Le remaniement, ou plutôt le réaménagement ministériel intervenu au Burkina ce 30 juin n’est en réalité qu’un simple jeu de chaises musicales. Mais pour la première fois, ce jeu de chaises musicales qui répond à des impératifs sécuritaires est d’une importance capitale, car le chef de l’Etat est visiblement sorti de son mutisme. Un silence incompréhensible de son peuple meurtri par les attaques terroristes au quotidien, notamment celle de Solhan, qui a fait, dans la nuit du 4 au 5 juin, plus de 130 civils tués et des milliers de déplacés. Et c’est alors que les Burkinabè pleuraient les morts de Solhan, qu’au moins 11 policiers trouvaient la mort, ayant été pris pour cible par les fameux hommes armés non identifiés, entre la commune de Barsalogo et la localité de Foubé, dans la région du Centre-Nord burkinabè. Roch Marc Christian a rompu le silence sous la forte pression de ses concitoyens qui manifestent leur colère, mais surtout leur désespoir, ne sachant plus à quel saint protecteur se vouer. De même, l’opposition qui a quitté la table du dialogue politique en cours initié par le chef de l’Etat, a demandé la démission du Premier ministre et de son ministre en charge de la Défense.
S’ils n’ont pas eu la tête du chef de gouvernement, Christophe Marie Dabiré, les opposants qui ont prévu, les 3 et 4 juillet une marche-meeting pour, «protester contre la dégradation de la situation sécuritaire et exiger des mesures fortes pour une meilleure protection des Burkinabè, pour rendre hommage aux victimes des attaques terroristes» et pour manifester leur soutien aux forces de défense et leur solidarité aux personnes déplacées internes», ont obtenu celle du ministre en charge de la Défense, Chériff Sy. Le président leur a même offert, en bonus, le scalp du ministre de la Sécurité, Ousséni Compaoré. Pour convaincre encore les derniers Saint Thomas qui attendent de voir pour croire, le «général Roch», récupère le maroquin de la défense, qui a été sa propriété jusqu’en janvier 2016, avant qu’il ne le cède à un de ses proches, Jean Claude Bouda, qui avait promis terroriser les terroristes. Celui-ci quittera le gouvernement sans avoir pu inquiéter les hommes sans foi ni loi, à qui il faut plus que des mots pour les ébranler.
Finalement, ce poste hautement stratégique a atterri dans l’escarcelle de l’ancien haut représentant du chef de l’Etat. Mais Chériff Sy lui aussi, fait aujourd’hui les frais de la recrudescence des attaques terroristes qui n’ont jamais fait au Burkina, autant de morts et d’exilés dans leur propre pays. Le shérif dépose donc son étoile, ses colts n’ayant pas pu tirer les balles fatales aux terroristes. Il en est de même pour le ministre Ousséni Compaoré qui n’a pas su opérer la mise à jour de son logiciel d’ancien patron de la gendarmerie sous le président burkinabè, feu Thomas Sankara, pour l’adapter aux nouvelles réalités sécuritaires d’un Burkina Faso pris sous les feux nourris de terroristes et autres bandits de grands chemins. Le ministre de la Sécurité retournera peut-être dans les couloirs onusiens d’où l’avait sorti Roch Marc Christian Kaboré, alors à la recherche du sécurocrate rare qui allait veiller sur la nuit des Burkinabè. Maintenant, plus que la nuit, c’est la vie des Burkinabè qui est constamment menacée, en ville comme en campagne.
Tout le mal qu’on peut souhaiter à l’ancien ministre délégué en charge de l’Intégration africaine et des Burkinabè de l’extérieur, c’est d’être en mesure de relever ce défi de ramener la quiétude dont ont besoin les Burkinabè pour vaquer à leurs occupations quotidiennes. Un ministre de la Sécurité prévenu en vaut deux et Maxime Koné en est certainement conscient. Mais sait-il qu’à cause de l’insécurité, les chefs de famille doivent désormais multiplier par deux, le «nassongo», c’est-à-dire l’argent de la popote? A cause de l’insécurité qui a fait des milliers de déplacés, qui ont abandonné leurs champs et délestés de leurs bétails, les vendeuses des marchés ne sont plus ravitaillées normalement en denrées alimentaires et autres. «Tout est cher», se justifient les bonnes dames. Les répercussions des attaques terroristes et du banditisme sur la vie des populations sont multiples et insoupçonnables. Elles arrivent jusque dans nos plats!
C’est bien d’opérer un réajustement ministériel, surtout que cela pourrait couper l’herbe sous les pieds de l’opposition qui campe sur sa position d’organiser des manifestations pacifiques à travers le pays. C’est surtout un mérite pour Roch Marc Christian Kaboré, qui lors de sa dernière adresse à la nation, a promis des décisions fortes. Mais le changement des hommes serait sans doute plus efficace, s’il s’accompagnait de la mise en place de stratégies véritables et l’équipement conséquent en armements des Forces de défense et de sécurité, dans la lutte contre le terrorisme.
En tout cas, avec l’entrée dans l’exécutif, du ministre délégué à la Défense, le colonel major Aimé Barthélémy Simporé, l’armée marque son retour au gouvernement, après en avoir été écartée depuis un peu plus de cinq ans. Au grand dam des anti-kaki qui pensaient avoir renvoyé pour de bon, les militaires dans la casernes.
Par Wakat Séra