Ceci est le discours de l’Ambassadeur de France au Burkina Faso, Luc Hallade, prononcé devant les autorités politiques, coutumières et religieuses du Burkina Faso, à l’occasion de la traditionnelle fête nationale de la France, célébrée le 14 juillet dernier. L’Ambassadeur Luc Hallade, au regard de la situation sécuritaire que traverse le Burkina Faso, a invité tous les Burkinabè à « serrer les rangs » face aux menaces terroristes, et à « cultiver la cohésion et la solidarité, qui sont les principales forces d’un groupe quel qu’il soit».
Mon épouse et moi-même vous remercions de nous faire l’honneur de votre présence ce soir à la Résidence de France pour la célébration de notre fête nationale.
Cette fête, c’est aussi la vôtre, chers amis burkinabé ou étrangers non parce que la France prétendrait, comme la statue de la Liberté- dont je rappelle quand même qu’elle est française…, éclairer ou guider le monde, mais parce que le 14 juillet 1789 représente une date symbolique largement partagée.
Cette période révolutionnaire n’a pas été sans heurts ni massacres. Elle a aussi été une période de guerre, pour bouter l’ennemi hors de nos frontières.
Elle a connu la conscription et la création d’une armée nationale et populaire.
Le parallèle avec la période historique qu’a traversé et que traverse encore le Burkina-Faso est tentant, même si bien sûr les contextes sont différents.
Ce qui est identique, c’est la menace qui pèse sur l’existence même de la Nation. Il lui faut lutter contre des ennemis, intérieurs et extérieurs, qui veulent l’assujettir, voire la faire disparaître.
Ne nous y trompons pas : aujourd’hui c’est l’avenir de la Nation burkinabé, comme d’ailleurs celui des nations voisines, qui est en jeu.
Ce sont deux modèles de Sociétés qui s’affrontent : l’un fondé sur la règle de droit, l’égalité entre hommes et femmes, sur la justice rendue au nom du peuple, l’autre sur la barbarie, la contrainte et un messianisme pseudo-religieux qui cache mal une volonté de prédation.
Cette lutte à mort nous est commune, tant cette volonté de mettre à bas les Sociétés démocratiques se retrouve à différents endroits du monde.
Cette internationale terroriste et pseudo-djihadiste exploite les faiblesses et les failles de nos Sociétés, de nos gouvernements, pour ébranler les fondements mêmes de notre vivre ensemble républicain.
Face à une telle menace existentielle, nous devons serrer les rangs.
Au plan national bien sûr, mais aussi au plan international. Nous faisons face à une menace commune. Nous gagnerons ou nous perdrons ensemble.
J’entends ou je lis trop souvent qu’il faudrait, pour gagner cette guerre, chasser les armées étrangères amies et stopper toute collaboration, vécue par certains comme une compromission, avec elles. A commencer bien sûr par l’armée française.
J’avoue, ne pas bien comprendre, malgré mes efforts, la logique d’un tel raisonnement. C’est un peu comme si la France et les Français, au moment de la lutte contre les nazis et de la libération de notre territoire national, avaient scandé : « US go home ». Je ne suis pas certain que nous aurions gagné la guerre ….
Je considère pour ma part qu’il s’agit, selon la terminologie utilisée lors de la guerre froide, d’ « idiots utiles » aux terroristes.
Le Burkina-Faso est un Etat souverain depuis 1960 – 60 années d’indépendance, c’est peu. Mais l’indépendance et la souveraineté du Burkina-Faso sont aujourd’hui menacés par les terroristes, pas par la France ou les alliés du Burkina-Faso.
Et si le verrou burkinabé saute, c’est toute la région ouest africaine et probablement bien au-delà qui sera menacée par l’expansion continue de cette vague terroriste.
Bien sûr, la lutte armée est nécessaire, mais elle n’est pas suffisante pour vaincre l’hydre terroriste.
C’est pourquoi la France, avec d’autres partenaires, notamment européens et américains, se tient aux côtés des autorités burkinabè, non seulement pour les appuyer dans ce combat, mais aussi pour contribuer au développement du pays, indispensable pour aider les jeunes à envisager un avenir qui soit différent que celui qui consiste à chevaucher une moto, kalachnikov à la main et de tuer ses semblables au nom d’Allah, qui ne leur a, au demeurant, jamais demandé cela.
En 1209, à l’occasion du siège de Béziers dans la lutte contre les Albigeois ou Cathares, Arnaud Amalric, abbé de Citeaux et légat du pape, avait prononcé cette formule terrible et célèbre à la fois: «Tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens ». C’est à peu près ce qu’appliquent aujourd’hui, à l’égard de la population burkinabé, les terroristes. Ils ont simplement remplacé Dieu par Allah, mais la démarche est la même. On tue indistinctement, hommes, femmes, enfants, au nom d’une religion totalement dévoyée.
