Accueil Communiqué de presse Burkina: le F-SYNTER appelle à « l’arrêt des réformes anti-éducatives et impopulaires »

Burkina: le F-SYNTER appelle à « l’arrêt des réformes anti-éducatives et impopulaires »

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Des élèves de l'école Dassasgho E (Photo d'archive)

Dans une déclaration, à l’occasion de la rentrée scolaire et académique 2022-2023, la Fédération des syndicats nationaux des travailleurs de l’éducation et de la recherche (F-SYNTER) appelle à l’arrêt des réformes anti-éducatives et impopulaires.

La rentrée scolaire et académique 2022-2023 s’effectue dans un contexte extrêmement difficile marqué par la grave crise dans laquelle est empêtré le système capitaliste impérialiste désuet dont une des manifestations ces temps-ci se rapporte à la guerre en Ukraine opposant la Russie et les Etats-Unis et ses alliés de l’Union européenne. Cette situation engendre des conséquences immédiates et futures lourdes pour l’humanité entière. Le Burkina Faso, pays néocolonial paie un énorme tribut de cette crise du fait de sa domination par les puissances impérialistes particulièrement française. En outre, le pays est victime de son état d’arriération surtout économique et scientifique. Pire, ces dernières années, des groupes armés terroristes ont investi le territoire national, faisant basculer le pays dans une guerre civile réactionnaire. Ce phénomène a comme conséquences des tueries aussi bien militaires que de civiles, près de deux millions de déplacés internes créant une préoccupante crise humanitaire, l’occupation de plus de la moitié du territoire nationale, la privation d’une importante partie de la population de ses droits fondamentaux, etc. C’est dans ce contexte qu’interviendra le 24 janvier 2022, un coup d’Etat militaire, sous la houlette d’un groupe de militaires regroupés au sein d’une structure dénommée Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration (MPSR) avec à leur tête le Lieutenant-colonel Paul Henri Sandaogo Damiba. Si l’incurie du pouvoir du régime de Roch Marc Christian Kaboré a conduit certains citoyens à observer une sorte d’attentisme face à ce coup de force et que d’autres ont même espéré qu’il était la solution à la situation, nos organisations avaient indiqué clairement qu’un putsch ne saurait être la voie pour la résolution correcte des problèmes que vit notre peuple. Quelques huit mois après l’avènement de cette nébuleuse structure qu’est le MPSR, il est apparu clairement qu’il est au service d’une fraction des clans de la bourgeoisie ; une bourgeoisie réactionnaire, responsable de la situation actuelle du pays du fait de sa gestion. Son objectif principal consiste à restaurer le clan du régime de Blaise Compaoré, chassé par une insurrection populaire en octobre 2014. Le 30 septembre 2022, veille de la rentrée scolaire et universitaire prévue pour le 03 octobre 2022, un autre coup d’Etat de type d’une révolution de palais intervient. Cette fois-ci, un groupe de militaires, avec à leur tête, le Capitaine Ibrahim Traoré, évince celui qu’ils disent avoir installé aux commandes de l’Etat mais qui aurait trahi leurs idéaux de départ. Ce coup de force, met en lumière la faillite de l’armée, une institution majeure du système néocolonial qui prévaut dans le pays. De nouveau, la Constitution est suspendue, de même que les activités des partis politiques et des organisations de la société civile. Le pays entre dans une période d’incertitudes avec ses risques d’aggravation des conséquences de l’action des groupes armés terroristes, de la vie chère, de remise en cause des libertés. 

Quel est l’état du secteur de l’éducation et de la recherche dans ce contexte et à cette nouvelle rentrée scolaire et universitaire ? Le secteur est durement impacté par la situation de crise sécuritaire mais aussi par l’aggravation de la cherté de la vie et une remise en cause des droits démocratiques. Ainsi, au titre de l’action des groupes armés terroristes, on dénombre à ce jour, au moins douze agents de l’éducation tués, des milliers traumatisés physiquement et psychologiquement, la fermeture de 4 258 établissements en fin mai 2022 et du Centre universitaire de Dori, plus 700 000 élèves privés de leur droit à l’éducation. La situation à cette rentrée loin de se résorber s’empire. Déjà, on enregistre la fermeture de la section internat du Lycée privé de Latodin. Le Ministère de l’éducation nationale et de la promotion des langues nationales (MENAPLN) lui-même n’a proclamé aucun résultat d’entrée en classe de 6è et de 2nd dans les provinces de la Tapoa, de la Komandjari et de la Kompienga. En clair, l’Etat indique par cet acte inédit qu’il n’entend pas offrir une possibilité d’éducation aux enfants de ces localités. L’impact de l’insécurité sert même à justifier et à fouler au pied les normes en matière d’éducation telle la limitation des effectifs dans les classes.

