La Cour des Comptes du Burkina Faso a procédé le jeudi 14 avril 2022 à l’installation de son Premier président, le magistrat Latin Poda, en présence du chef de l’Etat, le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, à Ouagadougou. Le nouveau Premier président de la Cour a regretté que son institution ne mette pas l’accent sur le contrôle juridictionnel qui se résume à «juger les comptes des comptables publics, prononcer des condamnations à l’amende, déclarer et apurer les gestions de faits, et sanctionner les fautes de gestion».
La Cour des Comptes a tenu dans la salle des banquets de Ouaga 2000, le jeudi 14 avril 2022, l’audience solennelle d’installation et de prestation de serment de son nouveau président, Latin Poda. Précédemment conseiller à la Cour des Comptes, ce magistrat expérimenté a été désigné à la session du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) le 18 décembre 2021 par ses pairs, puis nommé par décret du président du Faso, Roch Kaboré, le 24 janvier 2022.
La Cour des Comptes a trois missions principales. Il s’agit du contrôle juridictionnel qui se résume à juger les comptes des comptables publics, prononcer des condamnations à l’amende, déclarer et apurer les gestions de faits, sanctionner les fautes de gestion.
L’institution dirigée désormais par M. Poda assure également les missions non juridictionnelles qui se résument à contrôler la gestion des administrations en charge de l’exécution des programmes et dotations, à évaluer les politiques publiques, à assister le Parlement et l’Exécutif et à certifier les comptes de l’Etat.
« Comme on peut s’en rendre compte, le travail de la Cour est gigantesque et d’une particulière délicatesse. La réalisation de ses missions requiert une indépendance soutenue de ses acteurs, surtout que ceux-ci sont en partie une émanation du ministère de l’Economie, des Finances et de la Prospective, administration à laquelle ils demeurent soumis pour leur carrière qui peut, du reste, s’y poursuivre après leur mandat à la Cour », a déclaré Latin Poda après avoir été installé par le Président par intérim, Justin Jean Baptiste Bouda qui a dirigé la séance.
Le nouveau Premier président de la Cour des Comptes qui veut apporter sa touche a insisté que « les vérificateurs et contrôleurs de la Cour ne doivent pas subir d’influence tant de l’intérieur que de l’extérieur dans leur travail ». Le travail de cette institution exige une présence régulière sur le terrain et une mobilisation permanente de ressources humaines, matérielles et financières. Mais selon Latin Poda, « l’Etat, jusque-là n’arrive pas à assumer entièrement ».
Dans le rapport public 2020 de la Cour, il ressort « un effectif de 106 agents dont 30 membres (magistrats professionnels, conseillers inspecteurs du trésor, des impôts et administrateurs des services financiers), un nombre manifestement insuffisant » et un besoin financier de « 670 000 000 FCFA et une dotation définitive de 323 435 000 FCFA qui n’a malheureusement pas échappé aux régulations budgétaires ». C’est pourquoi le nouveau dirigeant de la Cour des Comptes a appelé les nouvelles autorités à se pencher sur les préoccupations de l’institution pour une meilleure moralisation de la vie publique en ce qui concerne les gestions des fonds publics.
En matière de contrôle budgétaire et de gestion des entités, il y a un besoin de conjugaison des efforts entre les corps de contrôle interne a priori et la Cour des Comptes qui est un organe de contrôle a posteriori. Dans cette optique, Latin Poda dit se « réjouir d’ores et déjà » de ce que le Contrôleur général d’Etat Nion Néri Kouthon Philippe, nouvellement installé dans ses fonctions, soit venu directement de la Cour des Comptes où il exerçait les fonctions de conseiller.
« La réalité est que le travail de la Cour, à ce jour, est beaucoup plus porté vers ses missions non juridictionnelles d’audit, d’information et de conseil », a déploré son Premier président qui a estimé que pour « sauvegarder efficacement le patrimoine public, cette tendance doit concilier les exigences de responsabilité et de redevabilité des justiciables de la Cour, gage de transparence et de bonne gouvernance, avec sa contribution en matière d’audits, d’évaluation des politiques publiques, de certification des comptes de l’Etat, et d’émission d’avis ».
Le nouveau patron de la Cour des Comptes a également indiqué qu’il allait travailler au cours de son mandat à rendre plus visibles les actions de son institution afin que le citoyen lambda cerne leur rôle dans le développement de la Nation.
La troisième mission de la Cour des Comptes vise une information et un conseil dont l’objet est d’établir un rapport public annuel remis au président du Faso. La Cour des Comptes établit également un rapport sur l’exécution des lois de finances accompagnant la déclaration générale de conformité.
A ces missions traditionnelles, il convient d’ajouter celles, nouvelles découlant d’abord de la loi organique N°073-2015/CNT du 06 novembre 2015 relative aux lois de finances et qui consistent en l’évaluation des politiques publiques, la certification des comptes de l’Etat, l’émission d’avis sur les dispositifs de contrôle interne et de contrôle de gestion, sur la qualité des procédures comptables et des comptes ainsi que sur les Rapports annuels de performance (RAP).
Le personnel de la Cour des Comptes est composé de conseillers (magistrats de carrière et financiers), de greffiers, de vérificateurs et du personnel administratif.
Latin Poda est le quatrième Premier président de la Cour des Comptes. Il vient après Pierre Nébié, Noumoutié Herbert Traoré et Jean Emile Somda. Deux conseillers ont également assuré l’intérim dans l’histoire de la Cour des Comptes. Il s’agit de Train Raymond Pooda et Justin Jean Baptiste Bouda.
Par Bernard BOUGOUM