Ceci est une tribune de Mamadou Diallo sur la pensée de Cheikh Anta Diop pour sortir de la crise que travers le Burkina Faso.
Ma réponse à mes deux frères !
En lien avec ma tribune relative au centenaire de la naissance de Cheikh Anta DIOP publiée dans le La Faso.net https://lefaso.net/spip.php?article126683 , deux commentaires particulièrement stimulants de diopist007et de Kwiliga ont retenu mon attention et m’ont inspiré cette nouvelle tribune.
J’ai retenu les points de commentaires qui permettent de prolonger la réflexion et la recherche de solutions de sortie de la grave crise sécuritaire qui met en péril l’existence du Pays. Ils sont en lien avec d’une part, l’approche de Dialogue préconisée à travers une Pétition en ligne (https://chng.it/HSJPt58jrS) et d’autre part, l’acceptation ‘‘scientifique’’ des travaux de Cheikh DIOP.
En ce qui concerne l’approche de Dialogue préconisée.
Mon frère Diopist007 à raison d’indiquer : « Nous devrions (aussi) reconnaître que nos pauvres villageois jihadistes n’ont pas cette capacité d’aspiration à une puissance dominatrice sur un territoire. Ils ne sont donc pas les initiateurs de ce jihad. Quel sens cela fait de négocier avec des subalternes ? ».
L’axe d’effort de la stratégie politique et militaire que je propose c’est précisément de faire en sorte que les « pauvres villageois djihadistes » comme dit mon frère Diopist007, et qui forment le gros des troupes des Groupes armés djihadistes, se désolidarisent des leaders salafistes djihadistes et ce faisant, facilite leur éradication. Cela est possible non par un discours théologique anti-salafiste, des exhortations à déposer les armes et la seule action militaire, mais par une offre de dialogue crédible et sincère sur les problématiques qui ont fait que des villageois, en l’occurrence de culture pastorale, soient entrainés aussi massivement et de manière aussi déterminée, dans une insurrection djihadiste (remise en cause d’un ordre social, d’un Etat). Nous serons sans doute tous d’accord que ces villageois dans leur immense majorité, ne sont pas des idéologues et des salafistes indécrottables.
A cet égard, il faut considérer les propos de mon frère Kwiliga qui indique « … je suis partiellement d’accord, dans la nébuleuse des gens qui nous attaquent, nous endeuillent, il y a de grandes différences selon les groupes, les régions,… il y a donc indéniablement une partie de ces individus, avec lesquels une négociation semble envisageable et, tout aussi indéniablement, des affidés des grands groupes terroristes internationaux, avec lesquels aucune discussion n’est envisageable ».
Nous sommes donc d’accord qu’il est possible de gagner à la paix des combattants djihadistes et non des leaders djihadistes : moi je postule qu’il est possible de gagner à la paix, une très large majorité des combattants, principalement de la communauté pastorale.
C’est le sens de mon plaidoyer pour une stratégie politique et militaire plus adaptée de lutte contre l’insurrection djihadiste qui est esquissée dans mon appel pour une mobilisation populaire pacifique pour gagner la Paix et engager la Refondation.
L’appel explicite ainsi, les acteurs, thématiques, et modalités d’un Dialogue qui permettra in fine de définir le profil de la Refondation et d’engager sa mise en œuvre dans le feu même de la lutte contre le djihadisme. C’est en cela que le Cessez-Le-Feu est un élément de stratégie politique et militaire qui devra nous permettre de prendre l’ascendant sur les leaders djihadistes salafistes et leurs idéologues. Ce point important de stratégie est aussi explicité dans l’appel.
Dans cette approche, les sociétés villageoises contemporaines occupent une place centrale.
Elles constituent en effet, la donne immensément majoritaire de notre vie culturelle, institutionnelle, économique et sociale sans laquelle rien n’est possible.
C’est en cela que la pensée de Cheikh Anta DIOP nous est d’une aide plus que précieuse !
En effet, sa pensée est tout entière tournée, selon plusieurs modalités scientifiques, vers l’impératif de nous redonner confiance sur des bases culturelles et scientifiques solides dans le génie politique nègre qui a bâti la civilisation pharaonique ; c’est cela qui m’a permis de m’orienter dans la recherche de solutions non pas principalement vers les modalités de l’Etat-Nation post-colonial qui montrent leurs limites, mais vers nos sociétés villageoises contemporaines qui vivent encore la plénitude de la culture nègre dont le substrat est précisément la civilisation de l’Egypte pharaonique . Nous avons bien souvent sous-estimé, voire méprisé, sinon passé à pertes et profits dans notre imaginaire politique nos sociétés villageoises.
C’est pourquoi, j’aime à rappeler sans cesse à notre conscience, leur plus grande réalisation civilisationnelle à notre époque à savoir : le façonnage de nos sociétés villageoises actuelles dont l’originalité politique, institutionnelle et spirituelle peut être ainsi résumée : nos sociétés villageoises contemporaines sont multinationales et non sécularisées : ethnies, lignages, clans, tribus, croyances et religions y co-existent et organisent leur vivre-ensemble sur la base de leurs propres règles et institutions, à l’écart du système politique et institutionnel officiels ; on y naît, on y vit, on y quitte le monde de manière endogène pour tout dire, en dépit des emprunts et d’un certain syncrétisme religieux. Les conflits n’y manquent pas et avec souvent aussi leurs morts d’hommes ; mais aussi on peut noter des modalités pour leur gestion et règlement.