Mais à Solhan comme ailleurs, c’est en fait le contrôle des richesses naturelles du pays qui est en jeu. Faire la guerre coûte cher, pour les terroristes comme pour les armées modernes et nécessite des moyens financiers considérables. L’Etat burkinabé le sait bien, qui doit mobiliser une part importante de ses ressources pour faire face à l’effort de guerre : recruter, former, équiper, entraîner et soutenir au combat ses FDS et ses VDP, 1er remparts pour protéger les populations civiles.
Quant aux organisations terroristes, elles se nourrissent de tous les trafics : or, drogue, êtres humains, tout est bon pour alimenter leurs combats meurtriers.
Assécher ces sources de revenus, dont profitent aussi d’autres organisations mafieuses, est aussi important que de faire la guerre aux djihadistes.
C’est pourquoi, tout autant que la force et la combativité de l’armée nationale, c’est aussi la lutte contre ces trafics qui doit être poursuivie sans relâche.
A l’heure où la Nation consent des efforts considérables au profit de ses FDS et FSI, la vertu publique doit être érigée en dogme et je salue à cet égard l’action menée par tous les organismes en charge de la lutte contre la corruption et contre tous ces trafics.
Pour clore ce long développement sur l’actualité du moment, je voudrais vous inviter à un moment de recueillement et de communion avec toutes les familles qui ont perdu un être cher, qu’il soit civil ou militaire, avec les trop nombreux blessés, et aussi avec tous ceux et toutes celles qui ont dû quitter leurs domiciles, leurs villages et leurs biens et qui attendent le jour béni où ils pourront enfin rentrer chez eux.
MINUTE DE SILENCE – MERCI
Passons maintenant à des choses plus réjouissantes.
Je voudrais saisir l’occasion de ce discours pour remercier du fond du cœur ma famille ici présente, mes amis, mais aussi tous mes collaborateurs, notamment ceux qui nous quittent cette année, pour leur soutien constant dans l’exercice de mes fonctions.
Vivre dans un pays en guerre n’est pas toujours facile et les occasions de détente ou d’aération sont malheureusement limitées.
C’est pourquoi nous devons cultiver la cohésion et la solidarité, qui sont les principales forces d’un groupe quel qu’il soit.
C’est vrai dans une entreprise, dans un régiment, dans une ONG. C’est vrai aussi dans une ambassade ou au sein d’une communauté.
Alors cultivons cette cohésion et cette solidarité entre nous et ne laissons pas les aléas ou les difficultés de la vie quotidienne l’emporter sur l’esprit de la mission qui est la nôtre = servir. Servir la France bien sûr, servir l’Etat, mais aussi les représenter dignement et donc servir aussi nos partenaires burkinabè, loyalement voire avec passion.
C’est la grandeur de ce métier, de cette mission qui nous anime, que de toujours aller à la rencontre de l’autre, d’essayer de le comprendre et d’entrer en communion avec lui. C’est ainsi que se bâtit la paix. Et c’est pourquoi les diplomates sont quelquefois comparés à des soldats de la paix. C’est quand la diplomatie échoue qu’il y a la guerre entre les Nations. Et une guerre ne prend fin qu’à travers les efforts des diplomates pour proposer et négocier des accords de paix.
Je salue donc devant vous ce beau métier que j’exerce. Mais je ne l’exerce pas seul. Et sans l’apport et l’appui d’une équipe soudée autour de moi, mes efforts seraient vains. Merci donc à toute l’équipe France. Nous jouons un Euro quotidien et nous ne gagnerons qu’ensemble, en marquant les buts sans trembler…
Enfin, je voudrais saluer l’heureuse initiative de notre Consul –bientôt général- qui m’a suggéré d’inviter à ce cocktail plusieurs couples dits « mixtes », c’est-à-dire franco-burkinabé, ou des personnes qui ont acquis récemment la nationalité française par mariage.
C’est cela aussi la richesse des liens qui nous unissent, cette mixité justement, qui fait que la moitié des français enregistrés au consulat sont en fait et en droit franco-burkinabé et je m’en réjouis.
Je suis moi-même en couple mixte, franco-camerounais en l’occurrence, et j’en suis fier. Grâce à mon épouse, grâce à nos enfants métis, grâce aussi à ces trente années de carrière passées en Afrique, je peux me sentir voire me revendiquer africain. Pour paraphraser Kwamé N’krumah : » je suis africain, non parce que je suis né en Afrique, mais parce que l’Afrique est née en moi ».
Merci de votre attention. Je vous invite maintenant à lever vos verres pour célébrer l’amitié et la coopération franco-burkinabè.