Boubacar Diallo, président du Mouvement Agir ensemble pour le Burkina, qui soutient la candidature de l’ex-Premier ministre Kadré Désiré Ouédraogo, a exprimé le souhait d’«accueillir» dans sa formation politique, les «exclus» du parti de l’ex-président Blaise Compaoré, et «ceux qui se sentiraient lésés». Il s’exprimait au cours d’un entretien à Wakat Séra.
Wakat Séra: Le Mouvement Agir ensemble pour le Burkina est-il de l’opposition ou de la mouvance présidentielle ?
Boubacar Diallo: Nous sommes un parti d’opposition. Nous sommes rangés dans l’opposition républicaine au niveau du Burkina Faso.
Qu’est-ce qui vous motive à soutenir coûte que coûte la candidature de Kadré Désiré Ouédraogo ?
Votre terme coûte que coûte-là ne me conviens pas du tout. Le Mouvement Agir ensemble pour le Burkina soutient sa candidature pour plusieurs raisons. Mais pas en terme de coûte que coûte. Le mouvement a fondé son analyse à partir de la situation actuelle, de ce que vit le Burkina, tant sur le plan économique, politique, social, culturel que sécuritaire bien évidemment. C’est tous ces aspects et de l’analyse qui en découle que l’on s’est dit qu’il fallait changer la gouvernance dans laquelle nous sommes. C’est en cela que nous avons identifié Kadré Désiré Ouédraogo comme étant la personne qui nous semble à même de pouvoir porter le changement attendu de tous les Burkinabè.
Tous les autres candidats déclarés ou en vue disent aussi êtres hommes de la situation …
Oui mais Kadré Désiré Ouédraogo incarne un certain nombre de vertus, d’ouverture, d’appel à la cohésion sociale, de gestionnaire des affaires publiques, de conciliateur. C’est une personne qui sait écouter les autres, qui sait se mettre au même niveau de compréhension des autres et qui sait aller vers le bas peuple pour l’écouter. C’est pour toutes ces raisons et pour toutes ces qualités de quelqu’un qui a déjà géré le Burkina, connait très bien son pays, connait le monde entier, qui veut se mettre au service de son pays, aujourd’hui, que nous soutenons.
Il a été en dehors du Burkina pendant un certain temps, la situation du pays se dégrade et il se dit qu’il est redevable vis-à-vis du Burkina sur un certain nombre de points parce qu’effectivement la situation est grave actuellement et ça appelle un changement. C’est pour cela que nous nous sommes dit que c’est l’homme qui est à même d’apporter le changement tant attendu.
Qu’est-ce qui ne va pas et que vous voulez que Kadré Désiré Ouédraogo le résolve ?
C’est partout que ça ne va pas. Tout le monde se sent un peu en insécurité aujourd’hui. Dans la région du Nord, des écoles et dispensaires sont fermés, les différents services de base n’existent plus. Alors, toutes ces personnes qui y vivaient tranquillement pendant des années et des années, aujourd’hui, sont obligées de quitter leur terroir naturel pour aller se loger ailleurs à des centaines de kilomètres de chez eux. Sur le plan sécuritaire ça ne va pas et tout le monde le constate. Ces personnes qui quittent leur terroir, laissent leurs biens là-bas, laissent leur terrain et certains de leur famille là-bas. Sur le plan social ça ne va pas non plus. Et aujourd’hui sur le plan économique, c’est tout pareil. De nos jours, quel est le pouvoir d’achat du Burkinabè par rapport aux denrées même de première nécessité, alors qu’il faut bien s’alimenter. Là aussi ça ne va pas. Cela se traduit par quoi ? Cela se traduit par la grogne sociale qui existe. Les syndicats ne sont pas contents, les travailleurs ne sont pas contents, la population de façon globale n’est pas contente parce que ça ne va pas.
Vous l’aviez dit, la situation économie est morose. Certains pensent que cela est dû en partie à la fronde sociale en ébullition…
Non la situation économique qui est morose n’est pas due à la fronde sociale. Au contraire c’est parce que la situation économique est morose qu’il y a la fronde sociale. Si la situation économique était bonne, il n’allait pas y avoir de fronde sociale.
