Accueil A la une Burkina : «l’épidémie de dengue est toujours à la hausse» (DPSP)

Burkina : «l’épidémie de dengue est toujours à la hausse» (DPSP)

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Le directeur de la protection de la santé de la population (DPSP), le Dr Ahmed Sidwaya Ouédraogo au cours de l'entretien avec le média en ligne Wakat Séra fin octobre 2023.

Une flambée de cas de dengue est constaté cette année 2023 au Burkina Faso. Selon le directeur de la protection de la santé de la population (DPSP), le Dr Ahmed Sidwaya Ouédraogo, « de façon théorique », il y a quatre grandes familles de dengue au Burkina, mais ceux qui circulent le plus actuellement sont les types 1 et 3 et « la tendance de l’épidémie est toujours à la hausse ». Dans cet entretien qu’il a accordé à l’équipe de Wakat Séra, fin octobre 2023, Dr Ouédraogo revient sur les mesures qui ont été prises avant et pendant l’épidémie, le nombre de cas enregistrés à la date du 29 octobre et la proportion des enfants touchés, entre autres.

Wakat Séra : Y a-t-il eu des mesures préventives contre l’épidémie de dengue ?

Dr Ahmed Sidwaya Ouédraogo : Nous avons coutume d’élaborer des plans de préparations et de réponses aux épidémies. Dans le cadre de ses activités de planification de lutte contre les épidémies, la DPSP que je dirige a entrepris depuis le mois de juin, un processus de mise à jour du plan stratégique de lutte contre les arboviroses. Les arboviroses, c’est la grande famille des maladies dans laquelle se trouve la dengue et d’autres maladies bien sûr.

Ce plan nous a permis d’apprécier, de faire une analyse de la situation de l’état de préparation du système, aussi bien en terme de ressources humaines, qu’en terme de moyens matériels, de plateforme de diagnostic et de fonctionnalité du circuit de surveillance et de réponse. Pour dire qu’il y a eu cette dynamique d’anticipation et de suivi de la tendance de la maladie. Ce qui nous a permis dès les premiers moments, en mi-août déjà, de percevoir un début de hausse anormal de nombre de cas de dengue ayant abouti à une déclaration de l’épidémie au début du mois de septembre 2023.

Il y a des mesures préventives. Ces mesures préventives c’est vraiment d’ordre physique en ce qui concerne les mesures hors période d’épidémie. C’est surtout l’assainissement du cadre de vie en faisant en sorte de ne pas être en train de cohabiter avec des ustensiles non utilisés comportant aussi de l’eau dans laquelle le moustique qui transmet la dengue peut se développer. Il y a aussi l’ensemble des petits objets qu’on peut retrouver dans les ménages, surtout ce qui concerne les pneus où l’eau de pluie ou de ménage peut se retrouver à l’intérieur. Il y a même la conservation de l’eau de boisson lorsque ce n’est pas couvert. Vous avez dans certain cadre de vie, un environnement qui est fleuri avec beaucoup de feuillages et l’ombrage offre un certain nombre de possibilité de dépôt d’eau. Cela contribue au développement de moustiques et à grand échelle. Sans dire que dès lors que nous avons des flaques d’eau, des caniveaux qui n’évacuent pas très bien, ça constitue vraiment des gites de moustiques.

L’action de prévention, c’est une question de salubrité à l’échelle individuel et collective. Lorsqu’on parle de moustique, il y a les mesures barrières également pour soi-même, les répulsifs, l’utilisation de vêtement qui couvre assez le corps, l’utilisation d’insecticide dans les ménages et prenant bien-sûr des précautions pour ne pas causer des dommages aux enfants. Et vous avez, à une grande échelle bien-sûr, des opérations de pulvérisation dans le cadre de la diminution de population adulte de moustiques et qui étaient d’ailleurs prévues dans le cadre des activités du ministère de la Santé, particulièrement dans la lutte contre le paludisme mais dans le mois de novembre. Vous avez vu que la dynamique de l’épidémie nous a amené à reconsidérer les choses. C’est autant de choses qui sont des mesures préventives.

Votre canal qui est la communication, nous permet aussi de communiquer avec la population. Cela a été utilisé, peut-être pas de façon intensive comme ce qui est fait dans un contexte d’épidémie, mais la communication est un moyen également de prévention parce que ça apporte le message aux populations et ça influence les attitudes.

