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Burkina/limitation du nombre de partis politiques: des journalistes fustigent

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Le président de l’Assemblée nationale, Alassane Bala Sakandé, lors de de la Déclaration de politique générale du Premier ministre Christophe Marie Joseph Dabiré devant les députés le 4 février dernier, a souhaité que le gouvernement travaille à limiter le nombre de partis politiques au Burkina Faso. A travers ce micro, Wakat Séra vous livre les points de vue de journalistes reporters d’images et de son qui couvrent généralement les activités des organisations politiques.

Moumouni Yaro officiant à la radio Oméga : « Le nombre pléthorique de partis politiques ne sert à rien»

Je pense que la limitation des partis politiques sera une bonne chose parce que le nombre pléthorique de partis politiques ne sert à rien. Il y a des partis qui ne savent pas ce qu’ils sont venus faire dans la politique. C’est comme une figuration ou une manière de venir chercher à manger alors que la vraie raison de la création d’un parti politique devrait être d’apporter quelque chose à la nation. Ces partis politiques doivent fédérer leurs efforts pour un objectif commun pour le bien de la patrie. Il y a des partis politiques qui sont totalement dans l’anonymat.

Les jeunes doivent se mettre ensemble pour créer un parti politique avec une force et des pratiques visibles sur le terrain. Il ne faut pas créer un parti pour seulement en créer. Si mon voisin veut créer son parti et moi également, je peux aller le voir plutôt que d’aller en rang dispersé. Plus on est unis, plus on a une force et on peut atteindre l’objectif qui est le renouvellement de cette classe politique. Mais, si les jeunes même ne sont pas unis, il y a déjà un problème quelque part.

Cryspin Laoundiki du site en ligne Lefaso.net : « L’intention est là mais la réalité risque de poser problème »

Je pense que c’est un projet salutaire en ce sens que nous avons énormément de partis politiques au Burkina Faso. C’est vrai, c’est de la démocratie mais c’est une démocratie qui ne tient pas compte de la réalité parce que vous avez des partis politiques qui n’ont même pas de siège comme il se doit. Ce sont des partis politiques qui se trouvent dans un sac à main et quelqu’un se promène avec. Et donc il faut revoir cela. Ce sont des partis politiques où généralement, on a à faire à une même pratique. Un groupuscule qui quitte son ancien parti pour des convenances qu’ils disent le plus souvent personnelles, pour aller créer un autre parti politique et quelques jours plus tard, ils vont se rallier à un autre parti politique. Mais le chemin est très simple. Il fallait tout simplement démissionner de son parti et adhérer directement à ce parti.

Le cas le plus flagrant est celui de Poé Naba et Nathanaël Ouédraogo qui ont quitté l’Union pour le Progrès et le Changement (UPC), un grand parti politique de ce pays, d’abord pour aller créer leur mouvement qui est devenu par la suite un parti politique. Et juste après, en moins d’un mois, ils prêtent allégeance au parti au pouvoir. Mais c’était très simple. Il fallait quitter l’opposition pour adhérer à la majorité. Donc c’est une idée qu’il faut tout faire pour mettre en œuvre. Si ça ne tenait qu’à moi, pour un pays comme le Burkina Faso, on ne peut pas excéder cinq partis politiques. Il faut de grands partis politiques avec des idéaux bien connus. En tout cas, l’intention est là, ils ont fait l’annonce, mais c’est la réalité qui risque de poser problème parce qu’effectivement ce sont les grands partis, pour créer une diversion, créent d’autres partis pour casser la lutte. Donc si cela leur tient vraiment à cœur vous verrez qu’ils vont vraiment limiter les organisations politiques.

Hamadou Ouédraogo, journaliste à la rédaction de Minute.bf: « Si chacun crée son parti comme il veut, ça devient un peu de l’anarchie »

Moi je pense que la limitation du nombre de partis et formations politiques sera une bonne chose parce que la pléthore des partis politiques à un certain moment devient contre-productif. Chacun, parce qu’il a eu quelques sous, pense déjà qu’il peut diriger un parti politique, or on gagnera plus à vraiment rationaliser les partis politiques et à proposer vraiment quelque chose de meilleur au sein de ces partis-là. Si les gens (jeunes) trouvent qu’ils ne sont pas assez représentés dans les partis politiques existant, qu’ils bousculent pour pouvoir avoir leur mot à dire dans ces partis politiques. Je pense que c’est en cela qu’on va pouvoir vraiment avoir quelque chose de substantiel au niveau de la direction même du pays. Sinon si chacun part créer son parti comme il veut, ça devient un peu de l’anarchie. Pourtant la gestion du pays n’est pas donnée à n’importe qui.

