Près de 300 militants et sympathisants du mouvement syndical burkinabè, ont pris d’assaut, ce jeudi 3 janvier 2019, la plus grande salle de conférence de la Bourse du travail de Ouagadougou, qui a refusé du monde, pour commémorer, à travers une communication publique, le soulèvement populaire ayant balayé le régime de Maurice Yaméogo, premier président du Burkina Faso, accusé au moment des faits de mal gouvernance et de gabegie. Pour Grégoire Nongo Traoré, secrétaire général du Syndicat national des agents des impôts et domaines (SNAID), qui a animé cette conférence publique, il y a une « similitude » entre la loi de finances de 1966 et celle de 2019, dénoncée par le syndicat.
« La comparaison que nous venons de faire résulte du fait qu’il y a des similitudes et les mêmes causes produisent les mêmes effets », a déclaré M. Traoré qui a précisé qu' »en 1966, la crise qui a provoqué le soulèvement était (surtout) la remise en cause des acquis démocratiques et sociaux des travailleurs notamment la loi de finances de l’époque qui avait fait un abattement de 20% sur les salaires des fonctionnaires, provoqué des rabattements des allocations familiales à près de la moitié ».
Sur le plan des libertés démocratiques, « il était carrément interdit aux organisations syndicales, tout regroupement. Au même moment au niveau social, la vie chère frappait énormément les populations », a ajouté le conférencier principal qui a signifié que « si on fait une comparaison en 2019, l’adoption de la loi de finances s’inspire des mêmes méthodes notamment par des projets qui consistent à l’augmentation des taxes d’abord qui vont peser sur le pouvoir d’achat des travailleurs, vous avez le retour de la Taxe de Développement Communal (TDC) qui avait été combattue et supprimée en 2011 ».
M. Traoré a aussi ajouté que « l’augmentation de certains impôts, tels que les taxes sur les boissons et thé touchent énormément au pouvoir d’achat des populations. A côté de cela, vous avez également cette loi de finances qui prévoit la suppression de certains avantages des financiers et une certaine catégorie de personnels ».
Hormis la loi des finances, « dans le même contexte, le gouvernement s’appuie sur d’autres lois très graves notamment la criminalisation de l’insurrection populaire, la répression des travailleurs dans la lutte, vous avez en exemple le cas des sit-in que l’Etat juge illégal », a-t-il renchéri avant d’asséner qu' »à chaque fois que les libertés démocratiques et syndicales ont été bafouées, le mouvement syndical a toujours su trouver la réponse appropriée par différentes formes d’organisation pour se faire entendre ».
Le syndicat pour qui le gouvernement ne prend pas en compte les revendications sociales, dénonce la mauvaise gouvernance. « Pendant qu’on élève les taxes qu’on impose aux consommateurs, les grands contributeurs en particulier ceux des mines, des télécommunications et du foncier ne paient pratiquement pas, or c’est en termes de milliards (francs CFA) », s’est offusqué M. Traoré qui a poursuivi qu' »au niveau de la direction générale des Impôts, les restes à recouvrer font près de 400 milliards FCFA que les gros contributeurs doivent à l’Etat. Donc on ne peut pas accepter tout cela et qu’on continue d’appauvrir le pauvre citoyen », a-t-il réagi.
Quant à la trêve sociale demandée par le président du Faso, Roch Marc Christian Kaboré, selon Grégoire Nongo Traoré, « on ne décrète pas une trêve sociale. Le mouvement syndical a toujours dit que la trêve sociale réside dans le comportement de nos dirigeants », continuant que « du reste, ce n’est pas la première fois que ce régime fait cette demande » avant de terminer que « c’est la bonne gouvernance qui doit faire la trêve sociale.
Il a appelé, à la fin de sa communication, les dirigeants actuels à se rappeler aux souvenirs des événements du 3 janvier 1966, de l’insurrection populaire de fin octobre 2014 et du putsch manqué de septembre 2015 pour s’inspirer et ne pas vivre les mêmes situations où le peuple s’est dressé comme un seul homme pour arracher son pouvoir et faire barrière contre toute forfaiture.
La loi de finances 2019 décriée notamment par le syndicat, « ne sera pas appliquée » pour un certain nombre de raisons, a été catégorique le secrétaire général de la Confédération générale des travailleurs du Burkina (CGT-B). Pour M. Bazié connu pour son franc-parler, avant l’application de cette loi de finances, « il faut d’abord que tous ceux qui doivent à l’Etat, s’acquittent de leurs dettes. Il y a des ressources dans notre pays et donc il faut une gouvernance vertueuse. Il faut qu’on respecte les accords » signés à l’issue des manifestations des syndicats.
Il a aussi lancé un appel à toutes les couches sociales à rester mobilisées parce que les syndicats ne vont pas « dormir sur (leurs) lauriers ». « Celui qui n’a pas la capacité de faire face aux préoccupations du peuple, il peut débarrasser le plancher et d’autres candidats vont occuper la place », a-t-il terminé.
Par Bernard BOUGOUM