Des organisations professionnelles des médias au Burkina Faso ont, dans une déclaration en date lundi 11 juillet 2022, invité les politiques à s’abstenir de toute immixtion dans le fonctionnement du Conseil Supérieur de la Communication (CSC), pour ne pas contribuer à la cristallisation des positions, à la suite de l’élection du président à la tête de l’institution.
Les organisations professionnelles des médias suivent avec le plus grand intérêt la situation au Conseil supérieur de la communication (CSC). Pendant plusieurs mois, le collège a été confronté à l’absence définitive de trois de ses membres à savoir Zoumana Wonogo décédé le 28 mars 2021, Mathias Tankoano et Victor Sanou, démissionnaires respectivement en septembre 2021 et janvier 2022. La démission de Mathias Tankoano, alors qu’il était président du Conseil, a entrainé la vacance de la présidence de l’institution, laissant l’intérim au vice-président Abdoulazize Bamogo. Pour un collège de neuf membres, l’absence du tiers des conseillers n’est pas sans impact sur le fonctionnement de l’institution et sur son image. L’absence cumulée de trois conseillers dont le président est source de handicap, avec le risque, si cela se prolongeait, de plonger l’institution dans une paralysie ou une inefficacité préjudiciable aux missions de régulation. C’est donc avec enthousiasme que nous avons assisté à la nomination de nouveaux conseillers, permettant ainsi à l’autorité de régulation de retrouver un collège au complet. L’élection du nouveau président devrait parachever ce redressement qui était nécessaire surtout dans ce contexte de grands défis pour la communication et l’information en raison de la crise multidimensionnelle que connait notre pays.
Le 31 mai 2022, c’est avec un grand soulagement nous apprenions l’élection d’un nouveau président à la tête du CSC. Monsieur Abdoulazize Bamogo et Madame Eugénie Séraphine Yaméogo/Ouattara ont été élus respectivement président et vice-présidente. Au moment où nous nous apprêtions à féliciter les élus et l’ensemble du collège, nous sommes interpellés par des rumeurs concernant une éventuelle remise en cause de l’élection. Et cela s’est confirmé avec la plainte de la conseillère Dr Marie Danielle Bougaïré/Zangreyanhogo, qui contestait la régularité de la candidature de Abdoulazize Bamogo contre qui elle était en compétition pour le poste de président. C’est finalement donc devant le tribunal administratif que les acteurs se sont retrouvés. Pendant plusieurs semaines, nous étions donc suspendus à cette saisine de la justice. A son audience du 24 juin 2022, le Tribunal administratif a rendu son verdict (en référé) en jugeant le procès-verbal régulier, confirmant ainsi l’élection du président et de la vice-présidente.
Du CSI au CSC, notre combat reste l’indépendance de l’institution
De mémoire d’acteurs des médias, c’est la première fois que le Président du CSC est élu. Faut-il le rappeler, de Conseil supérieur de l’information (CSI) à Conseil supérieur de la communication (CSC), le président de l’institution était nommé directement par le président du Faso. Il en a été ainsi de Adama Fofana, premier président du CSI, de Luc Adophe Tiao, de Béatrice Damiba et de Nathalie Somé. La révision de la loi organique portant CSC permettant d’instituer l’élection du président de l’institution par les pairs est l’aboutissement d’une longue revendication des acteurs des médias. Il s’agissait de donner une plus grande légitimité et une plus grande indépendance au président et à l’institution elle-même. Mathias Tankoano devrait être le premier président élu du CSC mais le collège à l’époque avait fini par le désigner président par consensus à la suite d’arrangements internes, évitant ainsi d’aller aux votes. Pour nos organisations, tout en souhaitant le consensus, nous relevons que le vote demeure un moyen démocratique pour départager de manière juste et transparente, des prétendants et cela ne devrait pas être une occasion de déchirement et de division. Le vote, quand il est démocratique et transparent, il peut être préférable à certains consensus forcés voire imposés qui font le lit de frustrations ravalées et qui finiront par se déteindre sur la santé de l’organisation. Pour notre part, le choix de procéder par les votes (conformément à la loi) pour connaitre le président du CSC, de même que la saisine plus tard de la justice pour vérifier la légalité du processus, tout cela reste dans l’ordre du normal pour peu que les intéressés agissent en toute transparence et surtout de bonne foi pour rester dans les limites d’une saine adversité. Au regard de leurs parcours individuels et leurs expériences diverses, voir Dr Bougairé et Monsieur Bamogo dans un même collège de conseillers, c’est une chance pour la régulation et cela réjoui nos organisations de pouvoir compter sur les qualités et compétences prouvées de tant de professionnels qui honorent notre corporation.
C’est pourquoi, en se référant à la décision du Tribunal administratif en date du 24 Juin 2022, les organisations professionnelles des médias, voudraient ici et maintenant lancer un appel à Monsieur Abdoulazize Bamogo et à Madame Marie Danielle Bougaïré/Zangreyanhogo à l’entente et à la collaboration pour un climat de travail qui garantisse le bon fonctionnement de cette institution.
Rappelant à toutes et à tous, qu’au regard de l’environnement social, politique et sécuritaire et les défis nouveaux du secteur de la communication, il est plus qu’indispensable de disposer d’une autorité de régulation qui soit au-dessus des antagonismes et qui tire sa force et sa légitimé de son unité et sa cohésion interne.
De ce qui précède et tirant leçons des crises qui ont déjà affecté le CSC dans son passé récent, les organisations professionnelles des médias signataires de la présente déclaration :
- Appellent les conseillers individuellement et collectivement à privilégier le consensus, la cohésion, la sérénité, la concorde pour garantir la crédibilité, l’efficacité et la respectabilité de l’institution ;
- Interpellent les autorités politiques sur leur devoir de neutralité et les invite à s’abstenir de toute immixtion dans le fonctionnement de l’institution au risque de contribuer à la cristallisation des positions ;
- Invitent les autorités et les acteurs à finaliser le processus de mise en place de l’organe dirigeant du CSC pour une bonne administration de l’institution et l’accomplissement de ses missions ;
- Encouragent les médias à poursuivre leurs tâches quotidiennes et ne pas se laisser affecter par cette situation qui vient en ajouter à la précarité de leurs conditions de travail mises à mal par l’environnement sécuritaire, sociopolitique et économique qui menace fortement leurs structures ;
Fait à Ouagadougou le, 11 juillet 2022
Pour l’Association des journalistes du Burkina (AJB), le Président Guézouma SANOGO
Pour la Société des éditeurs de la presse (SEP), le Président Boureima OUEDRAOGO
Pour l’Union burkinabè des diffuseurs de services télévisuels (UBSTV), le Président Issouf SARE
Pour l’Association des professionnelles africaines de la communication (APAC), la Secrétaire générale adjointe Bénédicte SAWADOGO
Pour le Centre national de Presse Norbert Zongo (CNP-NZ), Inoussa OUEDRAOGO, membre du comité de pilotage
Pour l’Union national de l’audiovisuel libre du Faso (UNALFA), le président Jean Baptiste Sawadogo