La situation économique n’est pas bonne pourquoi ? Si vous faites le parallèle entre le minimum qu’un Burkinabè peut gagner et le minimum de ses besoins, l’ensemble des ressources minimales qu’il a, à sa portée aujourd’hui, ne sont pas à même de subvenir à ses besoins. Il y a un gap. S’il y a un gap, il y a nécessairement un déficit économique, un déficit social. Ça peut se résoudre dans la concertation. Chacun doit jouer son rôle, je suis d’accord. Les syndicats, leur raison principale d’existence c’est de lutter pour les intérêts matériels et moraux de leurs membres.
D’autres aussi disent que sous l’ère Compaoré, il n’y a pas eu autant de fronde sociale quasi continue. Qu’est-ce-qu’il faut faire pour sortir le pays déjà fragilisé par les attaques des individus armés de cette impasse ?
En tout temps, en tout lieu, il n’y a pas de raison qu’il n’y ait pas de revendications sociales, d’ordre économique. Si vous voulez du point de vue salarial. Il y a même dix ans, les syndicats observaient des grèves parce qu’ils estimaient qu’effectivement, il y a des points sur lesquels ils ne s’entendaient pas avec le pouvoir en place. Ça c’est normal. Dans les pays de démocratie occidentale très avancée, il y a toujours des grèves. Cela fait partie du jeu social normal qui veut qu’entre ceux qui gouvernent et qui doivent collecter et gérer l’ensemble des ressources pour tout le monde, il y ait ces rapports.
Ces ressources sont collectées, gérées, en tout cas, pas à la grande satisfaction de tout le monde parce que la répartition de la richesse obtenue n’est pas à la hauteur des attentes du peuple. Et quand la répartition de cette richesse est inégalitaire, il est évident que la fronde sociale soit là.
Sur le plan sécuritaire, on fait face à des attaques qualifiées de terroristes, qui sont un phénomène mondial, quelle sera la solution miracle que Kadré Désiré Ouédraogo pourrait apporter à cette situation qui est la plus préoccupante pour les Burkinabè ?
Il n’y a pas de solution miracle par rapport à cela. Il y a une solution bien analysée, bien étudiée. Et une solution qui découlerait d’une analyse des causes réelles et profondes du terrorisme. Qu’est-ce qui a amené le terrorisme au Burkina ? Il y a quelques années, on parlait du terrorisme mais c’est à l’extérieur des frontières du Burkina. Qu’est qui a fait qu’il y a eu ce déplacement, ce mouvement à l’intérieur du Burkina. Il faut analyser les causes profondes. Et aujourd’hui il y a des phénomènes sociaux qu’on ne connaissait pas. On n’a jamais connu au Burkina ici des phénomènes de dégradation intercommunautaire de cette ampleur. Aujourd’hui, ce sont des réalités. Tout cela montre, qu’effectivement, la grande majorité de la gestion des affaires publiques de ce pays ne sont pas gérées, analysées correctement. On n’a pas identifié les raisons profondes, les maux profonds qui minent la population burkinabè. Ce sont ces analyses des différentes actions qu’il faut mener pour enrayer le mal. Alors je pense qu’il y a eu beaucoup d’insuffisance à ce niveau.
Une autre question qui préoccupe les populations, c’est la réconciliation, à votre niveau comment vous entrevoyez cela ? Comment faut-il la formaliser ?
La réconciliation, il faut la voir d’abord comme un problème de nécessité sociale. Je pense qu’entre Burkinabè, se réconcilier, cela ne veut pas dire qu’il faut oublier ce qui s’est passé. Cela veut dire tout simplement s’accorder sur ce qui a amené cette fracture qui est là. A partir du moment où on s’accorde sur les causes profondes de cette fracture-là, on jette effectivement les bases d’une cohésion sociale qui partirait de l’analyse de la situation qui est partie à un temps zéro où les Burkinabè étaient réconciliés entre eux, à une dégradation sans borne. Qu’est-ce qui s’est passé ? Il faut analyser cela et se projeter dans l’avenir. Comment il faut faire pour ramener la situation d’avant ?
Alors qu’est-ce qu’il faut faire ?