Aux jeunes qui se plaignent dans les partis-là, il faut qu’ils sachent que rien n’est acquis facilement. Aller créer dans des conditions de frustrations un parti politique, c’est opter pour la solution la plus facile. C’est vrai que les jeunes doivent se faire une place mais il y a aussi l’expérience des vieux qui est là. Quand vous êtes dans la même arène que vous arrivez à bousculer, il y a vraiment quelque chose de bon qui va en sortir. Moi je pense qu’il faut rester dans ses partis-là et se faire une place.

Ismaël Ignace Nabolé, journaliste à Burkina 24: « Limiter le nombre de partis est anti-démocratique et remettrait en cause la liberté d’association »

Il est indéniable que le nombre de partis politiques au Burkina Faso pose problème. Plus de 160 partis politiques pour le pays, c’est vraiment trop. Mais parler d’une limitation du nombre de partis, ce serait anti-démocratique selon moi. Tout Burkinabè a le droit de conquérir le pouvoir, de participer à toutes les élections, en tant que candidat ou électeur, qu’elles soient municipales, législatives ou présidentielle. En plus, limiter le nombre de partis politiques remettrait en cause la liberté d’association donnée à tout citoyen.

Maintenant, les partis se créent parfois pour se positionner sous l’aile d’un leader ou pour la recherche de la subvention. Au lieu de limiter le nombre de partis politiques, l’on peut durcir les conditions d’accès à la subvention. Par exemple, au lieu d’un financement avant les campagnes, on peut peut-être prévoir le financement après les élections en fonction des résultats. Un parti qui n’a pas au moins un conseiller municipal ne peut en bénéficier. Et aussi supprimer le financement des activités des partis hors campagne électorale.

Le journaliste Aimé Sawadogo de Ouaga FM: « Des partis politiques ont 15 ou 20 ans mais aujourd’hui, c’est difficile de les localiser »

Il faut dire qu’avant l’annonce faite par le président de l’Assemblée nationale en début février dernier, moi je fais partie de ceux-là qui pensaient que réellement il faut limiter le nombre de partis politiques. Lorsqu’on observe le paysage politique, on a l’impression qu’il y a par moment des individus qui, parce qu’ils n’ont aucune activité à mener de façon professionnelle, forment des groupements d’individus qu’ils appellent des partis politiques. Et quand tu regardes de près, ces derniers-là justement ne mènent pas une vie politique au sens propre du terme. Il y a des partis politiques que vous ne verrez que lorsque nous sommes à l’approche des élections, soit municipales ou législatives, je ne parle même pas de la présidentielle. Pour moi donc, il est important, nécessaire, de vraiment limiter le nombre de partis politiques au Burkina Faso justement pour permettre un peu plus de sérieux dans le domaine politique.

Quand on prend tout récemment les législatives, vous avez d’autres villes que Ouagadougou et Bobo-Dioulasso (la capitale économique du Burkina Faso), où on a pratiquement plus de 80 partis politiques qui sont en lice pour les législatives. Quand vous prenez actuellement le Burkina Faso, on a près de 200 partis politiques. Dans ces 200 partis politiques, vous n’avez pas plus d’une trentaine qui fonctionnent normalement. C’est-à-dire qui mènent des activités en bonne et due forme. Du coup, il y a un véritable désordre dans ce domaine là qu’il va falloir assainir.

A ceux qui pensent que la limitation des partis politiques ira à l’encontre de l’expression de la démocratie ou plus précisément du multipartisme, je leur dirai oui mais je pense que les choses peuvent être recadrées. Je ne suis pas contre la création des partis politiques mais comme je le disais tantôt, il y a des partis politiques qui au sens propre du terme n’existent pas. Certains partis politiques n’ont même pas de siège. Il y a des partis politiques qui ne répondent juste que par le président. Après le président, il n’y a rien. Donc dans ce contexte il faut revoir les conditions de création de partis politiques. Les partis peuvent se créer mais il faut du sérieux. Lorsqu’un parti se crée, il faudrait qu’il ait toute cette assise-là, qu’ils remplissent vraiment les conditions et qu’on sente qu’il y a du sérieux dedans.

Quand vous prenez, tout récemment en 2014, le Mouvement du Peuple pour le Progrès (MPP, parti au pouvoir) s’est créé mais on a vu comment ce parti a fonctionné. Un peu plus proche de nos jours, il y a le Mouvement patriotique pour le Salut (MPS) qui s’est créé, c’est également un parti sérieux, on prend aussi par exemple le Soleil d’avenir ou le Mouvement Agir ensemble, ce sont des partis, bien qu’ils ont été créés récemment, on peut les considérer comme des partis sérieux. On voit qu’ils animent la vie politique du pays. Mais il y a des partis politiques qui ont 15 ou 20 ans mais aujourd’hui, c’est difficile de les localiser. C’est à l’approche des élections que vous allez voir ils vont sortir faire une conférence de presse pour se mettre à la lumière à travers les médias. Ce sont ces choses-là qu’il faut recadrer.

Par Bernard BOUGOUM