Quelles sont les mesures prises après la déclaration de l’épidémie ?

Lorsque nous avons déclaré la présence anormale de cas de malades de dengue, ce qu’on appelle épidémie, il y a eu la mise en place de dispositif organisationnel de lutte au niveau de la région des Hauts-Bassins et la région du Centre. On a mis des noyaux de coordination que nous appelons les systèmes de gestion d’incident, à travers bien-sûr le mode opératoire du Centre des opérations et de réponses aux urgences sanitaires (CORUS). Nous avons renforcé la surveillance épidémiologique à travers la Direction de la protection de la santé de la population (DPSP) avec les mise à disposition des intrants, soit pour le transport des échantillons, les analyses, les confirmations. Cela nous a permis de savoir que nous avons d’autres types de germe de dengue qui circulent. Nous avons mis à jour les directives de prise en charge, renforcé les capacités des personnels de santé et cela se poursuit jusqu’à présent pour prendre en compte les particularités qu’on retrouve chez les malades et beaucoup plus de situations que nous devons pouvoir gérer.

Il y a tout ce qu’il y a eu comme action physique dès le départ, c’est dire l’utilisation des volontaires nationaux pour pouvoir aider les ménages à percevoir ce qu’il faut éliminer dans les ménages et ça, ça s’est révélé très utile dans la région des Hauts-Bassins à un moment donné pour pouvoir inverser la tendance de la courbe. Aux Hauts-Bassins ce n’est que tout récemment que nous avons commencé les pulvérisations. Nous avons constaté qu’au bout de quatre semaines avec les actions physiques, le nombres des cas suspects avaient commencé à baisser considérablement même si en terme de décès ça constituait une préoccupation.

Vous aurez constaté, comme je l’ai dit, que pour renforcer toutes ces mesures, nous avons entrepris de pulvériser certains domiciles de patients, dans certaines structures hospitalières, des structures publiques fréquentées par les populations. Nous avons également réalisé des pulvérisations spatiales dans les environnements où nous pensons qu’il y a une forte concentration de population adulte de moustiques. Voilà autant de mesures qui ont été menées avec en toile de fond, comme je l’ai dit, la communication qui a été institutionnelle, communication de proximité visant à permettre aux populations d’aider le gouvernement à assurer une meilleure protection de leur santé.

Quels sont les types de dengue qui sont les plus majoritaires cette année au Burkina Faso ?

Au Burkina Faso, de façon théorique, nous avons quatre grandes familles de dengue. Dengue type 1, dengue type 2, dengue type 3 et dengue type 4. On dit type parce que tout simplement parmi les types de virus de dengue, nous avons ce qu’on appelle les sous-groupes appelés sérotype de dengue.

Au Burkina actuellement ceux qui circulent plus, sont trois types. Mais retenons que les majoritaires sont le types 1 et le type 3. Le type 2 s’est retrouvé circuler mais il est très faible, pour ne pas dire très très minime. Ce qui est le plus majoritaire c’est le type 3.

Cela nous amène à dire que de la surveillance, après avoir constaté que c’est ce sérotype qui circule, nous attendions d’une certaine manière, qu’il y ait beaucoup plus de cas graves, parce que tout simplement, lorsque vous attrapez un type de dengue et que vous guérissez, vous arrivez à avoir des moyens de défense de l’organisme pour tout le reste de votre vie. Ce qu’on appelle immunité. Mais cela ne vous empêche pas de contracter un autre type de dengue. Et lorsque vous attrapez un autre type de dengue, l’expérience et la littérature montrent que la probabilité que vous fassiez une forme avec des complications est très élevée. Nous savons bien que dans les années 2016-2017, il y a beaucoup plus eu de cas liés au type 2. Donc il y a probablement des populations qui ont eu à faire la dengue antérieurement qui sont en train de faire aujourd’hui la dengue encore avec beaucoup plus de probabilité de faire avec des formes graves. D’où l’insistance du ministère de la Santé auprès des populations en leur demandant d’observer les mesures de prévention, de protection individuelle, mais aussi d’adhérer à tout ce qui est mesure de protection collective à travers les actions de salubrité de là où on vie mais aussi là où on travaille également. On n’insiste pas assez là-déçu. Vous vous retrouvez en tant que fonctionnaire à travailler à quelque part, vous avez tout intérêt à faire en sorte que les heures auxquelles les moustiques, c’est-à-dire autour de 16h à 19h, 20h, vous ayez moins de moustiques possible et ce n’est que l’assainissement qui peut aider. Si vous êtes dans le commerce, dans le secteur informel, et que vous jouxtez des canalisations ainsi de suite, on peut bien vous apporter tout ce qu’on veut, pulvériser ainsi de suite, mais l’effort individuel c’est vraiment de faire en sorte que là où vous travaillez également vous puissiez diminuer l’accès des moustiques à votre corps.

