Ceci est un document de Ouoba-Ima Sidonie Aristide, Sociologue à l’INERA/CNRST, Burkina Faso sur la problématique de la commercialisation du maïs au détail dans la région du centre-ouest.
INTRODUCTION
La Région du Centre Ouest est une zone maïzicole. Grâce aux efforts de vulgarisation des multiples acteurs de la recherche, des services techniques, des ONGs, etc., la production est passée de 354 220 Tonnes de maïs en 2011/2012 à 373 579 Tonnes en 2015/2016 (INSD, 2017). Les systèmes de production vivrière céréalière en Afrique de l’Ouest, en général et au Burkina Faso, en particulier sont caractérisés par le fait qu’une bonne partie de la production est destinée à la constitution du stock familial pour la consommation. A côté de cette tendance générale, coexistent également d’autres systèmes où l’essentiel de la production céréalière vise prioritairement le marché. Quel que soit le système considéré, un des goulots d’étranglement demeure l’incertitude de marché et surtout des prix rémunérateurs.
Le maïs est essentiellement vendu au niveau local souvent « bord-champ » ou sur pied à des commerçants (détaillants, semi-grossistes et des grossistes). Avec l’avènement d’unités de transformation en produits dérivés pour la consommation humaine et animale et, le développement de l’aviculture intensive, des possibilités de commercialisation du maïs existent. Les crises de surproduction n’atténuent pas les effets de la sous-production car les moyens de stockage, de conservation et de transformation manquent.
Lier l’offre alimentaire issue de l’agriculture familiale à la demande urbaine et rurale, en appuyant le secteur de la transformation, représente un véritable enjeu pour la sécurité alimentaire et la lutte contre la pauvreté. Face à l’importation de produits alimentaires de l’étranger, les femmes et les hommes se sont engagées dans la production des céréales (maïs) pour augmenter leurs revenus. La plupart des femmes exercent le métier de transformatrice des céréales. Dans le domaine de la vente de farine de maïs au détail, elles sont les plus nombreuses. Quant à la vente des grains de maïs au détail, le métier est exercé par les femmes et les hommes. Pour mieux cerner la commercialisation du maïs, certains aspects tels que les circuits de vente, les facteurs influençant la commercialisation du maïs, les difficultés, les solutions, les propos recueillis et l’importance de l’usage du kilogramme comme unité de mesure seront analysés.
CIRCUITS DE VENTE
Le schéma des circuits de commercialisation des céréales au Burkina Faso permet de faire les observations suivantes:
- les producteurs apportent leur récolte sur un marché local et la vendent directement aux consommateurs (circuit direct);
- les producteurs apportent leurs céréales sur le marché et les vendent à un commerçant (collecteur ou grossiste détaillant) qui opère sur ce marché de façon permanente ou semi-permanente (circuit court);
- les collecteurs sillonnent les marchés ruraux et urbains et achètent les céréales auprès des producteurs pour les revendre soit aux consommateurs (circuit court), soit à des commerçants (circuit complexe).
FACTEURS INFLUENCENT LA COMMERCIALISATION DU MAÏS
Différents facteurs influencent la vente du maïs qui sont la période de récolte, le lieu de production, le transport, les infrastructures de stockage, l’offre et la demande, la période des ventes, la disponibilité de l’information, la qualité des produits et les Unités de Mesure Locales (UML). Il a été constaté qu’à l’achat, les commerçants achètent les céréales en sacs en raisonnant en terme d’UML (plats ou boîtes) ou parfois au kilogramme (50 kg ou 100 kg). Le tableau 1 donne les équivalences des UML par rapport à un sac de 100 kg ou 50 kg et par région.