Il faut à partir de ce moment-là, poser et élaborer un certain nombre d’actions et d’activités qui sont à même de pouvoir réconcilier les Burkinabè dans leur façon de penser, de voir, d’agir pour que chacun se dise que le Burkina nous appartient à tous et non à X, Y ou Z. Le Burkina appartient à nous tous Burkinabè et nous nous devons de nous asseoir sur la même table pour voir qu’est-ce qui a amené cela. Nous demandé pourquoi cela est arrivé et faire en sorte que cela soit bouté hors de notre territoire dans une concertation absolument la plus large pour que toutes les couches soient associées à cette réflexion d’ensemble pour ramener la réconciliation, la paix des cœurs et que nous tous Burkinabè, nous nous sentons heureux, réconciliés avec nous-mêmes d’abord, et puis avec l’ensemble des peuples burkinabè.
Que pensez-vous des sanctions infligées à certains membres du Congrès pour la Démocratie et le Progrès (CDP), votre ancien parti ?
Pour moi, aujourd’hui ce qui s’est passé au niveau du CDP le 22 septembre 2019, ne me concerne plus directement dans la mesure où je ne suis plus militant du CDP. Je pense que le CDP doit être, comme tous les autres partis, en conformité avec les textes en vigueur au Burkina, en conformité avec les statuts et règlements intérieurs de ce parti. Le CDP a ses règles. Sur le plan général, un parti qui veut aller aux élections doit chercher à s’élargir, à rassembler le maximum de personnes. Le constat est que si le CDP exclut ou si d’autres partis procèdent à l’exclusion de leurs membres, nous en tant qu’un autre parti à côté, nous allons partir vers tous ceux qui se sentiraient lésés pour les accueillir parce que nous cherchons à nous élargir.
On vous accuse vous du Mouvement Agir ensemble pour le Burkina, qui voudriez soutenir la candidature de Kadré Désiré Ouédraogo et ceux sanctionnés, de vouloir liquider le CDP et de vous faire une place au soleil.
Non ! On ne peut pas liquider le CDP. Si le CDP a ses structures, ses modes de fonctionnement, il lui appartient d’agir. Je dénonce simplement les conditions dans lesquelles les différents camarades ont été exclus du CDP. Le problème est une affaire de mauvaise gouvernance à l’intérieur du CDP. Si le CDP a pris un certain nombre de textes et ne les appliques pas, il y a problème. Il y a quand-même des camarades assez forts de leur conviction qui se disent que le CDP est en train de déraper. C’est normal qu’ils le dénoncent, de façon interne ou extra, ça c’est normal. Mais je pense aujourd’hui que ce qui est arrivé, si les camarades ont dit qu’ils ne sont pas d’accord avec un certain nombre de choses, ils vont en parler. Ils ont été exclus parce qu’ils ne sont pas d’accord avec ce que la direction actuelle du parti fait, ça c’est l’affaire de la direction actuelle du parti, ce n’est pas mon affaire. Ça c’est derrière moi.
Kadré Désiré Ouédraogo a dit qu’il veut ratisser large pour se faire porter à Kosyam. Quelles sortes d’alliances faut-il ?
Oui ! Kadré Désiré Ouédraogo, je l’avoue, l’a dit à plusieurs reprises à Bobo-Dioulasso. Nous sommes d’un certain nombre d’initiative citoyenne. Kadré Désiré Ouédraogo, a, en février 2019 à Bobo-Dioulasso dit qu’il est prêt pour être candidat et il nous a appelé à trouver les voies et moyens pour la forme organisationnelle la plus adaptée pour le soutenir au mieux. C’est en cela que nous sommes passés en structure associative à la structure partisane. Le 7 septembre nous avons créé le Mouvement Agir ensemble pour le Burkina parce que nous pensons que c’est la forme organisationnelle la plus adaptée pour soutenir la candidature de Kadré Désiré Ouédraogo pour les élections de 2020.
Parmi les candidatures déclarées, il y a celle de l’ex-Premier ministre Isaac Zida que certain cite comme un favori. Qu’en pensez-vous ?
Moi je pense que ça ne fait que multiplier l’offre politique au niveau national. C’est bien qu’il y ait des formations politiques qui se créent parce que ça va multiplier l’offre politique. Je n’ai rien à penser de Zida ou de qui que ce soit. Si monsieur Zida estime qu’il est à la hauteur pour être candidat et demandé au peuple burkinabè de le soutenir, c’est sa responsabilité à lui. Moi ma responsabilité c’est de conduire le Mouvement Agir ensemble pour le Burkina pour qu’il affronte la façon la meilleure les élections présidentielles de 2020 pour faire en sorte que Kadré Désiré Ouédraogo soit élu.
Interview réalisée par Daouda ZONGO et Bernard BOUGOUM