Quelles sont les régions concernées par cette épidémie et quelles sont les plus touchées à ce jour ?

Il faut qu’on le dise très clairement. A ce jour, pratiquement toutes les régions ont des cas de dengue. Que ce soit des cas suspects ou des cas dont les traces ont été vraiment retrouvées à travers les tests de diagnostic rapide. Mais la maladie est beaucoup plus présente dans les régions du Centre et des Hauts-Bassins. Les régions qui semblent être dans une tendance à une augmentation c’est vraiment le Centre-Nord et le Centre-Ouest.

A ce jour quelles sont les données, en termes de nombre de cas de dengue que vous disposez ?

Il faut se dire que nous avons pour la semaine du 15 au 22 octobre un total de 14 296 cas suspect dont 6 038 cas probables et 60 décès. Nous surveillons la maladie par semaine pour savoir quelle est la tendance.

Depuis le début de l’année, nous totalisons à la date du 29 octobre 2023, 79 867 cas suspects dont 34 687 cas probables et 349 décès.

Parmi les cas de dengue enregistrés quels est la proportion des enfants ?

Il faut dire que nous n’avons pas à ce jour des données définitives désagrégées par âge, mais ce que je peux dire c’est que des données partielles que nous avons, que ça soit des cas ou des décès la proportion d’enfants touchés tourne autour de 3 à 4 %. Quand je dis enfant c’est vraiment parlant des moins de 10 ans. C’est parlant bien sûr de la tranche d’âge de 0-9 ans. Lorsque l’on remonte à autour des moins de 15 ans ça va tourner autour de 6 à 7%.

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Il faut dire que la maladie touche beaucoup plus les adultes jeunes, beaucoup plus de la tranche d’âge de 20 à 40 ans. La grosse concentration des cas c’est autour de ça. Bien entendu que nous savons que la vulnérabilité des enfants est plus grande. Ce qui fait que lorsque ça touche les enfants, il y a une gestion plus difficile à leur niveau.

Donc il n’y a pas de donnée qui montre qu’il y a eu tel nombre d’enfants infectés par le virus de la dengue ?

Non pas pour le moment. Même si on vous le donne, ça ne sera pas des données fiables. Actuellement ce qui nous intéresse. Là où nous sommes peut-être en retard, c’est la saisie des données détaillées. Nous collectons les cas, tout ce qui arrive soit suspects, probables et tout. Ensuite il y a des fiches qui sont renseignées et saisi sur une plateforme pour pouvoir percevoir la répartition par âge.

Ce qui a été fait, les données sont anciennes parce que depuis début octobre les données n’ont pas été actualisées et même si c’est actualisé c’est partiel. Alors que, comme je l’ai dit, à ce jour nous avons une épidémie qui touche les deux régions certes mais aussi qui est présente dans l’ensemble des régions. Nous nous apprêtons de pouvoir rassembler les acteurs de gestion de l’information sanitaire pour assurer la saisie et de pouvoir sortir quelque chose de fiable.

A la date d’aujourd’hui, peut-on dire qu’il y a une baisse des infections ?

Il y a eu dans un premier temps une baisse du nombre de cas au niveau des Hauts-Bassins, particulièrement à Bobo-Dioulasso pendant deux ou trois semaines. Ensuite nous avons vu une tendance qui est dans la hausse. Globalement la tendance de l’épidémie est toujours à la hausse. Nous nous attendions à ça parce que des estimations que nous avions, nous attendions à atteindre le pic de la maladie autour de cette fin du mois d’octobre. On se dit que tout au plus dans une ou deux semaines on atteindra le plafond ensuite on verra.

Les actions qui sont en train d’être menées à travers la pulvérisation et tout peuvent aussi amener l’évolution dans un sens qui nous sera vraiment favorable.

Propos recueillis par Daouda ZONGO