Accueil L'ENTRETIEN Burkina: mouvement illimité des agents de la Garde de sécurité pénitentiaire (GSP)

Burkina: mouvement illimité des agents de la Garde de sécurité pénitentiaire (GSP)

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Abdou Dramane Thiombiano, SG du SYNAGSP

Les agents de la Garde de sécurité pénitentiaire (GSP) du Burkina Faso ont entamé ce lundi 22 octobre 2018, un mouvement illimité pour l’amélioration de leurs conditions de vie et de travail. Pendant le temps de ce mouvement d’humeur, les services seront au ralenti. Dans les établissements pénitentiaires du pays, « on ne reçoit plus de détenus, et on ne les convoie plus au palais pour être jugés ou pour être entendus par leurs juges » puisqu’« il n’y a plus d’escortes et de réceptions » dans les Maisons d’arrêt et les tribunaux, a affirmé dans un entretien accordé à Wakat Séra, Abdou Dramane Thiombiano, contrôleur, secrétaire général du Syndicat national des agents GSP (SYNAGSP).

Wakt Séra: Qu’est-ce qui explique ou qui justifie votre mouvement entamé aujourd’hui ?

Abdou Dramane Thiombiano: Ce matin, les agents de la GSP sont en mouvement d’humeur. Cela était prévisible puisque le 18 octobre, nous avons fait notre conférence de presse pour faire cas de certaines préoccupations, à savoir nos décrets et nos arrêtés qui sont signés depuis 2017 et jusqu’à présent nous ne sommes  pas en possession de notre dû. Et en dehors de ça, il y a la problématique de matériels que nous avons soulevée. Il y a une unité spéciale chargée d’aller chercher les détenus exceptionnels, c’est-à-dire les présumés djihadistes, un peu partout, pour venir les mettre à la prison de haute sécurité (à Ouagadougou). Malheureusement cette unité, la Brigade d’intervention rapide (BIR), n’a qu’un seul pick-up. Alors que l’unité existe à Ouagadougou, à Bobo-Dioulasso et à Fada N’Gourma.

A l’intérieur ici, les éléments de cette unité font des escortes, et sont censés prêter main forte à leurs collègues en cas de débordements. Par exemple à Diapaga, lorsque les élèves ont été attaqué la maison d’arrêt, c’est cette unité qui a quitté Ouagadougou et a même devancé la Compagnie républicaine de sécurité (CRS, une unité d’élite de la police nationale) qui se trouve à Fada. Pour dire que cette unité est prompte mais elle n’a pas de moyens, vous comprenez que ce n’est pas chose aisée. A Djibo c’est eux qui partent amener les Djihadistes. Vous voyez la dernière actualité là-bas, semble-t-il qu’il y avait près d’une cinquantaine de détenus terroristes qui ont été libérés après l’attaque (qui a eu lieu dans la nuit du jeudi 18 au vendredi 19 octobre dernier) dans les locaux de la gendarmerie de Djibo. C’est la BIR qui devait aller chercher ces prisonniers. Si ce n’est pas fait, cela veut dire qu’il y avait peut-être un problème lié à tout ça.

Vous a été porté à la tête de ce bureau qui est aussi décrié par l’ancien bureau, il y a un peu plus d’un mois, ne pensez-vous pas que vous allez vite en besogne avec les manifestations ?

Nous avons dit que le mouvement d’humeur ne se prépare pas, ça ne s’organise pas. A partir du moment où les gens se sentent brimés, nous étant leur porte-parole avions interpellé le gouvernement par rapport à cette situation, en témoigne notre conférence de presse. Il fallait s’y attendre. Depuis lors, le gouvernement ne fait rien. C’est pour cela que vous constatez que les militants sont en mouvement.

Ne peut-on pas vous reprochez d’être des « jusqu’au boutistes » avec cette manière de lutter ?

Je ne le pense pas. Les actions que nous menons ce sont des actions que souhaitent les militants. Nous ne décidons rien de nous-mêmes. C’est les militants qui décident de ce que nous faisons. C’est vrai que ce sont des actions que vous pouvez considérer comme des actions fortes mais nous pensons que ce sont des actions légitimes et légales. Voilà un corps où cela fait un an, le président du Faso lui-même signe vos arrêtés, des décrets de nomination où jusqu’à l’heure vous n’avez pas un franc. Or, vous les journalistes dans votre classification par rapport aux agents de l’Etat les mieux payés, vous nous avez cité là-bas. Donc nous pensons qu’au regard de tous ces faits, nous ne sommes  pas partis vite en besogne. Au contraire nous avons patienté mais seulement l’heure est venue qu’on interpelle le gouvernement aussi à prendre ses responsabilités.