Ce sont là sans aucun doute, les prémices puissantes et crédibles d’un Etat Multinational Délibératif et Participatif qui nous permettrait de dépasser l’Etat-Nation postcolonial dont l’échec à porter notre vivre-ensemble de manière crédible et viable est à présent sans équivoque.
C’est précisément le génie et l’ingénierie politique de cette aptitude à la multiculturalité qui est l’antidote politique et idéologique au salafisme djihadiste et au salafisme occidental (la mission civilisatrice) que nos sociétés villageoises rejettent tout autant, par leurs propres modalités du Politique et de la politique. C’est pourquoi l’offre de Dialogue aux combattants djihadistes pour être crédible et sincère, doit être bâtie sur de tels fondements historiques, anthropologique et politiques.
En ce qui concerne l’acceptation ‘‘scientifique’’ des travaux de Cheikh Anta DIOP.
Cette interrogation est encore vivace au sein de notre élite intellectuelle en dépit d’une certaine fierté ressentie en général à l’égard de Cheikh Anta DIOP, pour son audace (comme dit Aimé Césaire), son assurance, son érudition, son courage, sa simplicité, sa sincérité.
Il faut regretter que beaucoup d’intellectuels africains des plus imminents n’aient pas pris le temps de lire Cheikh Anta DIOP ; et d’avoir ainsi, une connaissance directe de sa pensée et de construire au besoin, leur propre réflexion critique de son œuvre, pour ne pas avoir, comme il sied à tout intellectuel honnête, à se contenter des réflexions de ses contempteurs. J’avais pour ma part, dans une tribune en février 2021, à l’occasion du 35ème anniversaire de sa disparition, esquissé un essai de futurologie d’une Afrique nourrie de la pensée de Cheikh Anta DIOP. Elle peut être trouvée à travers le lien https://lefaso.net/spip.php?article102778.
Comment contribuer à lever cette interrogation ? Cheikh Anta DIOP avait lui-même de son vivant fait face de manière récurrente à cette interrogation. On peut trouver dans son ouvrage « Antériorité des civilisations nègres. Mythe ou vérité historique ? » : au Chapitre XI en page 229 de l’Edition à Présence Africaine, « Réponses à quelques critiques ». On peut aussi écouter grâce aux moteurs de recherche internet ses conférences et interventions diverses, notamment celles lors de son séjour à Niamey en 1984 ; je propose un très court extrait AUDIO d’environ 5mn30 à travers le lien Cheikh Anta Diop conférence à Niamey.
Bien naturellement divers intellectuels africains, tous éminents dans leurs domaines, ont écrit des ouvrages traitant de la pensée, de l’action scientifique et politique de Cheikh Anta DIOP : Théophile OBENGA, Pathé DIAGNE, Doué GNONSEA, Boubacar Boris DIOP, Cheikh M’Backé DIOP (fils ainé de Cheikh Anta), etc.
Enfin, on peut rappeler que plusieurs colloques scientifiques internationaux, y compris de son vivant, se sont penchés sur les travaux de Cheikh Anta DIOP et spécifiquement sur la question relative au caractère Nègre de la civilisation de l’Egypte pharaonique. Il suffit de retenir le colloque du Caire (1974), la Commémoration mondiale du Xe anniversaire de la mort de Cheikh Anta DIOP (26 février au 2 mars 1996), le colloque de Barcelone « L’Egypte antique une civilisation africaine » mars 1996, le colloque de Toulouse « Egypt at its Origins 2 (2005) », le colloque de Manchester « Egypt in African context » ; octobre 2009.
J’ajouterai avec une fierté légitime, l’Ouvrage de notre compatriote Yoporéka Somet, Egyptologue et philosophe qui enseigne actuellement à l’Université Dédan Kimathi du Kenya : « L’Egypte ancienne un système africain du monde » aux éditions Teham, dont je recommande vivement la lecture.
Et spécifiquement sur Jean Yoyote, éminent égyptologique qui traita Cheikh Anta DIOP « d’imposteur », je recommande l’article d’un tout aussi éminent égyptologue Alain Enselin « L’ADIEU AUX HIEROGLYPHES DE JEAN YOYOTTE (1927-2009) » http://www.afrocentricite.com/2009/07/l%E2%80%99adieu-aux-hieroglyphes-de-jean-yoyotte-1927-2009/.
Bien naturellement, malgré tout cela, il y en a qui préfèrent – on ne sait trop pourquoi, rester au chaud et paresser sous la tutelle intellectuelle de l’élite dominante de la « mission civilisatrice de l’Occident », en se contentant des arguties ‘‘scientifiques’’ des contempteurs de Cheikh Anta DIOP.
Bon courage à nous !
DIALLO Mamadou.
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