Tableau 1: équivalence des UML par rapport à un sac de 100 kg ou 50 kg
Régions | UML | Poids de 50 KG | Poids de 100 kg |
Centre-ouest | 1 Plat yoruba | 20 plats | 40 plats |
Hauts Bassins | Grande boîte | 27,5 | 55 |
Collecte de données, marché de Koudougou, 2018
Ainsi, le tableau 1 fait ressortir qu’un sac de 50 kilogrammes correspond à 20 plats yorouba. En revanche, un sac de 100 kilogrammes correspond à 40 plats yorouba. En revanche, le nombre de boîtes est élevé pour un poids de 50 Kilogrammes ou de 100 Kilogrammes
Cependant, à la vente, lorsqu’il s’agit des transactions entre Organisations Paysannes ou entre Organisations Paysannes et commerçants, le sac est exprimé en UML et rarement en kilogramme. Cependant, lors des transactions entre Organisations Paysannes et Institutions (SONAGESS, PAM, …), le sac est exprimé exclusivement en kilogramme. Malheureusement, force est de constater qu’il existe un non-respect des poids des sacs de 50 kg et de 100 kg. Sur un même marché, les commerçants peuvent jouer sur la contenance des unités de mesure, en déformant volontairement le fonds de la mesure pour ne pas afficher les prix réels ou des balances mal réglées. La complexité de l’usage des UML dans les transactions joue en défaveur des producteurs et des consommateurs ceci justifie qu’une attention particulière soit accordée au kilogramme, principale unité de mesure internationalement reconnue.
Tableau 2 : Prix de vente des grains de maïs selon les mesures et la localité
Localité | Prix unitaire (maïs grains) |
Banfora | Grande boîte de tomate : 275 F CFA |
Dédougou | Grande boîte de tomate : 310 F CFA |
Léo | Grand yorouba : 395 F CFA |
Koudougou | Grand yorouba : 575 F CFA (525 francs en gros) |
Source : CRA/Koudougou, prix publiés par SONAGESS, 26 février au 4 mars 2018
L’usage du plat yorouba comme unité de mesure locale, révèle qu’une fois remplie de grains de maïs, le grand plat yorouba pèse environ 3 Kg.
Dans la région du Centre-Ouest, les lieux d’achat du maïs sont les provinces de la Sissili et du Sapouy. D’autres localités du Burkina Faso (Dédougou, Bobo, Banfora, …) constituent des lieux d’approvisionnement en maïs pour les commerçants.
Concernant la farine de maïs, le grand plat yoruba de farine de maïs pèse 2 Kilogrammes et coûte 850 F CFA (photo 2). Quant au demi-plat de farine de maïs, il pèse 0,9 Kilogramme et coûte 500 F CFA. Le surplus ou lenga en langue mooré, pèse 100 grammes.
De l’avis des interviewés, le maïs blanc est le plus vendu et le plus apprécié par le consommateur.
DIFFICULTES
Les principales difficultés rencontrées dans la commercialisation du maïs sont les suivantes :
- Le non-respect des contrats de vente/achat par les acteurs, des problèmes liés au respect des normes de qualité et la non-uniformisation des unités de mesures (kilogramme, boîte de tomate et plat yoruba) qui sont des formes variées et de poids relatifs ;
- L’insuffisance d’infrastructures de stockage ne permet pas de garder la production pour profiter des périodes de l’année où le prix du maïs est favorable et ainsi éviter le bradage des récoltes ;
- Le prix de vente du maïs aux commerçants est généralement dicté par ces derniers au détriment des intérêts des producteurs ;
- Les magasins de stockage existants mais ne répondent pas tous aux normes sanitaire et sécuritaire ;
- La volatilité et la fluctuation des prix n’est pas négligeable dans la filière maïs et génère un important risque lors des choix d’investissement dans la production et dans le stockage
- L’achat du maïs à l’aide de la boite (Tomate) et revente à l’aide du plat yorouba induit parfois des pertes ou une mauvaise estimation de la marge bénéficiaire ;
- L’absence de traitement des grains de maïs (photo 3) d’où l’obligation de débarrasser les grains des impuretés avant de procéder à la vente ce qui augmente les charges financières ;
- Le manque d’anticipation sur les potentiels de hausse ou de baisse des prix ;
- La commercialisation est non maîtrisée et les consommateurs sont pénalisés ;
- Le milieu du commerce des céréales reste traditionnel et imprégné d’analphabétisme.
- Le mauvais état des routes et l’inaccessibilité de certaines zones du pays pour l’achat du maïs ;
- La faible organisation des commerçants.
