Ceci est la formule de l’ancien ministre de la Cuture, des Arts et du Tourisme du Burkina Faso et Président du Parti pour la Renaissance nationale (PAREN), Abdoul Karim Sango, pour « Sortir durablement de la dépendance alimentaire! »
Comment sortir d’une actualité anxiogène comme les attaques terroristes pour parler d’autres sujets ? C’est à cet exercice que je voudrais me prêter. 2020, crise Covid ! 2022, crise en Ukraine ! Deux crises successives pour ouvrir les yeux des Africains. Hélas, nous n’avons toujours pas compris. Ces deux crises ont un dénominateur commun. Elles révèlent la très forte fragilité des économies africaines. Elles nous montrent notre trop forte dépendance alimentaire vis à vis de la production agricole en provenance de l’étranger. Or, tous les indicateurs démontrent que l’Afrique peut, bel et bien s’en sortir, si elle organise mieux son agriculture. Nous disposons des plus grandes superficies de terres arables. Selon la FAO, le continent africain compte près de 600 millions d’hectares de terres non cultivées, soit 60% du total mondial.
Toute crise constitue une opportunité ! Il convient pour les Africains de se servir de ces temps difficiles, et qui, de toutes évidences, le seront davantage, pour réduire notre dépendance alimentaire. Au lieu de cela, nous persistons dans les modèles surannés, parmi lesquels le recours à la subvention pour faire face à la vie chère. Le gouvernement de la transition, a, dans l’urgence, décidé de subventionner le riz, l’huile etc.
Je peux comprendre les motivations conjoncturelles de telles mesures. Pour le pain, je cherche toujours à comprendre les vraies raisons de la subvention allouée à ce produit. Ce sont, officiellement, 14 milliards qui ont été mobilisés pour faire face à cette cherté de la vie. Encore faut-il s’assurer que ces mesures profitent véritablement aux populations les plus démunies !
En 2020, le Burkina Faso a importé 510 900 tonnes de riz pour un montant de 69,25 milliards. Or, selon un rapport de la FAO (consultable sur google), « Le Burkina Faso dispose d’un potentiel de plus de 800 000 ha pouvant servir à la culture du riz (environ 500 000 ha de bas-fonds et plus de 233 500 ha irrigables). Malgré cet important potentiel, le pays n’en exploite actuellement qu’une faible partie (moins de 10 pour cent des bas-fonds sont aujourd’hui valorisés et moins de 5 pour cent des superficies irrigables sont mises en valeur ; PNSR II, 2017). Selon les statistiques officielles du ministère de l’Agriculture, en 2019, la culture du riz dans les plaines et les bas-fonds a concerné 57 874 ha (MAAH/DGESS/EPA, 2019). Le riz, produit sur l’ensemble du territoire national, représente 8 pour cent de la production totale de céréales, avec 5 pour cent des superficies totales cultivées (UNPRB et VECO-WA, 2014) ».
Si l’on s’en tient au rapport précité, le Burkina Faso a bel et bien la capacité de s’auto suffire au plan de la production rizicole. Selon le même rapport « le riz produit localement peut avoir une valeur nutritionnelle bien supérieure à celle du riz blanc importé, en termes de fibres, de vitamines, de minéraux et d’anti oxydants […] ».
Que reste -il donc à faire ?
Au lieu de subventionner l’achat du riz importé dont tous les spécialistes s’accordent à dire qu’il est de mauvaise qualité, une des mesures efficaces serait d’accroitre nos capacités de production en subventionnant plutôt les systèmes de production agricole. Quand nous étions étudiants (année 1995), le fondateur du Parti de la renaissance nationale (Paren), le Prof Bado Laurent aimait dire qu’il est possible de tout produire au Burkina Faso. Depuis que j’ai découvert une plantation de cacao chez mes esclaves les gourounsi, j’ai cru en cette théorie. Au Burkina Faso, nous avons donc la capacité de produire suffisamment de riz de qualité pour nourrir et exporter vers d’autres pays africains.
Pourquoi continuer de sous exploiter tous les aménagements hydro agricoles acquis à coup de centaines de milliards sous forme de dette ? Je pense à Bagré, Sourou, Samandeni, pour ne citer que les plus célèbres.
Que peut être la plus-value d’une subvention de dizaine de milliards sur la production agricole dans notre pays ? Depuis les indépendances, nous nous entêtons à subventionner le coton dont la culture appauvrit nos terres. La culture du coton nous a été imposée par le colonisateur pour ses intérêts à lui.
Pourquoi nos ingénieurs et économistes agricoles ne prennent-ils pas la parole pour dire de stopper ce modèle d’économie agricole qui compromet l’avenir de nos enfants. Dans son ouvrage L’Afrique noire est mal partie (1962), René Dumont, au lendemain des indépendances, avait mis en garde les gouvernants africains contre la préférence accordée aux cultures de rente au détriment des cultures vivrières.
Ces derniers temps, chaque fois que je suis passé au village, les paysans n’ont qu’une seule préoccupation, avoir de l’engrais. Et sur ce sujet, toutes les informations confirment que le Burkina Faso a une capacité de production nationale dans ce domaine. Quand j’étais au gouvernement, j’avais entendu parler d’un tel projet qui devait voir le jour vers la province de la Tapoa. Notre sous-sol contiendrait du phosphate, un composant essentiel dans la fabrication de l’engrais. Là aussi, nous dépendons de l’engrais en provenance de l’étranger. Avec la crise ukrainienne, impossible d’avoir de l’engrais sur le marché. Les perspectives agricoles pour cette année ne devraient pas être bonnes.
Des efforts de mécanisation de l’agriculture ont eu lieu ces dernières années. Le président Kaboré avait lancé l’idée de 500 tracteurs. Il est temps de mettre en place un programme beaucoup plus ambitieux “ un village, un tracteur », ce qui donnerait 8000 tracteurs. Je me réjouis de voir de plus en plus des tracteurs agricoles dans les villages. Depuis, de nombreuses années, le Paren, par son fondateur, Laurent Bado, dit que si » la pluie ne vient pas à nous, allons vers la pluie ». Pour cela, on pourrait monter le projet » un village, un barrage ». Il est de plus en plus démontré que le Burkina souffre moins du manque de pluie que de son incapacité à gérer et conserver les ressources en eau.
En se fixant le cap de 10 ans, il est techniquement possible d’assurer la sécurité alimentaire, créant du même coup de nombreux emplois pour nos enfants que nos politiques publiques menées jusque-là condamnent fatalement au chômage et à l’immigration clandestine.
Le professeur Joseph Ki Zerbo s’interrogeait « A quand l’Afrique ? » Je me permets à mon tour de m’interroger « A quand le Burkina Faso ? «