Le Collectif des journalistes, activistes et leaders d’opinion victimes de menaces au Burkina, dans un communiqué en lien avec la convocation et de l’audition de son membre Lookmann Sawadogo, dénonce « les poursuites politiques sous le couvert de procédure judiciaire ».
COMMUNIQUÉ SUR LA CONVOCATION ET L’AUDITION DE M. LOOKMANN SAWADOGO
Dans la matinée du mercredi 17 Mai 2023, l’un des membres fondateurs du Collectif des journalistes, activistes et leaders d’opinion victimes de menaces au Burkina a été convoqué par la police nationale à travers la direction des investigations criminelles (DIC). Il a été auditionné puis relâché le même jour et son domicile fut perquisitionné par la police aux environs de 23 heures, comme s’il s’agissait d’un vulgaire criminel.
Le Collectif voudrait exprimer sa plus grande stupéfaction face à la mise en cause de son membre M. Lookmann Sawadogo dans l’affaire des audio haineux appelant à incendier le palais du Mogho Naba. D’autres leaders des organisations de la société civile sont placés en garde à vue depuis plusieurs jours dans le cadre de cette même affaire, sans être présentés jusqu’à présent à un juge.
Nous tenons encore une fois de plus à rappeler notre exigence fondamentale qui demeure le respect des principes de l’Etat de droit et une meilleure administration de la justice. En ce sens, nous dénonçons toute velléité d’instrumentalisation de la justice aux fins d’intimidation, de persécution, de stigmatisation et de répression pour tenter de museler toutes les voix discordantes dans notre pays.
Dans un passé récent, le collectif notifiait l’existence d’une liste noire composée des noms de journalistes, d’activistes et de leaders d’opinion taxés à tort par le régime en place d’ennemis de la transition sur lesquels pesaient des menaces diverses et la volonté de les réduire au silence par tous les moyens. C’est le lieu pour nous d’interpeller les autorités de la transition et le président Ibrahim Traoré à ne pas se tromper d’adversaire, ni de combat, encore moins de priorité et d’objectif. La transition est venue pour rétablir la sécurité sur le territoire national, apporter une réponse urgente, efficace et efficiente à la crise humanitaire, œuvrer à la réconciliation nationale, à la cohésion sociale et assurer l’organisation d’élections libres, transparentes, équitables et inclusives. Ce sont là les missions essentielles de la transition inscrites dans la charte.
L’absence de résultats sur le terrain sécuritaire après quasiment 8 mois de gouvernance du MPSR2 ne doit pas conduire à la répression des leaders d’opinion dans l’exercice de leur droit constitutionnel d’opiner librement sur les questions politiques de notre pays, surtout quand la situation nationale est des plus incertaines au regard des statistiques sur le plan humanitaire et militaire malgré l’engagement et les lourds sacrifices combien salutaires consentis par les forces de défense et de sécurité et les Volontaires pour la défense de la patrie. En tout état de cause, la procédure engagée contre M. Lookmann Sawadogo nous paraît des plus rocambolesques. Il ne s’agit ni plus ni moins que d’une traque politique. Elle est manifestement une conséquence de ses prises de positions affichées contre certains choix des autorités de la transition. S’il est inquiété aujourd’hui, nul doute que c’est à cause de sa tribune du 15 mai sur sa page Facebook intitulée « DE LA FIN TRANSITION » dans laquelle il s’oppose ouvertement à la modification de la Charte de la transition et la prolongation de la durée de la transition et dans laquelle il a dénoncé l’attitude du pouvoir miliaire qui montre des velléités de ne pas organiser les élections afin de pouvoir rester à la tête du pays. S’il y’a un crime que M. Sawadogo aurait commis et que les autorités voudraient punir, c’est bien son opinion libre, décomplexée et citoyenne.
Le Collectif qui suit de très près cette procédure est solidaire de son membre et l’encourage dans sa conviction et son engagement citoyen pour un Burkina plus juste et plus équitable ; un Burkina en paix et réconcilié avec lui-même. En conséquence nous :
– dénonçons les poursuites politiques sous le couvert de procédure judiciaire ;
– réaffirmons notre position, à savoir qu’il faut respecter les termes de la Charte de la transition et l’agenda acceptés de commun accord par les citoyens burkinabè ;
– exhortons les autorités à tenir leur parole quant à la sécurisation du territoire et le retour de la paix dans notre pays ainsi que pour les délais de la transition ;
– appelons instamment à œuvrer à ce que cessent les atteintes et menaces contre les droits et libertés démocratiques garantis par la constitution, notamment la liberté d’expression et d’opinion.
Fait à Ouagadougou le 19 mai 2023
Pour le Collectif
Le porte-parole
Arouna Louré