La réalité socio-culturelle du Burkina Faso est toujours gangrénée par des pratiques néfastes dont l’exclusion sociale pour allégation de sorcellerie, une porte ouverte à de nombreuses violences faites à des femmes vulnérables sans défense. Au Burkina Faso, toute personne reconnue coupable ou complice d’accusation de pratique de sorcellerie, est punie d’une peine d’emprisonnement de un à cinq ans et d’une amende 250 000 à 1 000 000 de francs CFA, selon la loi.
L’exclusion sociale des femmes pour allégation de sorcellerie constitue une violation flagrante des droits humains et défie l’engagement du Burkina Faso pour la construction d’un Etat de droit où tous les droits humains sont garantis et respectés pour une meilleure promotion de la paix, du civisme, de la tolérance et du développement durable.
Au Burkina, des ONG comme « Voix de Femme » qui ont fait de cette lutte leur cheval de bataille souhaitent que l’Etat durcisse le ton de la justice pour décourager le phénomène qui est toujours d’actualité. L’exclusion sociale touche généralement les femmes âgées et la sorcellerie en est la principale cause au Burkina, où près d’une dizaine de régions sur les treize au total que compte le pays sont fortement touchées. Ces femmes accusées de sorcellerie sont généralement sans soutien et sans défense.
En effet, de nombreuses femmes âgées sont exclues chaque année de leurs communautés par allégations de sorcellerie après avoir subi des traitements inhumains et dégradants, notamment des sévices corporels, lapidations et incendies de leurs habitations. Face à ce phénomène, l’Etat, les acteurs de la société civile et les structures confessionnelles ont mis en place un certain nombre de dispositifs de protection et d’accompagnement des victimes.
Mais que dit la loi ?
L’article 514-1 de la loi précise en ces termes : « L’accusation de pratique de sorcellerie est toute imputation, à une ou plusieurs personnes, de faits d’ordre magique, abstrait, imaginaire, surnaturel ou paranormal qui ne peut être matériellement ou scientifiquement prouvée et qui est de nature à porter atteinte à l’honneur, à la réputation, à la sécurité ou à la vie de celles-ci ». Elle continue que « l’élément matériel de l’infraction se caractérise par tout fait, tout acte qualifié de charlatanisme, d’occultisme, par des rites ou propos, discours et cris tendant à accuser autrui d’un ou de plusieurs faits d’ordre surnaturel ou paranormal, qui ne peuvent être matériellement ou scientifiquement prouvés ». Quant à l’élément intentionnel, lui « se déduit de la connaissance des conséquences dommageables de l’acte d’accusation sur la victime telles que le déshonneur, l’exclusion sociale, les violences et les voies de fait ».
L’Article 514-2 lui donne les contours sur les complices de l’infraction d’accusation de pratique de sorcellerie. Sont complices de l’infraction d’accusation de pratique de sorcellerie, « ceux qui ont procuré tout moyen ou instrument ayant servi à détecter prétendument une personne comme pratiquant de la sorcellerie ; ceux qui ont, avec connaissance, aidé ou assisté l’auteur ou les auteurs de l’action dans les faits, qui l’ont préparée, facilitée ou consommée ; ceux qui, ayant eu connaissance de pratiques occultes visant à détecter prétendument des personnes pratiquant la sorcellerie n’auront pas informé les autorités administratives ou judiciaires ; ceux qui ont recélé des personnes présumées auteurs ou coauteurs de l’infraction et ceux qui ont fourni des supports aux écrits et propos accusant une ou plusieurs personnes de pratique de sorcellerie ».
L’article 514-3 stipule que : « Est puni d’une peine d’emprisonnement de un an à cinq ans et d’une amende de deux cent cinquante mille (250 000) à un million (1 000 000) de francs CFA, toute personne reconnue coupable ou complice d’accusation de pratique de sorcellerie ». Selon cette disposition juridique, « la peine d’emprisonnement est de trois à cinq ans dans les cas où l’accusation de sorcellerie a donné lieu à ; l’exclusion sociale de la victime ; des coups, blessures et voies de fait sur la victime et des dégradations de biens mobiliers et immobiliers ». Elle poursuit en indiquant qu’« en cas de décès de la victime, l’infraction est punie d’une peine d’emprisonnement de cinq ans à dix ans et d’une amende de deux cent cinquante mille (250 000) à deux millions cinq cent (2 500 000) francs ».
L’article 46 de la loi n° 061-2015/CNT du 06 septembre 2015 portant prévention, répression et réparation des violences à l’égard des femmes et des filles et prise en charge des victimes, est plus sévère. « En cas de décès de la personne âgée des suites d’exclusion sociale par allégation de sorcellerie, de maltraitance, ou d’abandon et/ou d’exclusion sociale, les peines encourues sont de dix ans à vingt ans d’emprisonnement et d’une amende de trois millions (3 000 000) à dix millions (10 000000) de francs CFA », précise cette disposition légale.
Les accusations pour sorcellerie et la chasse aux sorcières ont existé dans toutes les époques et toutes les civilisations. Cependant elles ont été peu à peu remises en cause et ont disparues des pays surtout d’Europe et d’Amérique grâce au christianisme, au progrès scientifique, à l’instruction, à l’élévation du niveau de vie et de développement socio-économique.
Par Bernard BOUGOUM