Le rapport général d’activités 2022 de l’Autorité Supérieure de Contrôle d’Etat et de Lutte contre la Corruption (ASCE/LC), a été remis, le mardi 30 janvier 2024, au président de la Transition, le capitaine Ibrahim Traoré. Ce rapport accable naturellement des agents du public notamment, des travailleurs de la Présidence du Faso, du Premier ministère, de l’Assemblée nationale, des ministères et des institutions étatiques indépendantes. Dans les lignes qui suivent, nous nous intéresserons plus au ministère de la Défense et des Anciens combattants qui est aux devants de la lutte contre le terrorisme.
Depuis 2016, l’Autorité Supérieure de Contrôle d’Etat et de Lutte contre la Corruption (ASCE/LC), sous l’impulsion des autorités, réalise l’audit de la gestion de l’année n-1 des ministères et institutions. Cette action a été poursuivie par les présidents des régimes militaires suite à l’avènement du Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration (MPSR). Annoncées par l’ex-président Paul Henri Sandaogo Damiba, les investigations concernant la mal-gouvernance et la corruption, ont poursuivies normalement leurs cours sous le président actuel, le capitaine Ibrahim Traoré qui a déclaré la guerre contre la corruption, les corrompus et les corrupteurs, notamment, dans les Administrations publiques et les institutions spécialisées de l’Etat burkinabè.
Les contrôles approfondis réalisés par l’ASCE-LC ont porté sur la gestion financière et comptable de 21 ministères et institutions et couvert les exercices budgétaires 2020 et 2021. Les domaines contrôlés sont la commande publique, les comptes de dépôt, les régies d’avances, le carburant et les lubrifiants, les frais de mission à l’intérieur et à l’extérieur du pays, les frais de voyage, les rétributions, les dons au bénéfice des personnes politiquement exposées.
Au niveau du ministère de la Défense et des Anciens combattants, les enquêtes prennent en compte, les armements, les munitions et les optiques. Les investigateurs de l’ASCE-LC notent que, sur « quatorze contrats d’un montant de plus de 83 milliards de francs CFA (83 507 507 233 précisément), huit contrats d’un montant de plus de 75 milliards de francs CFA, soit un taux de 89,94%, ont été attribués à plusieurs entreprises appartenant à une même personne physique ». Par ailleurs, les enquêteurs avertissent que le « non-respect des normes de sécurité en matière de stockage des matériels AMO (armements, munitions et optiques) comporte des risques majeurs ».
Pour les enquêteurs de l’Autorité supérieure de contrôle d’Etat et de lutte contre la corruption, « la gestion du carburant et des lubrifiants est aussi caractérisée par la mauvaise tenue de la comptabilité qui ne garantit pas la transparence », tandis que la plupart des documents comptables sont « inexploitables et les inventaires périodiques ne sont pas réalisés ».
Le rapport a cependant noté quelques bons points. Il mentionne ainsi que « les indemnités spéciales des hommes sur le théâtre des opérations intérieures sont effectivement payées » et que la prime globale d’alimentation sur le théâtre des opérations intérieures est payée dans les délais.
Concernant toujours, ce département engagé en première ligne de la lutte contre la corruption, le contrôle de la gestion financière et comptable a couvert la période de 2016 à 2021. Selon le rapport, les irrégularités constatées dans ce département, ont concerné « la commande publique, les indemnités spéciales militaires en opération intérieure, les allocations alimentaires, le carburant et la gestion matérielle des stocks des armements, munitions et optiques ».
Le rapport relève des insuffisances concernant la commande publique. Les vérifications ont révélé « 241 commandes publiques qui ont été passées, le tout pour une valeur globale de plus de 482 milliards de francs CFA (482 048 128 759 précisément). Ces commandes concernent quatorze appels d’offres ouverts pour une valeur de près de deux milliards de francs CFA (1 998 475 230 exactement) », précise l’enquête.
L’investigation note qu’il y a eu « 58 marchés passés après une mise en concurrence interne pour un montant de plus de 172 milliards de francs CFA (172 623 085 983 F CFA) ». Le document poursuit que des marchés ont aussi été passés par « procédure d’entente directe (169 en tout), s’élevant à plus de 307 milliards de francs CFA (307 426 567 650 F CFA) ».
Le rapport a, en outre, « un cumul des fonctions incompatibles d’ordonnateur, de directeur de l’administration et des finances et de contrôleur financier par la seule personne de DCIM [directeur central de l’intendance militaire] dans la chaîne de mise en œuvre des marchés publics, susceptible d’entraîner des pertes financières ».
Le rapport mentionne également « la non-liquidation des pénalités de retard d’un montant total de plus d’un milliard et demi de francs CFA (1 632 254 055 F CFA précisément) sur 70 marchés, conformément à l’article 146 et suivant du décret n°2017-0049 PRES/PM/MINEFID du 1er février 2017 portant sur la règlementation des marchés publics au Burkina Faso ».
Selon toujours les enquêteurs, « le manuel de procédures qui devrait organiser la concurrence dans le domaine d’acquisition de biens sensibles en lien avec le secret-défense n’a pas été validé », de même que « les délais contractuels des marchés pouvant entraîner l’indisponibilité des biens à acquérir et des pertes de ressources financières n’ont pas été respectés ».
« L’inexistence des pièces administratives du titulaire dans le contrat engagé, l’absence des références techniques et financières de l’attributaire, la non-constitution de la garantie de bonne exécution, ont entraîné une mauvaise exécution des contrats (neuf marchés) », a déploré le rapport d’activités 2022, de l’ASCE-LC.
Le rapport fait ressortir aussi une « facturation au forfait des acquisitions sans le moindre détail sur la facture pro-forma, l’absence de clauses de constitution de garantie de bonne exécution du contrat, conformément aux dispositions de l’article 137 du décret n°2017-0049/PRES/PM/MINEFID du 1er février 2017 ». A ce niveau, l’institution de contrôle général de l’Etat burkinabè a souligné « l’absence de prix de référence », toute chose qui peut engendrer des surfacturations.
Par Wakat Séra