Accueil A la une Burkina: les changements en attendant le changement?

Burkina: les changements en attendant le changement?

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Le président du Faso, Roch Marc Christian Kaboré

Après trois ans de service, le Premier ministre burkinabè, Christophe Marie Joseph Dabiré, celui qui a réussi la prouesse de porter en même temps, le nom du Christ et de ses parents, a été démis de ses fonctions, ce mercredi par décret présidentiel. Il saute, comme le veut la coutume en la matière, en même temps que son gouvernement. Ont-ils été emportés par la houle de mécontentement généralisé des populations excédées de porter le deuil des nombreux militaires et civils, tués au quotidien par des groupes reconnus de djihadistes ou les fameux «hommes armés non identifiés»? Oui! L’ire justifiée des populations qui ont dénoncé l’incapacité du pouvoir à assurer, depuis 6 ans, leur sécurité et celle de leurs biens est, bel et bien, la cause du coup de balai, annoncé par le président du Faso. Et l’action de salubrité ne fait sans doute que commencer.

Roch Marc Christian Kaboré qui a mis en branle sa campagne de nettoyage par le sommet de l’armée burkinabè où des dysfonctionnements, selon des constats, ont conduit à la mort, officiellement plus de cinquante personnes, notamment des soldats et un civil, n’a aucun intérêt à rester au milieu du gué. La goutte d’eau qui a fait déborder le vase de la colère des Burkinabè qui ont manifesté contre l’insécurité et demandé la démission du chef de l’Etat, est, sans aucun doute, la dernière attaque armée contre le détachement d’Inata, où une fois de plus, les Forces de défense et de sécurité ont été surprises et ont manqué de riposte conséquente face à la puissance de feu de l’ennemi.

Et maintenant, que va-t-il se passer après les changements, d’abord au niveau de la grande muette et maintenant de l’exécutif, gouvernement pour lequel le chef de l’Etat, lors de son message nocturne du 25 novembre au peuple, avait promis une équipe resserrée? Il faut juste espérer que dans sa composition, le nouveau gouvernement dont la formation s’avère urgente, parce que le Burkina est en «guerre», devra faire fi des récompenses politiques et de ce jeu de copinage dans des nominations qui, in fine sont plus préjudiciables que productives pour la conduite du programme du président du Faso. En lieu et place de cadres compétents et dévoués pour le développement et le bien-être des populations, le Burkina s’est ainsi retrouvé avec des ministres beaucoup plus portés, comme le sont la plupart des politiciens sous les tropiques, par des intérêts individuels et très égoïstes.

Pire, foulant au pied la sacro-sainte solidarité gouvernementale, des ministres luttaient, chacun pour soi et contre l’autre. Il urge, dans l’optique de la formation du nouveau gouvernement, de mettre aux oubliettes le «non, celui-là n’est pas des nôtres», formule clivante qui fait recette sous le régime de Roch Marc Christian Kaboré et qui laisse ainsi, sur la touche, des hommes et femmes capables de servir l’intérêt général, dans la cohésion nationale. Tous semblent oublier que l’avènement de ce pouvoir intervient après une insurrection populaire née du ras-le-bol du peuple contre la mal gouvernance et d’une soif intense de justice.

Certes, la situation du Burkina est grave, mais elle est loin d’être désespérée. La guerre contre le terrorisme, le combat contre la faim et la misère, la lutte pour le développement inclusif qui ne laissera aucune région à quai, sont l’affaire de tous, et pas du seul parti au pouvoir, encore moins de ses cadres uniquement. Tous les fils et filles de ce pays, doivent être en mesure de colmater les fissures par lesquelles le loup s’introduit facilement dans la bergerie et opère sans crainte. Comme l’enseigne le proverbe, les Burkinabè ne doivent pas se battre entre eux, alors que la pluie les bat. Dans le cas d’espèce, le pays est confronté au triple défi de l’insécurité, du Covid-19 et de la reconstitution du tissu social mis à rude épreuve par le rejet de nombre de ses enfants, à des fins purement politiciennes. Il ne faut donc pas se tromper d’adversaire, mais mener le juste combat dans l’unité nationale. Mettre surtout l’homme qu’il faut, à la place qu’il faut. Enfin, ce serait simplement se leurrer en focalisant le nettoyage présidentiel uniquement sur les hommes, sans penser aux stratégies de lutte. Car, comme le disent les militaires, c’est le terrain qui commande.

En attendant, les supputations vont bon train dans les chaumières sur les «Premiers ministrables et les ministrables». En tout cas, le téléphone sonnera plus que d’habitude, cette nuit et les jours à venir. De même, les marabouts dépoussièreront leurs tapis et sortiront tous les attirails nécessaires pour rassurer les ministres qui vont s’accrocher à leurs fauteuils comme un enfant à son premier jouet, et donner de l’espoir à ceux qui convoitent des maroquins, certains que leur heure a sonné.

Par Wakat Séra