La Transition a achevé sa mise en place, sans trop de difficulté, L’armée y a joué un rôle moteur. Le premier ministre, Me Kyelem Apollinaire de Tambela affiche son influence sankariste. Le duo qu’il forme avec le Président de la Transition, le capitaine Ibrahim Traoré, pourra-t-il relever le Burkina qui n’a cessé de s’enfoncer depuis quelques années ?
Table des matières
Des assises nationales bien encadrées consensuelles
Comparaison des mises en place des Transitions, en 2014, janvier et novembre 2022.
Ibrahim Traoré nouveau Sankara ?
La surprise de la nomination d’un des meilleurs connaisseurs de la Révolution au poste de premier ministre.
Priorité à la sécurisation du territoire.
Recrutement de 50000 Volontaires pour la défense de la Patrie
Des partenariats basés sur les intérêts du Burkina
Qu’en est-il des questions militaires et des rapports entre l’armée française et l’armée burkinabè ? (suite).
Un espoir ?
En finir avec le mythe du retour de Sankara
Le dernier coup d’État avait de nouveau plongé le pays, la capitale surtout, dans une situation particulièrement inquiétante. Deux clans de l’armée étaient au bord de l’affrontement. Finalement, la mobilisation importante de la population de la capitale dans les rues, et autour des lieux où ces deux clans se faisaient face, notamment autour la base aérienne, a sans doute été déterminante pour éviter le pire. Une mobilisation, qui tient certes au rejet du lieutenant-colonel Paul Henri Damiba, dirigeant du pays depuis le dernier coup d’État de janvier 2022, mais aussi à la diffusion de fausses nouvelles selon lesquelles, il était protégé par les troupes françaises.
Après la fuite de Paul Henri Damiba, en hélicoptère, la popularité du capitaine Ibrahim, porté en triomphe à la sortie de sa dernière intervention télévisée est au plus haut.
Des assises nationales bien encadrées consensuelles
Très peu d’information ont filtré, avant la tenue des assises nationales convoquées pour les 14 et 15 octobre 2022. Le projet de charte n’avait pas été rendu public et distribué seulement la veille vers 16h aux participants qui avaient pu être touchés. La presse n’a pas vraiment rendu compte des travaux et des débats qui s’y sont déroulés.
Sur une liste des participants qui nous est parvenue, on note une forte présence des FDS (Forces de défense et de sécurité), près d’un tiers, répartis entre les représentants du MPSR2 (Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration 2ème formule) et de différents corps, gendarmerie, polices nationale et municipale, douanes, sécurité pénitentiaire, eaux et forêts. La liste fait état de 100 représentants du MPSR2. Selon un organisateur, une bonne moitié, les civils, est constituée des représentants de ceux qu’on appelle ici « panafricanistes », s’illustrant surtout par leur sorties antifrançaises demandant une alliance avec la Russie. C’est par erreur qu’ils ont été regroupés, dans la liste, avec le MPSR2, m’a-t-il confié.
Les représentants des OSC (organisations de la société civile) devaient être représentés par ce qu’on appelle les faitières (les regroupements d’OSC). Plusieurs se réclament désormais du panafricanisme. De création toute récente, certaines n’ont pas d’existence légale. Par contre, le Conseil national des OSC, très ancienne organisation faitière et reconnue comme interlocuteur représentatif des différents pouvoirs ne comptait que deux représentants.
Parmi les organisations institutionnalisées et anciennes, le CGD (Centre pour la gouvernance démocratique) était représenté mais pas le REN LAC (Réseau national de lutte contre la corruption), ni le Balai citoyen. Le centre de presse Norbert Zongo avait été invité mais n’avait pas envoyé de délégué. Enfin les partis politiques comptaient 30 représentants. A noter aussi la présence de déplacés internes présentés dans la liste sous la rubrique Secrétariat général du Ministère de la solidarité nationale et de l’action humanitaire.
Plusieurs personnalités connues de la société civile, non invitées, n’ont pas jugé utile de s’investir dans une assemblée dont les décisions étaient connues d’avance, la qualifiant parfois de mascarade.
