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Burkina/Liberté de presse: « Notre opinion publique ne joue pas suffisamment son rôle »

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Le professeur de philosophie morale et politique, Mahamadé Savadogo, enseignant-chercheurs à l'université Joseph Ki-Zerbo

Le professeur Mahamadé Savadogo de l’université Joseph Ki-Zerbo qui enseigne la philosophie morale et politique, après s’être appuyé sur des écrits, notamment des éditoriaux, de Norbert Zongo, journaliste d’investigation de renom tué en 1998, a affirmé que « notre opinion publique ne joue pas suffisamment son rôle » en matière de liberté de presse qui pour lui n’est rien d’autre qu’« une manifestation de la liberté d’expression ».

Chaque an, les professionnels des médias au Burkina Faso célèbrent, le 20 octobre, la Journée nationale de la liberté de la presse. Pour la célébration de la 27ᵉ édition de cette messe des médias tenue le lundi 21 octobre 2024 au Centre de presse Norbert Zongo (CNP/NZ), sous le thème: « Ne brisons pas le rempart : alerte sur la mise à mort du journalisme», des communications ont été données pour disséquer le thème central.

Le Pr Mahamadé Savadogo, professeur de philosophie morale et politique qui n’est plus à présenter, a éclairé le public sur la complicité, le rapport qu’il devrait y avoir entre l’opinion publique et la presse à travers le sous thème: « L’opinion publique et la presse d’hier à aujourd’hui ». D’emblée, il a indiqué que « la presse sert d’intermédiaire entre la base des citoyens et les dirigeants. La presse contribue à la formation de l’opinion. La presse se retrouve (ainsi) soumise à la pression des dirigeants et la pression du peuple qui s’exprime à travers l’opinion publique ».

« Au Burkina Faso, à partir des années 2000, il y a eu une multiplication des titres, il y a eu un essor, particulièrement des médias. Mais aujourd’hui en 2024, la situation a évolué et le nombre des titres a cessé d’augmenter et les titres qui sont là ont beaucoup de difficultés à s’en sortir », a signifié le communicateur qui a ajouté qu’« on peut même dire qu’il y a des contraintes particulières qui s’exercent sur la presse aujourd’hui et qui compliquent singulièrement son travail ».

Mais, entretemps, il y a un contexte particulier qui s’est installé, qui est l’apparition des attaques terroristes remettant en cause même la configuration du territoire burkinabè. « Ce contexte malheureusement a inspiré des dispositions publiques qui sont défavorables au travail de la presse », a-t-il fait savoir avant de se poser la question de savoir comment arriver à faire face à cette situation. Sur quoi, la presse doit-elle s’appuyer pour réussir sa mission ? A cette interrogation, le professeur Savadogo va s’intéresser aux récits de Norbert Zongo, un journaliste d’investigation qui a marqué le pays des « Hommes intègres » ces 27 dernières années et d’autres sources pour développer ce qu’il a résumé en ces termes: « L’incontournable boussole de la presse : l’éthique et la déontologie ».

A l’évidence, pour le professeur, la situation que vit le Burkina Faso est particulièrement difficile pour la presse, mais quelle que soit la difficulté, le repère sur lequel elle peut s’appuyer pour s’orienter reste l’éthique et la déontologie du métier. « Norbert Zongo dans son ouvrage : « Le sens d’un combat », dit clairement que le journaliste doit affronter toutes les situations en s’appuyant sur la déontologie de son métier », a-t-il déclaré, poursuivant que dans cette dynamique, le journaliste doit compter sur les organisations professionnelles des journalistes d’abord qui aident à mettre l’éthique et la déontologie.

Le professeur de la philosophie morale pense que « ce qui est en jeu derrière la liberté de la presse, c’est simplement le combat pour la liberté d’expression. La liberté de presse est une manifestation de la liberté d’expression. Au-delà des organisations stricto sensu de la presse, il y a des réseaux de solidarité qui peuvent être convoqués ». Il appelle la presse à renforcer ses rapports avec des organisations syndicales, de droits, de défense des droits humains pour la soutenir dans son combat.

« Ces deux libertés sont essentielles pour développer le contrôle du citoyen sur l’action de l’Etat. Et ce contrôle a pour aboutissement le développement d’une culture de la réédition des comptes qui permet d’éviter, en définitive, le gaspillage de nos ressources qui reste possible dans toutes les situations », a-t-il affirmé. Selon le professeur Mahamadé Savadogo, « l’opinion est à la presse ce que la sève est à l’arbre ». Dans ce sens, presse et opinion, selon Norbert Zongo qu’il convoque, doivent se « soutenir mutuellement » parce que « cela doit permettre à la presse de supporter la pression que lui font subir les dirigeants ».

Sans jambage, il a affirmé que « notre opinion publique ne joue pas son rôle jusqu’au bout. L’opinion ne s’implique pas suffisamment dans le soutien à la presse. Non seulement elle ne s’implique pas suffisamment, mais elle est souvent prompte à condamner les hommes de presse, à porter des jugements sur eux », a relevé l’éminent professeur pour qui cette attitude n’est ni louable ni responsable.

A le suivre, « si l’opinion publique veut être exigeante à l’égard de la presse, elle doit en retour se montrer responsable pour soutenir la presse et l’encourager à mener son travail en particulier quand elle s’engage à dénoncer des abus, des phénomènes comme le gaspillage de nos ressources, l’essor de la corruption ».

Pour conclure sur ce sujet de la presse et l’opinion publique, il a souligné que les deux composantes « doivent contribuer à cultiver le sens de la réédition des comptes, amener les dirigeants à rendre compte de leurs actions et amener les citoyens à s’intéresser à la manière selon laquelle ils sont dirigés, à la façon dont les ressources d’un pays sont utilisées ».

Par Bernard BOUGOUM