de la junte militaire, certains ont, pendu sur leurs têtes, le glaive de la justice, cet attribut tranchant de Némésis la déesse de la vengeance dans la mythologie grecque. La plus emblématique de ces personnes visées par la justice burkinabè est bien l’ancien président du Faso, Blaise Compaoré qui vit en exil, depuis 2014, en Côte d’Ivoire, après sa chute précipitée du pouvoir. En effet, ce 6 avril, la justice militaire de Ouagadougou, avait collé la perpétuité à celui qui jouit également de la nationalité ivoirienne et dont la santé fragile est au coeur des conversations, accusé d’avoir participé à l’assassinat, le 15 octobre 1987, du père de la révolution burkinabè, Thomas Sankara, tué en même temps que 12 de ses compagnons. En tout cas, dans ce processus de réconciliation destiné à ramener la quiétude au profit des populations qui ont trop tiré la queue du diable au point de l’arracher, les écueils ne manqueront pas. Et seule la capacité habituelle des Burkinabè à surmonter ces genres d’obstacle constituera la clé de la délivrance. Au chef de l’Etat de mettre la forme adéquate pour ne pas favoriser l’impunité suite aux décisions de justice.
En Côte d’Ivoire, deuxième patrie de nombreux Burkinabè, le désir de la paix et la volonté d’aller à la réconciliation nationale, ont amené le président Alassane Ouattara et son peuple à ramener au bercail, leurs exilés politiques dont le plus célèbre n’est autre que l’ancien président ivoirien, Laurent Gbagbo qui est également sous condamnation pour 20 ans de prison par la justice ivoirienne. Mais le leader du Parti des peuples africains (PPA) loin d’être inquiété, vaque à ses activités quotidiennes, et surtout politiques, pour le grand bonheur de la cohésion nationale en pleine reconstruction sur les bords de la lagune Ebrié. Mieux, dans une rencontre de haut niveau prévue pour ce 14 juillet, Alassane Ouattara, et ces prédécesseurs, Henri Konan Bédié et Laurent Gbagbo, prendront, une fois de plus, langue sur plusieurs sujets dont ceux liés au sort des prisonniers politiques et aux élections locales et régionales de 2023 et celle présidentielle de 2025.
Un peu plus loin des «pays frères et amis» de la Côte d’Ivoire et du Burkina, c’est toujours pour cultiver cette denrée rare qu’est la paix que les présidents rwandais Paul Kagame et congolais Félix Tshisekedi, sous l’égide de l’Angolais Joao Lourenço, ont mis en branle un «processus de désescalade» dans la crise qui les oppose, eux et leurs deux peuples, dans le Nord-Kivu où le Pays des mille collines est accusé d’apporter soutien aux rebelles du M23 contre lesquels se bat l’armée de la République démocratique du Congo (RDC). Les deux chefs de l’Etat qui se regardaient en chiens de faïence, seraient même parvenus à un accord de cessez-le-feu.
Certes, que ce soit au Burkina Faso, en Côte d’Ivoire ou en RDC, ces entreprises pour la paix, seul gage du bonheur des peuples et du développement des pays, ne seront pas un long fleuve tranquille. Mais elles sont la preuve qu’il y a un temps pour tout. Un temps pour faire la guerre et un temps pour faire la paix.
Par Wakat Séra