La Charte de la Transition avait été mise en ligne pour permettre des contributions sur internet qui se comptaient à plus d’une dizaine de milliers selon ce que m’a affirmé un membre de l’organisation.
Lors de la séance d’ouverture, la discussion a porté sur la méthodologie puis la parole a été donnée à la salle pour les premiers commentaires sur la Charte de la Transition. Ensuite les articles ont été discutés un par un. Le débat a surtout porté sur la composition de l’Assemblée de la Transition, le nombre de ministres et les critères qui devaient présider à leur choix.
Après 17h, le débat a porté sur les objectifs à donner à la Transition. Les assises se sont terminées par la signature de la Charte de la Transition qui consacrait Ibrahim Traoré, Président du MPSR2 comme « Président de la Transition, Chef de l’État, Chef suprême des Forces armées nationales ».
Pour un autre leader ancien de la société civile, les assises se sont bien déroulées. Selon lui il n’y avait pas vraiment d’enjeu dans la mesure où le projet de charte stipulait que le président de la Transition était celui du MPSR. Une foule nombreuse se pressait d’ailleurs aux abords de la salle des congrès où se tenait les assises dont la seule préoccupation semblait être que le capitaine Ibrahim Traoré soit effectivement désigné comme Président.
Parmi les décisions de ces dernières assises, on notera surtout la durée de la Transition fixée à 21 mois, le nombre de ministres qui ne doit pas dépasser 25, l’impossibilité pour les Président, Premier ministre et Président de l’Assemblée législative de la Transition de se présenter aux élections futures. Enfin « La fonction de membre de l’Assemblée législative est gratuite » mais les « membres reçoivent une indemnité de session » stipule l’article 13, ce qui constitue un important changement par rapport à la Transition précédente. L’augmentation des salaires des ministres décidée par le MPSR1 salaire avait entraînée à l’époque une vague de mécontentement. Le futur gouvernement va l’annuler.
Comparaison des mises en place des Transitions, en 2014, janvier et novembre 2022.
Les différences essentielles entre ce qui s’est passé en 2014 et en 2022, tiennent au rapport des forces en présence. En 2014, les organisations de la société civile avaient pris l’initiative de solliciter l’armée, le lendemain de l’exfiltration de Blaise Compaoré par l’armée française, sous l’impulsion du Balai citoyen. Celui-ci considérant que son rôle s’arrêtait à ce stade, d’autres membres de la société civile ont pris l’initiative des consultations en vue de la mise en place de la Transition même si petit à petit l’armée a pris de plus en plus de poids. En grande partie du fait de divergences entre les civils, partis et OSC.
A l’époque, plusieurs leaders de la société civile étaient plus ou moins reconnus et identifiés, s’étaient fait connaitre en luttant contre le régime de Blaise Compaoré. Les premières décisions importantes ont été prises en assemblée générale d’où a émergé le projet de rédiger un projet de Charte de la Transition, mais aussi de mettre en place une coordination des OSC qui va mener les négociations, d’abord avec les partis politiques, puis les autorités religieuses. Le travail est mené par deux représentants de chacun de ces groupes. Puis la négociation a été engagée avec des représentants de l’armée qui de leur côté avait lancé aussi un projet de Charte rédigé à l’aide de quelques civils juristes et constitutionnalistes. Les négociations finales furent longues et fastidieuses, des concessions ont été faites par chacune des parties.
En 2022, les militaires sont à l’initiative. Les deux chartes de la Transition ne sont plus élaborées par des groupes censés représentés les forces vives de la nation, mais par des personnes choisies par les putschistes, que l’on ne connait pas avec précision. Ces projets de Charte ne sont pas négociés entre des représentant des entités des forces vives mais discutés en plénière durant des assises nationales, où le projet est certes discuté peu contesté dans sa globalité. Et les personnes présentes lors des assises nationales n’ont guère eu le temps de se réunir par entité et d’y réfléchir. La composition de l’assemblée législative de la Transition porte la marque de la prépondérance des militaires.
Vous trouverez ci-dessous un tableau comparatif de la composition du Conseil national de la Transition de 2014 et des 2 assemblées législatives de la Transition de 2022.
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