SOLUTIONS
Des solutions sont suggérées dans l’objectif d’améliorer la commercialisation du maïs au détail. Il s’agit notamment de :
- Construire des magasins pour la conservation et stockage du maïs ;
- Sensibiliser les commerçants à l’utilisation de la pesée dans la commercialisation de maïs; L’utilisation de la pesée dans la commercialisation du maïs ne pourra se faire que si les commerçants sont organisés en groupement à travers lesquels la sensibilisation les commerçants sur l’utilisation de la pesée comme moyens de quantification du maïs ;
- Favoriser un stockage groupé au niveau des organisations de producteurs ;
- Renforcer les capacités des acteurs de la filière maïs sur le warrantage,
- Faire recours au système informatique sur les marchés qui diffusent les prix des céréales sur les marchés locaux et le remplacement des plats et des boîtes par la balance comme unité de mesure du volume de maïs (vente au kilogramme) ;
- Vérifier le poids des sacs et la contenance lors des achats ;
- suivre régulièrement l’évolution des prix pratiqués sur les marchés du pays ;
- pratiquer le réseautage ou la contractualisation entre les acteurs de la chaîne de valeur maïs permet d’obtenir un gain au niveau de chaque maillon.
- Faire du plaidoyer et du lobbying, afin que les orientations du Burkina en matière de commercialisation et de transformation de céréales soient les plus consensuelles et les plus adaptées possibles ;
- Utiliser la balance ou l’adoption du kilogramme comme unité de mesure du volume de maïs lors de la vente permet de réduire la braderie du prix de maïs auprès des vendeurs ;
- L’usage du kilogramme comme unité de mesure comporte des avantages. En effet, le kilo est une unité de mesure standard universellement reconnu et comparable dans le temps et dans l’espace, il permet de :
- Faciliter les transactions entre vendeurs et acheteurs ;
- Eviter les réclamations ou les mésententes ;
Cependant, pour utiliser le kilogramme, il faut respecter un certain nombre de règles qui consiste à niveau la balance ou la bascule c’est-à-dire placer sur un terrain plat et horizontal. Il faut vérifier si la balance fonctionne bien et qu’elle soit à zéro avant de faire la pesée. Pour le cas spécifique de la balance ou de la bascule, vérifier que l’aiguille marche. Il existe plusieurs types de balances : automatique, semi-automatique ou manuelle ou la bascule électronique.
PROPOS RECUEILLIS
Des propos ont été recueillis auprès de quelques commerçants au grand marché de Koudougou. Selon Boureima yaméogo, commerçant détaillant de maïs, il déclare : « Hey le Faso ! Quand est ce que on va être émergent avec des unités de mesure en boîtes de tomate, en plat yorouba…..etc. Partout dans le monde les céréales se vendent au Kilogramme sauf chez nous. Lorsque l’on parle de Burkina émergent, on doit utiliser les unités de mesure internationale comme dans les autres pays pour engranger des bénéfices. Nous sommes au XXIème siècle et il faut se conformer aux réalités du temps présent ».
Un autre commerçant, Hamidou Zongo, souligne que « le milieu du commerce des céréales est assez complexe. Plusieurs structures tentent d’amener les détaillants et les grossistes à l’utilisation d’unités conventionnelles telle que le Kilogramme, mais ce n’est pas chose simple du moment où les commerçants prétendent gagner mieux avec les unités de mesures locales. Dans certaines localités (Ouest du Burkina) par exemple, l’utilisation de la bascule au niveau des grossistes a pris du terrain et chaque sac est pesé avant la vente. C’est au niveau détaillant que ça devient assez difficile. Si nous parvenons à ce que le gouvernement impose le kilogramme aux détaillants et exige une qualité des produits, les producteurs obtiendront une bonne marge bénéficiaire ».
CONCLUSION
Au terme de cette analyse, on retiendra qu’au Burkina Faso en général, et en particulier la région du Centre-Ouest, les Unités de Mesure Locale du maïs grain ou en farine, sont variables en volume, en prix et en forme d’une région à l’autre. C’est un secteur où les acteurs qui sont au départ de la chaîne de valeur ont des marges bénéficiaires très faibles. Des grains de maïs débarrassés des impuretés et l’usage du kilogramme lors de la vente au détail, permettent aux acteurs de la filière d’obtenir un produit de qualité et rentable.
REFERENCES
Afrique Verte, « Commercialisation des céréales au Sahel : Facteurs influant sur les prix, dans un système de commerce libéralisé, », www.afriqueverte.org, consulté le 16/O9/2018
Afrique Verte/Niger, 2004, « Information sur les marchés à céréales, livret d’information sur les UML (Unités de Mesures Locales) », www.afriqueverte.org, consulté le 16/O9/2018
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