Accueil A la une Burkina: l’«affaire Sankara», un caillou dans les rangers de Damiba?

Burkina: l’«affaire Sankara», un caillou dans les rangers de Damiba?

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Le Premier ministre de la transition, Albert Ouédraogo

La Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO) qui devait se rendre au Burkina dans une délégation de chefs de l’Etat, annule son séjour et exige une fois de plus la libération du président déchu Rock Marc Christian Kaboré. Alors que les uns et les autres attendent la réponse du pouvoir kaki de Ouagadougou, celui-ci vient de réaliser une pirouette à la Blaise Compaoré et dont la réalisation magistrale ferait pâlir de jalousie, un Cristiano Ronaldo au sommet de sa gloire?

En effet, alors qu’une litanie de noms de premiers ministrables se psalmodiait sur les plateaux de télévision et dans les colonnes de journaux, par ceux que l’on dit dans les secrets des dieux, le Lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, dans un crochet à la Lionel Messi, pris tous les bookmakers politiques de court et sort de son béret rouge, l’oiseau, que l’on espère rare. Il s’appelle Albert Ouédraogo. Il est donc le Premier ministre civil de la transition. Il est économiste, spécialiste en développement des entreprises et en management. Il est né le 6 Avril 1969 à Dori, dans la province du Séno. Avec sa dizaine d’années de plus, il saura, peut-être, calmer des ardeurs de son chef, son cadet de 12 ans, s’il n’a pas peur de sa kalachnikov.

Si c’est à la vitesse de l’éclair que les militaires burkinabè ont arraché le pouvoir des mains de l’ancien président Roch Marc Christian Kaboré, un certain 24 janvier, alors que les présentations de vœux du nouvel an 2022 battaient encore leur plein, c’est encore avec à la rapidité du son que le nouveau maître de Ouagadougou, le Lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo a prêté serment, avant d’être investi, dans la foulée, président de la transition politique. Une investiture qui s’est déroulée, comme un clin d’œil du destin, dans la salle des banquets de Ouaga 2000, aussitôt transformée le lendemain en tribunal pour le jugement du procès de l’assassinat d’un autre militaire, le capitaine Thomas Sankara, lui également venu au pouvoir par les armes mais malheureusement mort aussi par les armes, dans un coup d’État qui a conduit au pouvoir, son «ami» Blaise Compaoré.

Alors que les supputations allaient toujours bon train sur les 36 mois de transition qui devraient permettre au Burkina de renouer avec la vie constitutionnelle normale mise entre parenthèse par les hommes en kaki, le jugement historique de l’affaire dite Thomas Sankara, lui en est à l’étape plaidoiries des avocats des accusés dont les plus emblématiques, l’ancien président burkinabè Blaise Compaoré et son ange gardien de l’époque, Hyacinthe Kafando, ont écopé de la peine maximale de 30 ans par contumace et que Gilbert Diendéré, l’autre gardien du temple du Conseil de l’Entente, théâtre du drame du 15 octobre 1987, ramassait 20 ans de prison ferme. Et c’est alors que tout s’arrêta à Ouaga 2000.

La messe judiciaire de a pris fin en queue de poisson dès sa reprise, en attendant une autre…reprise, le célébrant en chef ayant été informé que l’avènement au pouvoir du Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restructuration (MPSR), a simplement changé la donne du procès. En effet, l’actuel patron de la transition étant venu au pouvoir par les armes et ayant été reconnu comme président du Faso par le Conseil constitutionnel, le coup d’Etat ne pourrait plus, selon les spécialistes du droit, être considéré comme une atteinte à la sûreté, ce pourquoi comparaissent actuellement, le présumé «commando du jeudi noir» et les supposés commanditaires du coup.

Est-ce à dire qu’après plus de 30 ans d’attente pour en connaître les auteurs et les juger, alors qu’il a été ressuscité après un enterrement de première classe, le procès de l’assassinat du père de la révolution burkinabè et 12 de ses compagnons va encore glisser entre les doigts de la justice burkinabè? C’est le wait and see, comme le diraient les anglophones.

Du reste, certains Burkinabè n’hésitent plus à demander la libération pure et simple des auteurs du coup d’Etat manqué de Gilbert Diendéré contre la transition de 2015. A en croire les tenants de cette option, Diendéré et ses hommes n’ont même pas réussi leur action alors que le Lieutenant-colonel Paul-Henri Damiba et les siens, ont, eux, renversé un régime démocratiquement élu et sont même dans les grâces du Conseil constitutionnel qui certainement doit se reprocher bien des choses comme celle d’avoir légalisé un coup d’Etat.

Certes, ce coup de force constitue un frein à la dérive d’un Burkina pris à la gorge par les terroristes et ébranlé par une mauvaise gouvernance devenue le sport national de ministres, conseillers du président, directeurs généraux, etc., mais, il n’en demeure pas moins une entorse à la démocratie. Il serait donc judicieux, de trouver le mécanisme adéquat pour statuer sur ces coups d’Etat, au grand dam de ceux qui, en dehors des vrais assoiffés de justice, en ont fait un fond de commerce et un instrument de vengeance. Pourtant, les crimes économiques, sont davantage un poison et une gangrène pour un Burkina qui se cherche.

Mais plus que tout, s’il faut encourager les actes aux paroles, il faut, sans doute, saluer le tempo plus ou moins rapide adopté par les nouveaux hommes forts du Burkina, pour qui, les 3 ans de transition pourraient bien devenir trop courts, s’ils ne prennent vite le taureau par les cornes, tant les attentes de Burkinabè sont nombreuses. La sécurité pour le retour du plus du million de déplacés internes et de la paix, demeure la priorité des priorités, d’un peuple qui n’en peut plus de dormir et de se réveiller au cimetière pour pleurer ses morts des attaques d’hommes armés jamais identifiés. Et pour ça, le pouvoir de transition n’aura le moindre état de grâce.

Par Wakat Séra