Le MPSR en matière d’éducation et de la recherche poursuit les mêmes politiques anti-éducatives de ses prédécesseurs dont le MPP et s’inscrivent dans la conduite des orientations édictées par les institutions financières internationales. Ceci explique qu’aucune mesure n’est prise pour arrêter les réformes anti-éducatives et impopulaires ayant touché les examens scolaires, la fermeture du lycée Philippe Zinda Kaboré, la suspension de l’opérationnalisation de la gratuité scolaire, etc. Cette optique, on la retrouve à travers la diffusion de nouveaux curricula introduisant une nouvelle approche pédagogie et la révision des volumes horaires des différentes disciplines à la veille de cette rentrée scolaire sans prendre les dispositions pour informer et former les enseignants. Cet acte qui intervient après la réforme des examens scolaires, renforcera l’arrimage avec le LMD dont les effets néfastes sur le système sont patents. Quant au respect des engagements, les autorités avancent à pas de caméléon. L’opération « casier vide » annoncée, à coup de charme communicationnel, pour solder la dette sociale est loin d’avoir tenu sa promesse. Si les actions des syndicats ont amené le gouvernement à accepter la relecture du statut des personnels de l’éducation nationale, au bilan il ressort que des préoccupations essentielles des travailleurs n’ont pas trouvé de solutions adéquates. Au supérieur et à la recherche, les attaques sont plus frontales. Il en est ainsi des projets de « réformes » portés à la connaissance des travailleurs en juillet 2022 et qui visent pour l’essentiel une remise en cause des acquis. Auparavant, les enseignants et chercheurs qui devaient bénéficier d’un voyage d’étude cette année s’étaient vu opposer une restriction en terme de bénéficiaires et de destination, prémices d’une suppression future.

Pour ce qui est de la vie chère, elle impacte durement le système éducatif à cette rentrée. Les prix des fournitures, les frais de scolarité, le coût du transport des élèves et étudiants, etc. connaissent des hausses élevées donnant des tournis aux parents. Si les autorités se sont contenté d’une prise de note invitant les promoteurs privés à ne pas augmenter les frais de scolarité, la réalité du terrain montre que ceux-ci, pour la plupart, sont passés outre et de façon insidieuse. Ainsi, le montant des frais de pré-inscription ou de réinscription a été majoré sans que cela ne donne lieu à une déduction de la scolarité globale. En conséquence, les frais de scolarité ont été augmentés dans un ordre allant de 7000f à 23 000f/CFA. Dans les établissements publics, la manœuvre consiste à recourir à des cotisations d’association de parent d’élèves (APE) avec des montants payables obligatoirement à l’inscription ou réinscription, variant d’un établissement à un autre et suivant le bon vouloir du chef d’établissement et du bureau APE en plus de l’obligation faite à tout élève d’apporter une rame de papier. Dans les librairies, le constat montre que le stylo à bille (Bic) est passé de 100f à 150f et même 200f à certains endroits, le paquet de cahiers de 100 pages petit format a connu une augmentation allant jusqu’à 600f et le sac d’écolier a connu une augmentation se situant entre 1000f et 3000f. La rame de papier est passée de 2500f à 3000f/CFA.

La situation, telle qu’elle se présente, poussera de nombreux enfants vers des voies qui les éloignent du chemin de l’éducation : prostitution, délinquance juvénile, travail forcé, recrutement par des groupes armés terroristes, etc. Elle est de ce fait très préoccupante, mais elle n’est guère fataliste ou insoluble. La tenue récente du procès de l’affaire Dabo Boukary, trente-deux (32) ans après cet ignoble assassinat de cet étudiant de 7è année de médecine, est une preuve que seule la lutte paie et que les causes justes exigent de l’engagement, de la détermination et de l’espérance.

Se fondant sur ce qui précède la F-SYNTER :

  1. interpelle le gouvernement face à :
  • la nécessité de garantir le droit à une éducation de qualité et accessible à tous les enfants du peuple ;
    • la prise de dispositions adéquates pour assurer la continuité éducative sur l’ensemble du territoire national et le retour en classe de tous les enfants mis hors des établissements du fait de l’insécurité ;
    • l’arrêt des réformes anti-éducatives et impopulaires ;
    • la dotation de l’éducation et de la recherche en budget suffisant pour le fonctionnement des établissements et services.
    1. appelle les travailleurs de l’éducation et de la recherche à :
    • une plus grande mobilisation et une meilleure organisation pour la défense âpre de leurs conditions de vie et de travail et pour un système éducatif de qualité ;
    • renforcement de l’unité d’action entre travailleurs, élèves et étudiants et au développement de la solidarité face aux maux qui minent l’éducation et la recherche.

      Bonne rentrée scolaire et académique à tous !

      En avant pour une école démocratique et populaire !

      Pain et liberté pour le peuple !

       

      Pour le Bureau national fédéral

      Souleymane BADIEL

      Secrétaire Général Fédéral