Emmanuel Macron au Burkina Faso! Une bonne nouvelle pour un pays où l’accueil de l’étranger, depuis la nuit des temps n’a pas perdu une once de sa valeur à la bourse de la légendaire hospitalité africaine. Mais visiblement, le président burkinabè, Roch Marc Christian Kaboré n’accueillera pas son homologue français le cœur léger, car la réalité est loin de cette perception qui a longtemps tressé les lauriers du Burkinabè prêt à céder sa natte à son hôte, quitte à dormir à même le sol. Une polémique est passée par là, dressant des Burkinabè contre cette visite que des anticolonialistes invétérés et des révolutionnaires transis assimilent à une rencontre entre le «colon, maître» et le «colonisé, sujet». Dans la même veine, des frondeurs reprochent au jeune président, son discours sur le fort taux de natalité en Afrique et d’autres affichent sans ambages leur hostilité contre «celui qui ne vient ici que pour défendre les intérêts français». Preuve que le «premier des Français» débarquera dans une véritable «république des insurgés» où les nerfs sont restés à vif depuis l’insurrection populaire de 30 et 31 octobre 2014 qui ont conduit au changement de régime de Blaise Compaoré vieux de 27 ans. Les esprits bouillants et les bras fougueux qui ont porté le «printemps burkinabè» n’ont pas encore désarmé. Malgré le souvenir douloureux des victimes tombées sur le champ des violentes manifestations et les séquelles indélébiles de biens privés et de bâtiments d’institutions comme l’assemblée nationale et de mairies dévastées par les flammes, les dieux de la protestation et de la contestation n’ont pas abandonné la patrie de Thomas Sankara.
Aujourd’hui plus que jamais, le nom du père de la révolution burkinabè est mis en avant par les meneurs du front anti-France qui font monter le mercure de la protestation et multiplient les déclarations, conférences de presse et appels à la mobilisation contre la visite du chef de l’Etat français. Et pourtant! Autant qu’à la France de Macron qui pourrait surfer sur l’amitié et la coopération avec un pays des Hommes intègres qui a su provoquer et obtenir l’alternance que ses populations appelaient de tous leurs vœux, autant le Burkina Faso doit pouvoir tirer un grand bénéfice de cette visite de haut niveau que lui envie du reste bien de pays de l’Afrique de l’ouest. Car, pour paraphraser Jules Armand Aniambossou du Conseil présidentiel pour l’Afrique (CPA), «le Burkina Faso, à travers ses forces vives et surtout sa jeunesse, vient de montrer au monde entier sa soif de démocratie véritable et surtout son option de s’engager résolument sur la voie du développement». C’est donc dans cette logique que pour la France qui a «toujours montré son engagement à soutenir cette volonté de la jeunesse africaine à se prendre en charge et à forger son destin de ses propres mains, le Pays des Hommes intègres qui a vécu le changement et des élections reconnues libres, ouvertes et démocratiques est un choix pertinent pour le discours de vérité que partagera le président Emmanuel Macron avec nous les Africains».
C’est donc clair, Emmanuel Macron devra sortir le grand jeu pour séduire les Burkinabè et convaincre les plus irréductibles que la France a réellement la volonté de soutenir désormais les peuples. Nouvelle vision qui irait à l’encontre de la légendaire et inoxydable Françafrique qui imposait aux populations, des dictateurs dont le seul objectif était de favoriser le pillage des richesses de leurs pays juste pour préserver des fauteuils présidentiels déposés sur un pont sous lequel coule le sang de leurs compatriotes étouffés par la misère. Mais sans être une sinécure, l’exercice ne sera pas trop périlleux pour Emmanuel Macron dont le penchant est connu pour affronter l’adversité. Et son choix de l’université pour prononcer son discours programmatique à l’endroit de la jeunesse africaine n’est pas fortuit. C’est une option qui illustre la volonté du président français de sortir des fuites en avant et de proposer un nouveau partenariat gagnant-gagnant à l’Afrique dont la jeunesse désespérée est décimée est engloutie par une Méditerranée dont l’appétit vorace pour les migrants est désormais doublé par l’esclavage dont ceux-ci sont l’objet en Libye.
Par Wakat Séra