A quoi les usagers de la justice doivent-ils s’attendre le temps de votre mouvement ?

Les éléments (GSP) ont passé au ralenti certaines de leurs activités. Ce sont précisément les escortes et les réceptions. Cela veut dire qu’à l’heure où je vous parle, dans tous les établissements pénitentiaires du Burina Faso, on ne reçoit plus de détenus, et on ne les envoie plus non plus au palais pour être jugés ou pour être entendus par leurs juges.

Cela va prendre-t-il combien de temps ?

Notre mouvement est à durée indéterminée. Mais tout dépendra de ce que le gouvernement nous réservera. Jusqu’à présent on n’a pas eu une quelconque autorité ou une personne qui nous a touchés en la matière. Mais comme ils sont au courant, on se dit qu’ils vont résoudre le problème une bonne fois pour toute.

Cette situation intervient à un moment où le syndicat (SYNAGSP) à deux bureaux. Peut-on s’attendre à une entente entre votre bureau qui est le nouveau et l’ancien qui vous taxe de profiter de leur manque de communication vers la base pour proclamer leur destitution ? Y a-t-il déjà des démarches comme ce qui avait été annoncé par l’ancien bureau ?

Oui il y a des démarches en ce sens. Il y a l’amicale des anciens, ceux de la première promotion qui a entrepris des rencontres et je pense que si tout va bien, demain (mardi 23 octobre) on doit pouvoir se croiser avec l’ancien bureau pour qu’ils (les membres) nous fassent la passation. Pour nous, il n’y a pas deux bureaux mais des groupes qui ne s’entendaient pas. Les problèmes de légalité et de légitimité que ce bureau (ancien) évoque, je crois que ce sont des tournures de mots. Eux ils nous reprochaient de ne pas passer par la voie légale pour les destituer, nous nous avons dit que ce n’est pas nous mais les militants qui ont agi selon certains articles, pratiquement l’article 6 du règlement intérieur et l’article 27 du statut.

Dans tous les cas les textes ont été respectés et nous poursuivons tous les mêmes intérêts. Ils ont évoqué le problème de communication, c’est vrai ça c’est à leur niveau, c’était à eux de communiquer avec les militants. Moi qui suis là assis devant vous, je n’ai pas choisi à être SG du syndicat. Si je savais qu’en partant au congrès on allait me proposer et me voter à l’unanimité pour que je sois SG, peut-être même que je n’allais pas partir. Et même ça j’avais voulu désister. Mais comme ils m’ont porté leur confiance, je pense qu’on fera de notre mieux pour préserver l’intérêt de notre corps.

Où est-ce que vous en êtes avec votre récépissé que le ministère de l’Administration territoriale doit vous délivrer ? N’avez-vous pas peur qu’en commençant avec des manifestations ainsi, le gouvernement refuse de vous le délivrez ?

Je ne pense pas que le gouvernement y ait intérêt. Dans tous les cas, nous sommes un corps paramilitaire à discipline militaire. Nous n’avons pas le droit de grève mais nous avons le droit d’avoir un syndicat. Ce qui est en train de se passer actuellement n’est pas une grève mais un mouvement d’humeur. Et la constitution est claire à ce niveau puisque vous ne pouvez pas empêcher quelqu’un que vous brimez, de manifester son humeur, son mécontentement. Cela est un droit pour tout Burkinabè. Il travaille certes, mais cela ne l’empêche pas de vous dire que dans l’exercice de sa fonction il n’est pas content du traitement que vous lui infligez. C’est exactement cela que nous sommes en train de vivre aujourd’hui. Nous n’avons pas arrêté de travailler mais nous manifestons quelques-une de nos préoccupations.

Si pour une raison ou une autre, le gouvernement refusait de vous délivrer votre récépissé, quelle sera la conduite à tenir à votre niveau ?

Récépissé ou pas, notre volonté est de voir nos conditions de vie et de travail améliorées. C’est ça qui est notre préoccupation.

Par Bernard BOUGOUM